Combien coûte le passe navigo à 70 euros pour les Bobos et pour les autres ?
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Le mercredi 10 décembre 2014, le Stif a voté le passe Navigo au tarif unique de 70 euros, ce qui était une promesse électorale de la majorité régionale PS-EELV, malgré l'opposition des administrateurs de droite.
Le passe Navigo, mensuel ou annuel, est un forfait qui permet d'emprunter tous les transports de la région parisienne, bus, métro, trains et RER, qu'ils soient RATP ou SNCF, à quelques détails près comme par exemple Orlyval.
Cette mesure sera mise en place pour la rentrée 2015. Remarquons ce hasard qui amène une promesse électorale à se réaliser juste avant la fin de la mandature, et subséquemment, juste avant les nouvelles élections. Mais ne maugréons pas et saluons plutôt une promesse tenue. La majorité sortante étant pour et l'opposition contre, on peut en déduire que si cette mesure plaît au bon peuple, il en coûtera quelques sièges à l'opposition.
Actuellement, les tarifs mensuels des transports publics en Ile-de-France (RATP, SNCF, Optile) s'échelonnent de 67,10 euros pour la zone 1-2 jusqu'à 113,20 euros pour l'ensemble des cinq zones. A côté de lui, viennent s'agréger des tarifs de réduction pour chaque catégorie : collégiens, lycéens, chômeurs, démunis, etc. Des tarifs uniques viendront les remplacer pour chacune de ces catégories.
Cette simplification, étrange et inattendue tellement on est habitué à la complication, diminuera les frais de gestion pour les administrations de la RATP et de la SNCF et pour la programmation de tous les portiques. En effet et, contrairement aux Berlinois, des fortifications protègent notre réseau des resquilleurs. Donc, baisse des coûts liée à la simplification.
Quel usager y gagne et lequel y perd ? Pour les Parisiens, les proches banlieusards et ceux qui n'ont que 2 zones, il leur en coûtera une faible hausse pour passer des 67,10 euros mensuels aux 70. Mais les abonnés les plus excentrés économiseront jusqu'à quelque 500 euros par an. Bref, ce sont 4 millions de bénéficiaires, dont 1,5 million de tarifs sociaux.
Il faut prendre en compte qu'actuellement ceux qui déboursent le plus sont les plus éloignés et les moins biens desservis. Ils disposent des transports les moins fréquents, les moins sécurisés, les plus lents et les moins accessibles. Pour se rendre à une gare ils doivent souvent prendre la voiture et payer un parking, circuler dans des villes où les maires exècrent l'automobile et multiplient les ralentisseurs, les feux et les sens interdits. Souvent ils n'ont pas choisi d'habiter loin du centre de la métropole. Ils subissent cette situation faute de moyens pour acheter ou pour louer plus près. L'argent qu'ils ne mettent pas une bonne fois dans l'habitation, ils le jettent en pure perte et au fur et à mesure dans les transports privés ou en commun. Bilan : une hausse quasi imperceptible pour les uns et une baisse sûrement appréciable pour d'autres.
Pour les opérateurs, RATP et SNCF, les ressources ne viennent pas uniquement de la vente des titres de transport.
Les recettes de fonctionnement du STIF (Syndicat des transports d'Ile-de-France) en 2013 s’élèvent à 5 518 millions d’euros, dont 62 % (3 424 millions) est couvert par le "produit du versement transport" qui est une taxe sur les entreprises souvent collectée par l'Urssaf et basée sur la masse salariale. Plus le chômage augmente, plus les recettes diminuent et plus c'est difficile de subventionner les déplacements des chercheurs d'emploi.
Les contributions publiques, qu'elles viennent de la région (50 %) ou des départements, dont Paris (30 %), montent à 1 207 millions d'euros.
Recettes diverses et autres subventions publiques viennent en complément.
