La fracture numérique nous a été servie, à l’envie, durant la campagne des présidentielles de 2002. On pourrait croire que, 7 ans après, avec l’avènement des technologies (3g, wimax, re-adsl, satellite … etc) cette dernière a été réduite, et bien non ! Elle s’apprête même à créer le plus grand écartèlement sociétal que nous aillons connu depuis des générations. Mais il ne s’agit plus, aujourd’hui, d’opposer ceux qui peuvent accéder à Internet et ceux qui ne peuvent pas, mais ceux qui vivent avec Internet (les connectés) et ceux qui le subissent (les déconnectés).
Notre vie, en dehors de toute notion liée à la crise actuelle, subit une modification en profondeur. Le web est en train de redéfinir notre relation à l’information, à l’éducation, à la culture, à la consommation, à la communication, à la citoyenneté et, bien-sûr, à la politique. Il est en train de donner le tournis à toutes les idéologies : son univers, immatériel et tellement riche, ouvre l’accès au savoir tout en bloquant la possession et la privatisation de celui-ci.
Un combat titanesque s’engage par les déconnectés, tenants du pouvoir (économique et politique) pour tenter de contrôler cet univers, afin de ne pas perdre leurs prérogatives sur la population. Mais la maladresse avec laquelle ils combattent et la manifeste méconnaissance de leurs opposants ne laisse planer aucun doute sur l’issue du combat. Leurs armes ont une génération de retard et leurs outils de communication sont infiltrés et détournés. Les lois qu’ils font voter dans ce cadre sont inapplicables car extérieures au système qu’elles sont censées légiférer. Ils vont devoir faire face à l’arrivée de la politique sur les réseaux sociaux desquels ils sont absents. Ils feront, peut-être, illusion quelques temps, mais l’arrivée lente et inéluctable de la génération des connectés aux affaires et à la politique les exclura irrémédiablement de la sphère du pouvoir. Les connectés seront-ils meilleurs ou pires ? La question se posera plus tard. Pour l’instant, une seule certitude : rien ne sera plus comme avant.
Cette évolution commence, d’ailleurs, à être bien visible et à faire bouger les lignes. Hadopi n’a pas opposé la droite et la gauche mais bien les déconnectés aux connectés. C’était la première fois (même si la Dadvsi avait ouvert la voie) que les connectés se sont rassemblés, au-delà de leur idéologie politique, pour lutter contre une charge envers leur mode de vie. Et pour une première fois, on ne peut pas dire qu’ils aient été ridicules ou laminés. Imaginons alors la seconde, la troisième … et les suivantes. Le combat risque de vite devenir inégal. Aux Etats-Unis déjà, même avant l’Hadopi, on a vu l’influence de la campagne numérique d’Obama et combien elle lui a permis de ratisser très au-delà de son environnement idéologique proche et d’obtenir une victoire plus ample que prévue.
Les déconnectés sont encore au pouvoir. Mais leur nombre total tend à diminuer au profit des connectés par le simple effet du remplacement générationnel. Ils s’entêtent à défendre des idées qui n’ont pas leur place chez les connectés, à lutter contre l’avènement du numérique plutôt que de s’y intégrer. Mais combien de temps faudra-t-il pour que cette collision des paradigmes ne se transforme en un changement général de paradigme ?