Combattre un monstre nommé usure
La pratique de l’usure (prêt de l’argent avec intérêt) fut toujours très critiquée et même condamné le long de l’histoire. Aristote (384-322) disait que l’usure consiste en créer de la monnaie, c’est à dire de la valeur, en partant d’elle-même, quand, normalement, elle fut créée pour l’échange et non pas pour s´auto-reproduire. La tradition juive condamnait clairement cette pratique et ce n´est qu´après le retour de Babylone que le prêt fut autorisé avec intérêts pour les non juifs, exclusivement.
L´église chrétienne s´opposa à l´usure, au début de son histoire. Mais Calvin, au XVIème siècle la divulgua dans les pays protestants, et elle finit par être pratiquée en toute la chrétienté, en sauvegardant un principe, celui de pratiquer un taux modéré. Martin Luther (1483-1546) classifia de crime le prêt avec un intérêt excessif, et dans le droit anglais, jusqu’ au XVIème siècle, les usuraires pouvaient être traduits en justice.
Beaucoup de penseurs et philosophes condamnèrent cette pratique car, selon eux, non seulement elle handicape l’investissement comme permet que l´usuraire reçoive une rente sans fournir du travail. Les banquiers occidentaux, eux, par contre, nomment l´usure le “miracle” de l´intérêt composé. L’Islam, lors de la conquête de l’Arabie interdit la pratique de l’usure aux habitants convertis ; il est écrit dans le Coran que celle-là est un crime contre Deus. Le prêt, dans le système islamique est soumis à une morale positive et solidaire, le client est reçu comme un partenaire et appuyé de façon à ce que le résultat du prêt soit profitable pour les deux parties
Si dans le système islamique la concession de crédit est plus juste que dans système usuraire occidental lequel revêt, sans complexes, la forme sophistiquée d’un vol, dans le système bancaire chinois, le prêt répond d’une manière encore plus appropriée aux besoins des clients. Malgré la chute des exportations à cause de la forte récession qui s’abattit sur les États-Unis et l’Europe, la Chine sut résister à la tourmente, en concédant du crédit aux PME et aux particuliers. Elle put ainsi « démocratiser » la consommation en augmentant le pouvoir d´achat des couches pauvres ; en même temps, elle assura le fonctionnement de ses secteurs productifs. Comme la plupart des banques appartient à l’Etat, le gouvernement chinois les fit travailler pour la nation.
Aux antipodes de cette politique, les États-Unis et les gouvernements européens, dès le début de la crise, en 2008, se jetèrent sur l´argent des contribuables, pour y prélever les sommes colossales qui devaient empêcher les grandes banques de faire faillite. Comme nous le savons, la presque totalité du magot finit par atterrir dans les poches de banquiers et des actionnaires de leurs banques.
En Europe, la Suède opta pour une politique contraire aux intérêts des banquiers véreux et se tira d´affaires. Elle ne déboursa pas un sou pour aider son secteur bancaire. Elle préféra s´occuper, sérieusement, de la reprise économique. Son succès est si peu banal qu´au cours d´une rencontre du WEF (World Economic Forum), à Davos, ses gouvernants furent invités à s´expliquer sur leur « recette ». Ils dirent ceci : “Nous n´avons pas donné l´argent des contribuables aux banques. Nous ne l´avons pas utilisé pour couvrir les dépenses ou les pertes des industries non compétitives. L´argent, nous l´avons investi dans le développement et dans la recherche, avec un seul objectif : créer de nouveaux emplois. Nous avons mis en route une politique très active d´emploi et formation. »
En Islande, suite à la faillite des banques prises dans le tsunami américain des subprimes, un référendum imposé par le peuple pour déterminer si les banques devraient être sauvées avec l´argent des contribuables donna la victoire au Non, avec 93% des votes. Lors du cataclysme bancaire américain en 2008, les gouvernements des nations qui constituent le G20 auraient pu discipliner et moraliser le monde de la Finance, mais pour des raisons évidentes de soumission au pouvoir de Wall Street, ne firent rien.
