Comment défendre nos valeurs ?

Mais d'abord, qu'est-ce qu'une valeur ? C'est une chose désirable à laquelle adhère le corps social et qui aspire à revêtir une portée universelle. Il existe trois types de valeurs, chaque type correspondant à une catégorie d'intelligence : les valeurs créées par l'intelligence physiologique sont communes à tous les humains. Nous les appellerons les valeurs humaines. Les valeurs liées à la conscience sont celles de la connaissance et celles qui résultent de la conscience (valeurs identitaires qui naissent de la conscience de soi et de la conscience d'un groupe auquel nous appartenons). Enfin, il existe les valeurs qui sont créées par la seule pensée ; ce sont les valeurs rattachées aux idéologies et aux idéaux. La morale en fait partie.
Les valeurs humaines
Les valeurs humaines reposent sur notre nature commune d'êtres humains. Tout être humain souffre et, de ce fait, il intègre une valeur commune qui est la compassion. Tout être humain a peur de la mort et de l'au-delà et, par conséquent, respecte les valeurs de préservation de la vie et de la sépulture. Enfin, tout être humain aspire à vivre en paix pour préserver sa vie et celle de sa famille. Il défend les valeurs de l'hospitalité, de la parole donnée, du respect réciproque. Si les valeurs humaines sont communes, c'est parce qu'elles sont liées à la condition humaine qui est commune à tous les hommes et à toutes les femmes. En outre, elle est issue de l'intelligence physique, la forme d'intelligence la plus primaire, la plus proche de la réalité universelle, la plus authentique, la plus vraie.
Les valeurs humaines se déclient en troi ssou-catégories : celles qui se rattachent à la nature (le respect de toute vie, de la souffrance...), celles qui relèvent de la nature humaine uniquement (dignité humaine), et celles qui participent de la société humaine (règles de la civilité, par exemple).
Les valeurs identitaires
Les valeurs identitaires sont celles d'un groupe qui se reconnaît dans un certain projet social et qui fonde sa cohésion sur des valeurs qu'il partage. Elles naissent de la deuxième forme d'intelligence qu'est la conscience. Au sein de cette intelligence, c'est la fonction de conscience de soi qui en est l'origine. Puisque la conscience de soi inclut aussi la conscience de soi au sein du groupe.
Quand le groupe se sent menacé, il a tendance à se cramponner à ces valeurs et fait bloc pour lutter contre les valeurs des groupes perçues comme menaçantes. C'est ce qui différencie nettement les valeurs identitaires des valeurs humaines qui, elles, ne créent pas de division ni de crispations. Il serait, par conséquent, sage de toujours préférer les valeurs humaines - universelles, réelles, et consensuelles - aux valeurs identitaires. Mais ce n'est pas l'attitude qui l'emporte à chaque fois qu'apparaissent de fortes tensions interhumaines.
La rixe qui a éclaté sur la plage de Sisco en Corse en est un parfait exemple. Chacun aurait dû avoir en tête l'une des valeurs humaines les plus évidentes : l'idée selon laquelle la nature est à tout le monde et n'appartient à personne. Ainsi les Corses ne devaient pas s'estimer légitimes à revendiquer un droit de contrôle - même éphémère - sur le rivage, le simple fait d'être autochtone ne remet pas en cause fondamentalement le droit humain, universel, de tout un chacun d'accéder à ce bien commun naturel. De la même façon, les musulmans n'avaient aucune justification légitime, au regard des valeurs humaines, pour tenter d'interdire l'accès - même momentanément - aux passants. La mise en avant d'impératifs religieux ne vaut rien pas face aux valeurs humaines universelles.
Autre valeur humaine bafouée par les deux camps, l'hospitalité. Cette valeur humaine impose aux deux camps une obligation réciproque qui consiste, pour les uns, à accueillir respectueusement et avec bienveillance les visiteurs et, pour les autres, à se conformer aux règles et aux moeurs de leurs hôtes en leur présence.
Au lieu de cela, deux types de valeurs identitaires se sont opposés dans la violence, foulant au pied l'humaine conception du vivre ensemble. Le réflexe communautaire l'a emporté sur le sentiment d'appartenance commune à une même espèce.
Les valeurs universalistes
Ces dernières valeurs sont du domaine de l'activité de la pensée. On peut voir deux grandes idéologies universalistes s'affronter aujourd'hui : les Droits de l'Homme et l'Islam, deux sytèmes de pensée qui aspirent à s'imposer partout comme références absolues. Ce sont des valeurs qui aiment célébrer des victoires par ce qu'elles sont de nature conquérante et hégémonique.
Il existe deux grandes différences qui les opposent. Les Droits de l'Homme proclament l'émancipation totale des individus auxquels ils accordent de larges droits et une liberté quasi absolue. Les pays musulmans, eux, n’ont pas adopté cette émancipation totale et considèrent qu’un certain contrôle de l’individu par le religieux reste nécessaire ; ils limitent volontairement et encadrent leur liberté, plus particulièrement, celle de la femme.
Seconde différence de taille, l'Islam part du point de vue des valeurs pour descendre vers les individus, alors que la Déclaration de 1789 n'est rien d'autre qu'une proclamation de l'individualisme axée principalement sur les droits accordés aux individus. Elle proclame des valeurs qui conduisent à des principes pour, finalement énoncer des droits. C'est ainsi que, lorsque les deux systèmes viennent à se confronter, nous Français nous réagissons en agitant la question des droits de la femme. En France, tout n'est plus que droits et revendications individuelles. En terre d'islam, les valeurs sont au-dessus des individus.
