Colombie : j’avais raison ! En 2008, c’était bien un coup de la CIA !
Souvenez-vous donc : c'était le 3 mars 2008 ici-même sur Agoravox. Il y a plus de 5 ans déjà. Alerté par la vidéo d'une Ingrid Bétancourt cadavérique et au courant des tentatives françaises de l'extraire de sa géôle colombienne (le président Sarkozy y ayant vu un moyen de se faire mousser, en envoyant deux de ses émissaires -Noël Saez et le suisse Jean-Pierre Gontard- approcher Paul Reyes, le leader des Farcs susceptible de déclencher cette libération), j'avais décrit ce qui venait de se produire et qui risquait fort d'embarrasser la libération de l'otage franco-colombienne. Car, ce même Reyes avait vu son camp bombardé de façon fort particulière, comme je l'avais expliqué (par des bombes guidées par GPS que ne possédait pas l'armée colombienne !) et lui-même avait été tué, le pied arraché par l'explosion d'une bombe et deux balles dont une reçue en plein visage. Les railleurs habituels d'Agoravox ont tenté pendant plus de cinq ans de faire croire que j'avais alors "annoncé la mort de Betancourt" : aujourd'hui, ils en sont pour leur frais, car l'article en cause expliiquait surtout qui tirait les ficelles en Colombie, et ce n'était pas l'armée colombienne mais bien la CIA, ce que je démontrerai une deuxième fois avec une série d'articles sur la libération de Bétancourt, qui ne devait rien à l'armée colombienne, encore une fois et tout... à la CIA, qui avait cherché avant tout à libérer ses mercenaires et en aucun cas l'ex-député colombienne. Celle-ci avait profité de la mise en scène imaginée par les services secrets US pour être libérée, étant elle-même détenue avec les trois otages américains retenus après que leur avion-espion ait été abattu par les Farcs. Depuis hier, on a confirmation, donc, de ce que j'avais bien pressenti : c'est la CIA qui a été maîtresse d'œuvre en Colombie, et l'armée d'Uribe n'avait fait qu'être à sa remorque. A ré-entendre chanter sa gloire lors de la libération d'Ingrid Bétancourt, on ne peut aujourd'hui que sourire de façon amère.
Dans mon article, je m'étais interrogé sur la manière avec laquelle le camp de Reyes avait été repéré : " comment donc le gouvernement Uribe a-t-il pu localiser l’endroit exact où se trouvait Reyes ? C’est bien la clé de voûte de ce nouveau mystère. Il s’avère que l’armée colombienne, pour y arriver, a dû nécessairement et obligatoirement s’appuyer sur des moyens lourds de détection qu’elle ne possède pas. Et qu’un pays a dû lui prêter. Les Etats-Unis, et la CIA ont encore une fois agi dans l’ombre, comme nous allons vous le prouver maintenant." avais-je écrit. Ceci à partir des quelques données alors disponibles à la mort du décès du leader des Farcs : "Selon plusieurs sources militaires, des avions espions auraient localisé le commandant en interceptant une communication satellite. Un bombardement aurait alors été ordonné, au cours duquelReyes et une dizaine d’hommes auraient été tués." J'avais aussitôt dénoncé l' impossibilité pour l'armée colombienne, et notamment son aviation, de pouvoir le faire : "vérifiez, tout y est : l’armée colombienne était incapable seule de localiser le camp de Reyes. On apprendra plus tard que Reyes est mort des suites d’un combat au sol, ayant reçu deux balles, une dans le ventre et une dans l’œil. Sans l’aide des Américains et leurs moyens sophistiqués, c’eût été impossible de le découvrir. Reyes, engagé dans des pourparlers avec des négociateurs, était contraint d’avoir à communiquer vers l’extérieur, ce qui expliquerait son interception : sa fin brutale entraîne logiquement la fin de tout espoir de négociation, rendant le statut d’otage d’Ingrid Betancourt extrêmement fragile."