En Europe, la crise économique de plus en plus meurtrière obligera les citoyens à se débarrasser des vieux réflexes politiques et du trop usé schéma gauche vs droite. Ça ne marche plus. Nos politiciens de droite comme de gauche, ou du centre ou des extrêmes s´offrent le meilleur des mondes ; ils surent se doter d´outils institutionnels qui, en leur garantissant les hauts salaires, bonnes retraites, privilèges, les comble d´un statut social bien au-dessus des citoyens qui les élisent ; ils fréquentent sans complexes la caste dorée des nantis de tous poils.
Si les peuples veulent cesser d´être les cocus de la « démocratie » il leur faudra repenser la société et combattre ses fossoyeurs. Pour cela il faut revenir à la case départ. Avant 1973, l´État français était maitre de sa monnaie, à l´abri de l´usure des banquiers, donc maitre de l´investissement public. Les mesures prises par le gouvernement de George Pompidou, sans aucune raison d´ordre économique, força l´état à s´endetter auprès des banques. Entre 1973 et aujourd´hui les intérêts accumulés atteignirent l´équivalent de la dette actuelle qui ronde les 1.717.3 milliards d’euros, 85,8% de la richesse nationale. En finir avec le système bancaire et financier que le néolibéralisme impose aux nations est, sans ombre de doute, le seul moyen de reprendre la maitrise de l´économie et de remettre la France sur les rails de croissance et de la prospérité. Aujourd´hui, une nouvelle expérience politique n´attend plus que le déclic citoyen pour mettre en marche le cycle civilisationnel qui permettra aux peuples de restructurer leurs nations et d´avancer vers l´avenir, sans peurs des cataclysmes économiques et sociaux.
Le système bancaire et financier est l´outil majeur du contrôle des forces économiques ; dans les états néolibéraux, il remplace l´économie de la croissance par l´économie de casino ; dans un vrai état de droit il garantira l´harmonie au lieu du chaos, la prospérité partagée au lieu de la prédation darwinienne.
L´état de droit ne se soumettra pas au pouvoir des banquiers et de leur système. Il leur barrera la route, en créant un système bancaire solidaire qui lui permettra de reprendre l´émission de sa monnaie nationale et de contrôler le crédit.
Au Portugal, un mouvement de citoyenneté, le Parti Progrès Justice Solidarité, vient de se lancer dans la course au pouvoir politique qu´il cherchera à prendre, par le vote. Sa première mesure sera la reprise de la monnaie et la sortie de l´Union européenne. Il se propose ainsi de relancer l´économie, en s´appuyant sur une banque centrale publique qui fonctionnera comme banque de dépôts et de crédit. Selon ce parti, l´état « en se libérant du piège du crédit des banques usuraires, deviendra maître de son budget (…), se mettra au service de la nation, concédera du crédit aux entreprises et aux familles, stimulera la croissance, (…) insufflera dans l´économie l´oxygène de la reprise et tuera, dans l´œuf, le monstre de l´austérité. »
La démarche de ce parti de la citoyenneté est simple : le modus operandi du système bancaire et financier néolibéral sera mis au ban de la société par un certain nombre de mesures coercitives de poids : « Les institutions bancaires privées, les banques de dépôts (commerciales) et les banques d´investissements et de crédit seront soumises à des règles strictes. Les banques commerciales ne pourront participer en des activités associées à des transactions dans les marchés d´obligations ou dans des opérations d´investissement. Une nouvelle forme de responsabilité (professionnelle, civile et pénale) sera appliquée aux administrateurs, patrons, traders et autres exécutifs de banques et fonds d´investissements. Elle vise assurer la transparence totale dans le fonctionnement de toutes les institutions financières et bancaires privées dans le pays. »
Le Portugal est ce pays qui avance, au galop vers un sous-développement annoncé. Et pourtant, dans cette Europe des citoyens cocus, d´autres pays devraient, sans perte de temps s´engager dans un changement radical de régime, en exorcisant, définitivement ses vieux démons, la droite et la gauche. Seul un élan inspiré par des valeurs humanistes réussira à rassembler les citoyens au sein des nations, et les nations au sein de l´humanité.
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