Comment enchanter son entreprise en 2008 ?
C’est la question à laquelle des intervenants de renom ont tenté de répondre jeudi 11 octobre lors de la conférence de clôture du Salon des micro-entreprises au Palais des congrès à Paris.
Dans un premier temps je vais vous résumer la parole des intervenants et dans un second temps j’apporterai ma contribution personnelle à cette question. Attention mon résumé n’offre pas une traduction littérale des paroles des intervenants. Cependant le sens de leur discours y transparaît fidèlement.
Nicolas De Tavernost, président de M6
Pour
Nicolas De Tavernost, il faut pour conserver sa capacité à enchanter son
entreprise, se souvenir que l’on a été petit, mais aussi organiser son
entreprise en communauté et être toujours curieux.
Ensuite évoquant
son expérience à M6, Nicolas De Tavernost a rappelé que le parcours
d’une entreprise est parsemé de quelques choix décisifs sur lesquels le
chef d’entreprise doit savoir exercer son pouvoir de décideur. En vingt
ans, Nicolas De Tavernost estime avoir eu 6 ou 7 choix qui ont été
vitaux à la destinée de la chaîne.
La décision de porter à l’antenne l’émission Capital
a été l’un de ces choix. Si l’émission rencontra un immense succès, rien
n’était pourtant acquis au départ et notamment parce que traiter de
l’économie et de l’entreprise le soir à 20 h 40 était encore à l’époque
totalement impensable. La direction des programmes de la chaîne s’était
même opposé à cette idée. Le rôle de Nicolas De Tavernost aura été de
ne pas céder aux apparences, mais à exercer son pouvoir de décision avec
discernement.
Un pouvoir de décision bien mené est donc un levier déterminant pour la réussite d’une entreprise, selon Nicolas De Tavernost.
Joël de Rosnay, président exécutif de Biotics international
Joël de Rosnay nous invite, quant à lui, à adopter cinq lignes de conduite :
1. savoir "se débrancher" pour résister à l’info-pollution et
notamment apprendre à hiérarchiser ses emails et laisser son téléphone
portable sur répondeur pour apporter aux messages une réponse enrichie
et non appauvrie car trop instantanée ;
2. préférer un surcroît de
sagesse à un surcroît d’information. Joël de Rosnay nous rappelle que
des tas de gens ont déjà l’information que l’on peut tenter parfois
d’acquérir et qu’il ne s’agit donc pas tant de chercher à acquérir
celle-ci, mais plutôt à identifier les individus référents dans ce
domaine pour les associer dans un collectif ;
3. garder la tête
vide. Là encore il faut résister à l’illusion qui voudrait qu’en
amassant l’information on serait tiré d’affaire. Au contraire, cela
peut conduire à notre perte. C’est le vide qu’il faut savoir faire dans
sa tête pour qu’elle se remplisse de la bonne information au bon
moment. C’est d’ailleurs une des voie de la créativité ;
4. se
mettre en réseau. Nous bénéficions d’outils technologiques
exceptionnels (dont notamment Skype) qui n’attendent que d’être
utilisés dans le sens d’une association intelligente des individualités
et des compétences. La valeur ajoutée qu’il faut attendre de ses outils
est une création de contenus neufs et pertinents face aux défis de
notre temps. L’heure n’est plus au modèle pyramidal. Une entreprise qui
voudrait garantir sa présence sur le web ne doit plus imposer son
contenu en donnant quelques goodies au passage pour amuser
l’internaute. Elle doit plutôt offrir des outils en ligne de création
individuel et collectif et permettre ainsi aux personnes de créer leurs
bulles créatives. Le contenu généré par les utilisateurs est l’avenir
des entreprises pour Joël de Rosnay. A ce titre, il nous rappelle la
sortie fin octobre en France de la traduction du livre The Wisdom of Crowds (la sagesse des foules) de James Surowiecki ;
5. enfin 5e point, l’entrepreneur doit savoir se former, s’informer
et s’adapter. Là encore, il ne s’agit pas de retenir l’information que
l’on obtient, mais de continuellement chercher à être un diffuseur de
celle-ci, "un passeur de savoir" selon ses propres termes. Autrement
dit, nous devons nous attacher à faire que l’information coule et non
qu’elle soit thésaurisée comme une richesse matérielle. Retenir
l’information appauvrit, transiter l’information enrichit. L’information
n’a de valeur réelle que dans sa circulation.
Joël de Rosnay livra d’autres conseils dont :
éviter la pensée
binaire, celle du "vrai ou faux", "1 ou 0" ou encore "oui mais".
Préférer un mode de pensée qui introduit le "oui et".
Chercher l’innovation de rupture (disruptive innovation).
Luc De Brabandere, directeur Associé du Boston Consulting Group
Pour Luc De Brabandere, enchanter son entreprise et ses clients peut être atteint en suivant trois points :
1. retrouver la force de l’étonnement. C’est par l’étonnement que
l’on peut voir autrement ce que tout le monde voit et donc apporter du
neuf là où tout semble avoir été dit et fait ;
2. savoir douter.