Pour l'année 2013, les dépenses de fonctionnement du STIF se répartissent comme suit, en millions : RATP : 1 994 (36 %), SNCF : 1 824 (33 %), OPTILE (entreprises privées exploitant des lignes d'autobus) : 642 (11 %). A cela s'ajoutent d'autres dépenses : l'autofinancement, les transports scolaires, les études et les frais courants.
Outre le fonctionnement, il faut ajouter les dépenses d’investissement qui se sont élevées à 615 millions d’euros, en progression en 2013 de 22 % par rapport à 2012, dont 75 % affectés au financement du matériel roulant (ferré et bus).
Les recettes d’investissement proviennent pour l’essentiel
- de l’autofinancement (318 millions d’euros), (51 %)
- du produit des amendes (142 millions d’euros), (23 %, étonnant, n'est-ce pas ?)
- de l’emprunt (80 millions d’euros) (13 %)
- et d’une subvention de l’AFITF (Agence pour le Financement des Infrastructures de Transport de France) pour 39 millions d’euros.
Le produit des amendes de police relatives à la circulation routière est une ressource importante : la part des amendes revenant à la région Île-de-France est versée pour moitié au STIF.
Remarque : ça ressemble à un principe Shadock : il faut encourager les gens à tricher, mais uniquement s'ils se font prendre. Plus ils fraudent et plus ils se font prendre, plus ils contribuent à l'investissement.
Je suis prêt à parier que les jours précédant l'application de la mesure des 70 euros, des contrôleurs verbaliseront les usagers égarés dans une mauvaise zone quoique détenteurs d'un pass payé plus de 70 euros. Pour mémoire, j'ai été verbalisé dans la partie du wagon de 1ère classe du RER pour avoir une carte 2ème classe alors que la partie 2ème classe du même wagon était bondée. Et cela juste avant que la 1ère classe soit supprimée dans les métros et les RER. Comme beaucoup, j'aurais préféré qu'on supprimât la 2ème classe et qu'on gardât la 1ère. Mais là-dessus non plus on ne on ne m'a pas demandé mon avis.
À fin 2013, 2 901 millions d’euros restent à financer sur l’ensemble des projets d’investissement décidés par le STIF depuis 2006 qui se décomposent de la manière suivante :
- 553 millions d’euros pour les infrastructures ;
- 871 millions d’euros pour les investissements dans la qualité de service (accessibilité, information voyageurs, sécurité…) ;
- 1 477 millions d’euros pour l’acquisition et la rénovation de matériel roulant.
De façon directe ou indirecte, le STIF finance 100 % des trains, métros, tramways et RER.
Quel est le coût de la mesure ? Toujours difficile à chiffrer pour une prévision, elle serait 485 millions d'euros pour 2016 selon un rapport soumis en février 2015 au Conseil du Stif.
Soit à la louche 10 % du budget total (fonctionnement + investissement) du Stif.
De son côté, Valérie Pécresse, challenger aux prochaines élections régionales de décembre 2015, a chiffré le coût de la mesure pour la Région à 313 millions d'euros par an
Les députés ont voté une hausse de la taxe sur les entreprises (versement transports) qui devrait rapporter 210 millions.
La Région doit abonder la soulte, si possible sans toucher au budget Transports, et donc aux investissements qui sont si importants pour l'amélioration d'un réseau vétuste et saturé : la rénovation complète des cinq lignes de RER est estimé à 2,5 milliards d'euros.
J'ai trouvé un coût inattendu qui concerne les fonctionnaires.
Si les franciliens sont dans l’ensemble favorisés par ces nouveaux tarifs, il n’en n’est pas de même pour les fonctionnaires de province travaillant en Île-de-France ou travaillant uniquement en province.