Or qu'apprend-on ajourd'hui, cinq ans après les faits ? Exactement ce que j'avais dénoncé ! "Un programme secret de la CIA a aidé le gouvernement de la Colombie à tuer au moins deux douzaines de dirigeants des Forces armées révolutionnaires de Colombie, l'insurrection rebelle aussi connu comme les FARC, a rapporté samedi le Washington Post . L'Agence nationale de sécurité a également fourni " une aide substantielle de l'écoute » pour le gouvernement colombien, selon le Post. Et les États-Unis ont fourni la Colombie avec un équipement GPS qui peut être utilisé pour transformer munitions régulières en « bombes intelligentes » qui peuvent tomber avec précision sur des cibles spécifiques, même si elles sont situées dans les jungles denses. En mars 2008, les forces colombiennes ont tué un haut commandant des FARC, Raul Reyes , dans un des nombreux camps de la jungle les rebelles exploités en Équateur, juste en face de la frontière. Le rapport du Post a déclaré samedi que la Colombie a utilisé des bombes intelligentes de fabrication américaine pour l'opération. Le rapport est basé sur des entretiens avec plus de 30 responsables américains et colombiens anciens et actuels, dont le Post a dit qu'ils parlant sous anonymat parce que le programme est toujours en cours". On ne peut pas être plus clair en effet ! Cinq ans après, ce que j'avais supposé se révéle donc exact. La CIA avait éliminé Reyes... parce qu'il était en train de libérer Bétancourt, mais pas les otages US.
Dans l'article "Les dessous des cartes de la libération d’Ingrid Betancourt (2e partie)" publié le 19 août, au lendemain même de la libération de Bétancourt, j'étais revenu sur le particularisme de la mort de Reyes. En relevant le détail qui démontrait l'impossibilité pour l'armée colombienne d'avoir effectué le raid mortel contre son camp. "Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Pour Reyes, le chemin du retour passait pour lui par Puerto Asis. Une piste en bitume abîmé, dévorée par le climat humide et avec fort peu de marquages au sol, est bien celle de Puerto Asis "Tres de Mayo" (le jour de la fondation de la ville) : c’est le chemin habituel du retour des missions contre les Farc du sud de la Colombie : quand on ramène en effet le corps de Reyes, tué en Equateur, rappelons-le, c’est par cet aéroport qu’il passe et non par Tres Aquilas ni San Jose. Situé à 248 m d’altitude seulement, avec une piste de 1 798 m (5 900 pieds) sur 40, l’aéroport accepte les petits cargos. Le corps ensanglanté de Reyes, le pied droit déchiqueté par une explosion avait été ramené de Puerto Asis à bord d’un très petit avion de transport, un CASA 212 colombien, reconnaissable entre mille à sa porte de chargement arrière. A propos des images du corps de Reyes, on constate qu’on a pris un malin plaisir à ne montrer que le haut, auquel on a rajouté une ou deux balles histoire d’accréditer la thèse officielle : ses jambes ont constamment été enveloppées dans le plastique noir réglementaire (ici un cliché de ses jambes, attention à la vue !) Un mort, ça s’utilise aussi pour une opération de désinformation. Ne pas montrer le pied déchiqueté du dirigeant des Farc a un but, celui d’accréditer la thèse d’une attaque par balles uniquement. A vous de trouver pourquoi, à ce moment-là, où les Tucanos ne sont pas encore prêts à recevoir leurs bombes guidées, on cherche à montrer qu’il n’y a pas eu de bombardement alors que les faits montrent le contraire. Cacher le bombardement du camp de Reyes, ne montrer que le haut de son corps, c’est cacher celui d’une implication directe de l’aviation américaine, rien d’autre. "
Et effectivement : comme à cette époque l'armée colombienne ne disposait pas de bombes guidées par GPS et même d'avions susceptibles de les larguer, on assistera dans les mois qui allaient suivre à une intense propagande sur ce thème ; laissant croire que l'aviation colombienne était capable de bombarder ainsi seule et sans assistance. La confusion provenait des dates de livraisons et de ce qu'avait annoncé Embraer. Le contrat pour 25 super Tucanos avait été signé le 7 décember 2005, entre trois et cinq appareils devant être livrés avant la fin 2006, mais en réalité le premier ne sera qu' avec retard, le 7 décembre de cette année. Les engins annoncés étaient décrits comme emportant un système FLIR "Brite Star" ; à savoir une "boule" munis de caméras thermiques et un désignateur laser installée sous l'avant du fuselage. On avait pensé à l'époque qu'un commando approché du camp avait pu servir d'illuminateur laser pour le lancement des bombes des Tucanos : or il n'en avait rien été. Les 10 bombes guidées larguées ce 1er décembre 2008 l'avaient toutes été par guidage par GPS. C'est l'emplacement du camp qui a avait été déterminé juste derrière la frontière avec l'Equateur, en pleine jungle : et sa détermination n'avait pas été le fait d'avions colombiens mais bien d'Awacs et de Crazyhawks américains, seuls engins assez sophistiqués pour détecter de faibles signaux comme ceux qu'émettait Reyes avec son téléphone satellitaire. L'armée colombienne seule ne possédait ni les moyens de détection ni les bombes nécessaires pour réaliser le raid, même munie de ses tous premiers Super-Tucanos.