Le doute n’est pas négatif. Bien utilisé il est une force qui conduit à
des remises en question salutaires. Croire que la réalité est figée
pour soi et son marché mène dans le mur. Il faut apprendre à douter
afin d’établir d’autres scénarii du futur pour son entreprise et y
cristalliser dedans une réalité en changement perpétuelle ;
3. renouer avec le questionnement. Le questionnement permet notamment
d’aborder sous un angle inédit le métier de son entreprise. Les
compagnies aériennes low cost sont nées du questionnement suivant :
comment faire que les personnes qui se déplacent essentiellement en bus
ou en voiture voyagent également en avion ?
Antoine Coubray, DG des éditions Atlas
Pour
décider de la meilleure manière de vendre un produit, Antoine Coubray
croit en la valeur des tests effectués auprès de la clientèle. Il
soumet ses visuels à des personnes et retiendra celui qui manifestera
auprès d’elles le plus d’engouement.
[Jacques Attali, programmé en tant qu’intervenant, n’était finalement pas présent lors de la conférence.]
Enchanter son entreprise et ses clients finalement a trait à des
capacités humaines que nous sommes tous disposées à exprimer avec plus
ou moins de brio.
Pour Nicolas De Tavernost, c’est la prise de décision.
Pour
Joël de Rosnay, c’est la capacité à prendre du recul sur l’information,
à garder la tête vide et à s’associer en réseau et encore à se former,
s’informer et s’adapter
Pour Luc De Brabandere, nous pouvons compter sur nos facultés d’étonnement, de doute et de questionnement.
Je voudrais maintenant vous faire partager mon avis personnel sur la question.
En tant qu’entrepreneur nous avons à notre disposition des technologies numériques performantes, mais la meilleure manière d’enchanter notre entreprise et nos clients vient effectivement de l’humain. Tenter d’exprimer les facultés humaines décrites par les participants est une voie. Une autre voie que j’estime royale est d’établir le contact avec sa singularité, la clarifier et la communiquer. Par singularité, il faut entendre ce qui en nous rend différent et donc unique, c’est notre talent authentique.
Toute
entreprise nait de la volonté d’une personne de porter sa différence au
grand jour. Fondamentalement, aucune entreprise ne ressemble à aucune
autre car toutes ont pour origine un homme ou une femme qui porte en
lui une offre unique.
La magie de l’enchantement opère quand un entrepreneur, fort de la connaissance qu’il a de lui, parvient à exprimer celle-ci en une offre qui par définition ne ressemblera à aucune autre et qui faisant sens à ses yeux trouvera une légitimité naturelle aux yeux des autres.
L’entrepreneur doit maintenir ce contact avec lui pour être une source perpétuelle d’enchantement et prospérer dans le temps.
Pour
réussir au XXIe siècle, nous pouvons compter sur nos technologies,
mais celles-ci ne pourront rien pour nous si d’abord nous ne savons pas
qui nous sommes individuellement et ce que nous avons chacun de
meilleur à offrir au monde. Dans l’ère de l’information, pour ne pas
être noyé par l’information, nous devons savoir quelle information
unique nous avons à livrer au monde.
Dans un tel schéma, la
concurrence n’a plus vraiment cours car, derrière chaque entreprise, il y
a une personne unique qui offre au monde sa différence.
Dès
lors que l’on s’affirme dans sa singularité, on se tient en effet à une
place où l’on ne concurrence plus personne, mais au contraire où l’on
complète l’offre de chacun comme les pièces d’un puzzle qui
s’imbriquent les unes avec les autres.
Dans une économie de
l’enchantement, les entreprises ne se livrent plus bataille, mais
coopèrent et sont solidaires car de la réussite des autres entreprises
dépendent leur propre réussite.
On le voit déjà à travers les blogs.
Sur un blog, on perçoit davantage la singularité d’un individu. On peut
l’apprécier d’une manière plus globale. En conséquence on a envie
d’aider son auteur à exprimer plus complètement cette différence en
commentant par exemple ses billets, avec à terme une forte probabilité
que celui-ci saura la transformer en une activité à plein temps
rémunérée. La réussite d’un blogueur est contagieuse. Souvent un
internaute non-blogueur qui commente les billets de blogueurs est un
blogueur en puissance qui s’ignore. Il lui suffirait qu’il se jete à
l’eau pour passer de l’autre côté et entraîner dans son sillon d’autres
internautes.
Il est probable que les blogs forment le socle, ou annoncent tout au moins, l’avènement d’une nouvelle économie du collectif et de l’enchantement où chacun est ancré dans ce qu’il a de meilleur en lui et l’offre au monde d’une façon cohérente et professionnelle.
Bref pour conclure sur cette approche personnelle et pour répondre à
la question de départ : Comment enchanter son entreprise en 2008 ?
Lorsque
nous parvenons à enchanter notre existence en vivant de façon
authentique ce qui fait de nous une personne spéciale alors nous
enchantons automatiquement, naturellement nos collaborateurs en
entreprise et nos clients.
Il n’est pas question en effet de
chercher des recettes marketing toutes prêtes pour enchanter le monde,
mais il est question de trouver sa source d’enchantement qui est en soi
et de maintenir le contact avec elle. Et c’est par la connaissance de
soi et de sa singularité qu’elle peut être révélée.
Tenir un blog est un bon exercice pour toucher du doigt notre singularité puis l’affirmer au grand jour.
Crédits Photo © Yuri Arcurs © Gautier Willaume - Fotolia.com
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