De façon générale, toutes les valeurs qui se rattachent à un idéal sont des valeurs de type universaliste.
Parmi les valeurs françaises, il y a les valeurs universelles réelles (celles qui s'attachent à protéger la vie, par exemple), mais il y a aussi les valeurs spécifiquement françaises (laïcité entre autres) et enfin les valeurs universalistes (droits de l'homme notamment). Seules les premières peuvent être imposées à tout individu et surtout doivent l'être. En effet, il semble que notre pays soit réticent à les appliquer à certains groupes de personnes humaines : Roms, réfugiés, femmes portant la burkini...
Quant à la valeur française de laïcité, nous avons les plus grandes difficultés à la définir précisément. Comme c'est souvent le cas dans notre pays, on entend presque autant de points de vue sur cette idée qu'il existe de citoyens. Ce qui ne nous empêche d'ailleurs pas de prétendre vouloir appliquer cette valeur avec le plus grand zèle et de la façon, la plus étedue. Il y a là dans cette attitude un grand paradoxe et un danger latent pour notre démocratie.
C'est que les Français sont des théoristes qui veulent toujours débattre des idées sous l'angle le plus absolu, d'où des disputes interminables. La question de la déchéance de la nationalité est l'emblème de cette tendance qui refuse à régler concrètement les cas avec pragmatisme, préférant les grandes envolées intellectuelles et les joutes verbales sans fin. Nous glosons et pérorons sans cesse, nous nous invectivons, et les choses s'installent pendant ce temps et prennent la forme du fait accompli.
Mais il faut dire que nous envoyons aux contrevenants à nos règles de vie des messages très contradictoires, qui sont le fruit de nos propres contradictions. Nous leur demandons de s'intégrer et de changer leurs comportements mais il n'existe pas deux Français pour se mettre d'accord sur la manière dont il faut qu'ils changent les choses. Normalement, l'Etat devrait intervenir, en sa qualité de garant de la paix civile, mais au contraire, il esquive toute question.
Puisque nous sommes livrés à nous-même, veillons avec force et prudence à défendre nos valeurs sans excès et surtout en les respectant, c’est-à-dire sans les dévoyer ni les tordre en fonction de ce qui nous est agréable ou désagréable, sans faire de distinction entre les gens. Sans quoi, en pensant défendre nos valeurs, nous les fragilisons. N'abusons pas des restrictions aux libertés, car c'est le principe de notre démocratie est "tout ce n’est pas interdit est permis". Les abus circonstanciés doivent faire l’objet d’arrêtés pour faire cesser le trouble ou prévenir sa reproduction. La liberté existe a priori et sans autorisation, ce fut le vœu des Révolutionnaires. Les contrôles et interdictions ne se font qu’a posteriori et toute atteinte à la liberté doit être justifiée.
Cessons aussi de donner à chaque fait divers, à chaque problème quotidien, une dimension idéologique et cessons de débattre constamment dans l'absolu. Au lieu de fantasmer sur les dangers futurs ou imaginaires, ou de tenter vainement de deviner les intentions qui se cachent derrière certaines postures, convenons de donner la priorité au règlement pragmatique des problèmes déjà présents et qui nécessitent notre attention la plus urgente : la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, le combat contre les pratiques imposées, tels les menus religieux, les comportements de certains maris musulmans qui agressent les personnels soignants au prétexte qu'il est masculin et qu'il porte atteinte à la pudeur de leurs femmes même s'ils portent des gants et qu'ils font leur métier.
Soyons moins passionnés, moins bavards et faisons appliquer le droit - sans discrimination, ainsi que nos principes républicains et laïcs, sans excès. Cela signifie tout simplement, par exemple, de ne pas prendre un arrêté général d'interdiction du burkini sur les plages. Chaque arrêté doit être pris de façon responsable en considération des circonstances de lieu, de temps, du risque de trouble réel encouru, et des intentions manifestées. Ainsi, on ne peut pas interdire l'accès à une plage comme on peut réglementer l'accès et la tenue pour entrer dans une piscine. On ne peut pas non plus invoquer le traumatisme de Nice pour prendre un arrêté d'interdiction absolue à Cannes. Mais il est en revanche obligatoire de faire cesser tout trouble qui serait causé par des croyants qui voudraient imposer leurs idées dans l'espace public, encore faut-il bien entendu que cette intention soit manifeste. Le simple fait, pour des croyantes convaincues de se promener (et non de s'afficher, comme on le dit trop vite sans avoir vérifié les intentions) sur la plage en burkini, pour respecter les lois de leur dieu, n'est pas une atteinte à notre mode de vivre ensemble ni aux règles de civilité. Attenter à cette liberté, c'est attenter à la Liberté, c'est saper nos propres valeurs. Soyons circonspects autant que vigilants, respectueux autant que fermes.
Conclusion
Nous avons évoqué ce sujet brûlant en guise d'exemple de ce propos philosophique sur les valeurs mais il est bon de le compléter par une évocation des autres valeurs qui découlent aussi de la première forme d'intelligence (l'intelligence physique). Il s'agit des valeurs liées au corps, des valeurs du sport. Celles-ci exaltent l'effort physique, le sens de la lutte saine et régulière, le dépassement de soi, ainsi que le respect de l'adversaire, mais aussi le plaisir. De nombreux athlètes français des JO de Rio ont déclaré aux micros de la télévision "prendre du plaisir", "vivre pleinement", "à 100 % !"
Le plaisir, même dans le sport, est enfin revendiqué. Vive les valeurs humaines qui rassemblent tous les êtres humains !
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