On apprend aujourd'hui en supplément que lors du raid, ce ne sont pas les Super Tucanos qui avaient servi, justement, mais les bons vieux Cessna T-37 d'origine américaine de l'armée colombienne, transformés grâce à un programme secret de modifications : "tout d'abord, il y avait eu la question de la mise en place des bombes intelligentes sur un avion colombien. La Colombie n'avait pas de F-16. Raytheon, le fabricant du kit, a envoyé des ingénieurs pour comprendre comment monter l'appareil sur un avion. D'abord, ils ont essayé de le monter sur un Embraer A-29 Super Tucano de fabrication brésilienne, un aéronef à turbopropulseur conçu pour des missions de contre-insurrection à basse altitude . Mais pour fixer le câble qui reliait l'ordinateur au cerveau de la bombe dans l'habitacle il fallait percer trop près du réservoir. Au lieu de cela, ils ont modifié un vieux Cessna A-37 Dragonfly, un avion d'attaque léger d'abord développé par la force d'opérations spéciales des États-Unis au Vietnam et plus tard utilisé dans la guerre civile salvadorienne."
Selon le Washington Post, les américains craignaient qu'une fois le système installé sur tous les avions colombiens, Uribe ne soit tenté de d'en servir pour tuer tous ceux qui s'opposaient à lui. Alors, selon le journal, la CIA a mis au point un système de cryptage sophistiqué sur les bombes, de manière à ce qu'ils puissent en surveiller l'usage de près : "pour se garantir que les Colombiens ne serait pas tentés d'abuser des bombes, des responsables américains ont trouvé une nouvelle solution. La CIA maintiendrait le contrôle de la clé de cryptage insérée dans la bombe, qui décrypterait les communications avec les satellites GPS afin qu'ils puissent être lus par les ordinateurs de la bombe. La bombe ne pouvait pas atteindre sa cible sans la clé. Les Colombiens devraient donc demander l'autorisation pour certains objectifs, et si elles utilisées à mauvais escient, la CIA pourrait refuser la réception GPS pour une utilisation future des bombes.
« Nous voulions un signe d'arrêt", a déclaré un haut fonctionnaire impliqué dans les délibérations. Pour couper à travers la bande rouge initiale d'interdiction, les 20 premiers kits de bombes intelligentes - sans les clés de cryptage - ont été livrées par la CIA. Le projet de loi était de moins de 1 M de dollars. Après cela, la Colombie a été autorisée à les acheter par le programme de ventes militaires à l'étranger". Mais les faits été bien là : en mars 2008, la Colombie ne possédait donc pas de bombes GPS autres que celles que voulait bien lui céder les USA ! Et avait été sous le joug des USA pendant toute la phase d'élimination des leaders des Farcs. En Colombie on n'a pas envoyé de drone, mais le résultat a été le même : ce sont bien des assassinats ciblés auxquels on a assisté. Une façon de faire interdite juridiquement depuis la commission Church de 1976, aux USA. Les hors-la-loi ne sont pas nécessairement ceux auxquels on pense.
