Comment distinguer un dictateur de son voisin de palier (II)
Hier, nous avons vérifié quelques points permettant de distinguer un dictateur de ses congénères. Aujourd’hui, je vous en propose d’autres : leur descendance, leur garde-robe, la publicité autour d’eux (la propagande), leur façon de manger, etc. Si, après ça, vous confondez encore Khadafi avec un bec de gaz, c’est à désespérer, ou alors vous êtes déjà mort où au fond d’une geôle dictatoriale. N’oubliez pas d’observer attentivement votre téléviseur régulièrement, afin de vérifier de visu ce que je peux bien vous raconter. Vous verrez, c’est plein d’enseignements.
Question reproduction, c’est un peu comme leurs congénères : les dictateurs font aussi des enfants. Malheureusement le plus souvent à leur image. C’est à dire plutôt veules. Ou parfois à côté de la plaque (dentaire ici pour le fils de Kim Jong Il). Souvent, ce qui les tente, c’est de reprendre tranquillement le petit commerce savamment mis en place par leur papa. Et parfois aussi de s’imiscer tranquillement dans la vie démocratique nouvelle, sans trop raser les murs pour autant, et avec disons... toujours le même "franc parler" du père défunt. Certains ne sont pas franchement aidés, tel celui portant le doux nom d’Hannibal, par exemple. Impossible de trouver aute chose que de la terre battue (ou des femmes battues) sur son passage. C’est souvent avec les rejetons turbulents qu’on commence à comprendre le mot immunité diplomatique, d’ailleurs.
Question garde-robe, alors là l’une des constantes c’est le goût pour les uniformes d’apparat. A côté, Michael Jackson dans sa meilleure période fait pâlichon avec ses brandebourgs (Franco, Bokassa, Idi Amin Dada, Duvalier).
Cela pour la tendance ancienne, chez les dictateurs. Chez les modernes,
on en arrive même aujourd’hui à quitter régulièrement la cravate, pour
faire plus moderne, mais, invariablement, c’est pour en revenir au noir
intégral, façon Men in Black. Un vrai dictateur moderne, ça ne se fringue jamais comme Austin Powers (on rappelle ici que le comble c’est notre cher Idi Amin, qui possédait un veston muni de décorations rocambolesques, tel cet insigne du premier saut en parachute dans un club de vol à voile). Les petits chapeaux ridicules sont assez répandus (Saddam Hussein, Khadafi), et les vêtements de couleurs assez peu voyantes (euh il existe une exception de taille).
Votre voisin de palier n’ouvre pas sa porte tous les jours. Le dictateur lui, par définition, est présent partout, vous le croisez tout le temps en fait, même sur les murs. Avant, les dictateurs faisaient imprimer des milliers de portraits que les gens devaient encadrer chez eux et accrocher, sous peine d’avoir la visite de la terrible police des cadres du régime (securitate), chargée de vérifier si c’était bien disposé selon les règles (et pas la tête en bas, par exemple, crime punissable du même sort, mais pendant vingt ans). Dans les lieux publics, idem : pas un bâtiment sans portrait du grand héros. Une peinture, plutôt qu’une photo, ça évitait ainsi de faire remarquer les rides du temps du dictateur. Retoucheur de dictateur était un boulot envié (euh... sauf pour ceux qui rataient les retouches !). Dans les rues, des pans de murs complets du même tableau, ou des variantes selon des thèmes précis : le dictateur au champ, le dictateur visite l’entreprise, le dictateur serre des mains, le dictateur descend de la passerelle d’avion, le dictateur visite la maternité ou libère des infirmières bulgares (mince elle m’a échappé celle-là), le dictateur au défilé du 14 juillet, etc.Tout ce dispositif finissant par coûter un argent fou, les dictateurs modernes ont trouvé plus simple et moins onéreux : utiliser la télévision, qui sert à faire tourner en boucle les nombreuses visites dans le pays du dictateur, des vues sélectionnées par les envoyés du dictateur pour surveiller le contenu à l’antenne. Des films à sa gloire sont projetés, tous tournés sur le modèle des films d’Elvis Presley (à l’armée, à Hawaï, etc). Tous les dictateurs aimant Elvis Presley pour des raisons qui m’échappent (Carlos Menem). La télévision, c’est moins cher et, surtout, ça évite de nettoyer les rues quand le dictateur est renversé, car les gens évitent de balancer leur téléviseur à la place des portraits décrits, alors vandalisés ou souillés au pied, scène d’après-dictateur vue partout. C’est de là d’ailleurs que doit venir l’expression "celui-là, je ne peux pas l’encadrer". Autre moyen simple de se rappeler au bon souvenir de la populace : faire imprimer les billets de banque à son effigie. Le timbre-poste aussi, quoique lécher le visage d’un dictateur... pouah, fort peu pour moi. Evidemment, rien à voir avec des gens qui ne sont pas dictateurs, mais qui collectionnent eux aussi depuis leur plus tendre enfance.
Dans la garde-robe, la tradition veut aussi qu’on utilise des artifices pour cacher les insuffisances physiques du dictateur. Beaucoup on fait faire fortune au Dr Gibaud et à sa ceinture, censée effacer les bedaines naissantes, d’autres ont recours aux bretelles pour remonter tout ça, certains se sont faits greffer des cheveux, à défaut d’un cerveau (Kim Jong-II), ayant ainsi recours à des postiches, sans pour autant faire partie du gang du même nom (quoique...). D’autres enfin se font faire des chaussures rehaussées, l’autre constante étonnante étant qu’un nombre effarant de dictateurs sont de petite taille (Franco, vraiment minuscule), une question qui laisse passablement perplexe un bon nombre d’observateurs et de psychologues, qui en concluent tous à une ascension vers le plus haut sommet du pays vécu comme une revanche sur les méchancetés de l’enfance ou d’un vécu difficile de bac à sable. Tout se passe avant 4 ans, chez les dictateurs comme les autres.
Question mangeaille ou boisson, étonnamment, le dictateur est plutôt... sobre. On a trop le souvenir de beuveries et de ripailles dans la royauté française, le style Poule au Pot façon Henri IV, ce joyeux pornographe, mais plutôt façon pochette de Beggars’Banquet pour qu’un dictateur du XXIe fasse de même aujourd’hui. De toute façon, inculte, il ignore qui est Rabelais. Adieu poulardes et venaisons, le dictateur est un vrai chameau : il mange peu et boit peu. Des macarons, à l’occasion des visites dans le pays, sans plus. Peur de l’intoxication, sans doute, la paranoïa n’étant jamais loin, et les goûteurs de nos jours hors de prix (où alors ils font les 35 heures ce qui ne résout rien, en fait, en cas de RTT hebdomadaire). Ou plus prosaïquement encore, on découvre plus tard (après sa mort) que sa coiffeuse de femme était bien incapable de lui mitonner un plat correct. Le dictateur a donc soit une armada de cuisiniers à disposition, soit un abonnement à vie dans divers restos. Pourtant, chez lui, ce n’est pas le matériel qui manque : chez un dictateur, maison signifie palais et jardin... hacienda. Question déco, c’est pas leur fort, on l’a déjà dit. A part leur propre photo, il n’y a pas grand-chose d’artistique sur les murs chez eux, ou dans leur escalier, mais le bâtiment est immense (Ceaucescu).
Voilà ça vient, à la prochaine visite de Khadafi vous saurez le reconnaître au premier coup d’œil. Demain, on termine les révisions avec l’habitat et les services de sécurité. On n’est jamais trop sûr de soi quand on est dictateur.
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