En effet, contrairement aux travailleurs du secteur privé, dans la fonction publique le niveau maximum de remboursement par l’employeur est fixé par l’article 3 du décret n° 2010-676 du 21 juin 2010. Cet article fixe le plafond de remboursement par l’employeur à 50 % de la somme des tarifs des abonnements annuels cumulés permettant d’effectuer depuis Paris le trajet maximum et le trajet minimum compris à l’intérieur de la zone de compétence de l’autorité organisatrice des transports de la région Île-de-France. Il est bien évident que laissé en l’état cet article, cela se traduirait pour l’ensemble des fonctionnaires de province qui ont une prise en charge actuelle de 80,66 euros par mois à un remboursement à hauteur de 35 euros soit une perte mensuelle de 45,66 euros par mois.
Je vous ai livré tels quels les deux paragraphes mais j'avoue n'avoir pas suivi le raisonnement qui signalerait un hausse du coût pour certains fonctionnaires.
Outre les hausses et les diminutions de coûts directs, quelles seront les répercussions indirectes, comme les investissements dans la réalisation des métros du Grand Paris ?
Est-ce que la mesure du pass Navigo à 70 euros va affecter les prolongements des lignes actuelles et la créations des nouvelles :
- de la ligne 4 jusqu'à Bagneux, sur 3,3 km avec trois nouvelles stations. Objectif de mise en service : 2019
- de la ligne 11 de Mairie des Lilas à Rosny-Bois-Perrier avec 6,3 km supplémentaires et 6 nouvelles stations, desservant 5 communes du 93. Objectif de mise en service : 2019
- de la ligne 12, à Front Populaire et à Mairie d'Aubervilliers (2ème phase)
- de la ligne 14, de Saint-Lazare à Mairie de Saint-Ouen, pour désaturer la ligne 13. Objectif de mise en service : 2017.
- de la ligne 14, au sud, vers Orly
- de la ligne T1 Extension est (Noisy-le-Sec - Val de Fontenay) : 15 stations sur 8 km
- de la ligne T3 Extension ouest (Porte de la Chapelle - Porte d'Asnières) : 8 stations Quatre nouvelles lignes
- de la ligne T5 Nord de Paris (Saint-Denis - Sarcelles) : 16 stations sur un tracé de 6,6 km
- de la ligne T6 Sud -Ouest de Paris (Chatillon - Viroflay) : 21 stations sur un tracé de 14 km
- de la ligne T7 Sud de Paris (Villejuif - Athis-Mons) : 18 stations sur un tracé de 11 km
- de la ligne T8 Nord-Est de Paris (Saint Denis - Epinay et Villetaneuse) 17 stations sur un tracé en fourche de 8,4km Les prolongements de tramway mis en ligne fin 2012
- toutes les lignes du Grand Paris.
Mais quel que soit leur coût, toutes ces infrastructures ne dépendent pas que de l'état des finances.
Pendant la campagne municipale de l'an dernier, j'avais proposé qu'une gare désaffectée d'une commune limitrophe soit remise en service. Les candidats de cette commune s'y étaient opposés fermement de peur des razzias de "la racaille", préférant renchérir les déplacements de leurs électeurs et grossir les embouteillages chez leurs voisins.
Et ce week-end, près de 300 personnes des cossues Livry-Gargan et Pavillons-sous-Bois ont manifesté en Seine-Saint-Denis contre la future branche du tramway T4, censée désenclaver les communes voisines de Clichy-sous-Bois et Montfermeil et leur populace. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Promis en 2006 par Jacques Chirac, devant déjà fonctionner selon le planning initial, le T4 est crucial pour Clichy-sous-Bois et Montfermeil, d'où à défaut de tramway étaient parties les émeutes de 2005.
Voilà une première réponse à l'évaluation du coût du Passe Navigo à 70 euros pour les Bobos et les Cocos, les Pépés et les Papas, les Titis et les Tontons, et les autres.
Références :
Beaucoup de quotidiens
http://www.intercocfdt.com/modules/news/article.php?storyid=168 Cet article est publié dans SAISIE, téléchargez ici http://www.allochomage.com/10637-pass-navigo-70-euros-date-mise-en-place-du-tarif-unique.html
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