L'attaque du camp de Reyes avait ressemblé à celle de villages Viet-Congs : une fois les Cessna ayant largué leurs bombes avec précision, les Super Tucanos avaient suivi ; larguant des bombes conventionnelles. Et pour parachever le travail, on avait même ressorti un bon vieux C-47 muni de mitrailleuses de type Gatling, un "Puffy the Magic Dragon", engin qui avait semé la terreur jadis au Viet-Nam, chargé de mitrailler tous ceux qui auraient été tentés de s'échapper du camp ! Le second passage, celui des Tucanos, n'avait pour but que de dissimuler les cratères trop reconnaissables laissés par les bombes intelligentes larguées par les Cessna ! Une quatrième équipe venue à pieds, déposée non loin par hélicoptères pouvait alors visiter les ruines et collecter les corps, les armes restantes et les ordinateurs, qui seraient montrés comme trophées au public (on nous avait alors promis des "révélations" que personne n'a jamais pu voir !).
Le Post précise dans le même article que Reyes n'avait pas été la première victime de ce plan d'assassinat aérien. C'est Tomas Medina Caracas, connu aussi sous le surnom de Negro Acacio, commandant du 16e Front des Farcs, supprimé ainsi le 1 er septembre 2007, à l'aube, qui avait inauguré la méthode. Six semaines après, raconte toujours le Washington Post, c'était au tour de Gustavo Rueda Díaz, (connu sous le nom de Martin Caballero), le chef du 37eme Front, d'être tué alors qu'il était en train de téléphoner ! La presse avait évoqué des "bombardements" ou de "combats" pour les deux leaders, sans préciser lesquels exactement.
Evidemment, la collaboration avec l'armée colombienne n'a pas cessé avec la mort de Reyes : on songe aussitôt à une autre opération à laquelle aurait participé la CIA à moins de l'avoir entièrement planifiée : "après six semaines d'attente pour trouver les otages, la plupart des troupes du JSOC ont quitté le pays pour appuyer les missions ailleurs. Une unité est restée. Le 2 Juillet 2008, elle a eu le rôle de doublure utilisé dans la dramatique et bien documentée Opération Checkmate (Operation Jaque en colombien),
dans lequel les forces colombiennes se faisant passer pour des membres d'un groupe humanitaire trompé les FARC dans la remise des trois otages américains et 12 autres sans un seul coup de feu. L'équipe du JSOC, et une flotte d'avions US, avait été positionnée comme plan B, au cas où l'opération colombienne aurait mal tourné." En réalité, les deux équipes décrites ne faisaient qu'une, et c'est bien la CIA qui a ramené Bétancourt au bercail. D'où son empressement à saluer comme sauveur l'armée colombienne seule... pressée de le faire par l'actuel président, alors ministre des armées... les récits suivants appuyant sur le même mensonge entretenu (dans celui du Monde la fable d'un "César" voulant "mourir" est pendable !).
Et cela aussi je vous l'avais écrit noir sur blanc, en vous disant dans ma série sur l'Operation Jaque que dans le deuxième hélicoptère il ne pouvait y avoir que des gens de la CIA, ce jour là, puisque tous les préparatifs avaient été supervisés par les américains
(la peinture des hélicoptères effectuée dans des abris fournis par l'armée US, l'armement à bord dissimulé dans les vêtements étant celui des troupes spéciales américaines). Et là encore, j'avais eu à subir les quolibets et les sarcasmes de trolls, qui aujourd'hui, s'ils possèdent une once d'amour propre qui leur reste, ce dont je doute complètement, doivent se sentir bien petits, et bien ridicules à lire ces révélations attendues depuis 5 années. J'avais eu raison de bout en bout, en ce qui concerne la Colombie !
août 2011
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-dessous-des-cartes-de-la-43252
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-dessous-des-cartes-de-la-43324
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-dessous-des-cartes-de-la-43327
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-dessous-des-cartes-de-la-43405
mars 2011
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-xvii-le-paradis-de-90489
36 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON