Comment gérer les luttes intestines palestiniennes
Les récents affrontements qui ont éclaté dans le camp de réfugiés d’Ain Al Hilweh, où vivent depuis longtemps les réfugiés palestiniens au Liban, donnent une image saisissante de la complexité qui sous-tend l’énigme palestinienne. Ces affrontements ont opposé des factions alignées sur le mouvement Fatah, sous la direction du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à des groupes associés à des entités djihadistes belligérantes.
Ce campement, qui existe depuis plus de sept décennies et constitue le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban, abrite plus de 60 000 personnes sur un total d’environ un demi-million de réfugiés palestiniens enregistrés et pris en charge par l’UNRWA au Liban. Parmi la douzaine de camps de Palestiniens disséminés dans tout le Liban, ce site a un poids symbolique considérable lorsqu’il s’agit d’aborder la question des dissensions internes entre Palestiniens.
En outre, il met en évidence les efforts déployés par le Liban pour établir et maintenir son autorité nationale à l’intérieur de ses frontières territoriales, transformant celles-ci en un lieu d’autonomie distincte, en particulier en ce qui concerne les questions de sécurité.
Les affrontements qui se sont déroulés à l’intérieur du campement ont déclenché une volée d’armes automatiques et antichars, jetant une ombre d’incompréhension et suscitant une série de questions approfondies dans ce récit. Le mouvement Fatah n’a pas hésité à faire des déclarations qualifiant les événements d’« acte lâche et odieux ». De son côté, la présidence palestinienne a souligné que la sécurité des camps était une « ligne rouge » inflexible.
Personnellement, je me demande pour qui ces « lignes » métaphoriques sont gravées, et combien de temps encore les Palestiniens utiliseront des mots à la mode et des titres qui attirent l’attention, sans une dissection précise de leurs problèmes ? Il est primordial d’aborder la réalité avec franchise et transparence, en évitant les généralisations abusives, les termes nébuleux et les insinuations dissimulées.
Il est clair que les dissensions internes palestiniennes qui se développent dans les territoires libanais imposent un lourd fardeau à un pays déjà aux prises avec un labyrinthe de crises profondes.
Dans une histoire qui s’étend sur plusieurs décennies, les crises en question poussent la souveraineté du Liban dans une zone qui a longtemps échappé à l’emprise de son appareil de sécurité. De plus, elle introduit une étincelle précaire qui attise les périls potentiels auxquels est confronté ce pays, déjà sous le poids d’autres milices déstabilisatrices (Hezbollah) dont les ficelles sont tirées par des mains étrangères.
La simple existence d’un conflit interne féroce à l’intérieur des frontières d’un Etat, sans qu’il soit possible de le maîtriser ou même d’exercer une influence sur lui, constitue une énigme qui laisse perplexe et dont la persistance défie la raison. Les États ne sont pas gérés de manière aussi désordonnée, et la résolution du problème des réfugiés ne devrait pas aller jusqu’à la création d’enclaves autonomes.
Même Najib Mikati, qui dirige le Liban, s’est vu contraint de s’entretenir avec les dirigeants palestiniens avant de prendre des mesures ou de donner des directives visant à mettre fin à l’agitation qui règne dans le campement niché sur le sol libanais.
Le terme « débridé » utilisé par Mikati, qui met en lumière les actions des entités palestiniennes qui ont considéré le territoire libanais comme leur terrain de jeu sans entrave, permet de dépeindre sans fard la réalité sous-jacente qui a alimenté les récents affrontements. Elle met également à nu la tapisserie complexe de la question palestinienne, aujourd’hui engluée dans le réseau complexe des courants géopolitiques, sous l’effet de divers catalyseurs. Le plus important d’entre eux est le schisme de longue date et les querelles acrimonieuses entre les factions, les mouvements et les organisations, engagés dans une lutte pour le pouvoir, le statut et les agendas bien loin du cœur de la question ou du bien-être du peuple palestinien.
Au fil des ans, un écho incessant de rhétorique sur le comblement du gouffre dans les rangs palestiniens a résonné.
Si seulement la moitié de ces efforts, facilités par de nombreux acteurs régionaux, avait été canalisée vers la recherche sincère de règlements et de solutions authentiques au cœur de la question, le paysage aurait pu être différent. Au minimum, une lueur de progrès se serait matérialisée dans le démêlage des problèmes dormants, en particulier le sort et les conditions de vie du peuple palestinien. Au point que certaines voix affirment aujourd’hui qu’atteindre l’idéal insaisissable de l’unité et de la réconciliation palestinienne est devenu encore plus difficile que de résoudre le problème même dont s’occupent ces dirigeants et ces entités.
En vérité, les accords signés au nom de la réconciliation partisane ont été plus nombreux que ceux directement liés à leur cause réelle.
La situation palestinienne s’inscrit dans un contexte arabe plus large, marqué par le schisme et la désintégration des différents pays. C’est un théâtre qui fuit le juste milieu et les voies du consensus, pour s’orienter vers la confrontation, les collisions et les matamorismes, une fois que les voies de la négociation ont été abandonnées.
Cette tapisserie arabe se reproduit avec des gradations et des étendues différentes, allant du Soudan jusqu’au cœur même du Liban.
Les conséquences du scénario palestinien ne pèsent pas moins lourd que les épisodes tumultueux qui se déroulent dans d’autres coins de la région arabe en proie à des conflits. La situation a suscité beaucoup d’empathie, non seulement à l’échelle internationale, mais aussi au sein du monde arabe. Il se fait l’écho du sentiment de beaucoup, le qualifiant d’« une cause juste défendue par des avocats ratés ». Hélas, dans tous les cas, les victimes sont les populations, qu’il s’agisse des Palestiniens ou de leurs compatriotes arabes, tous pris dans le feu croisé des jeux de pouvoir et de la suprématie des factions et des milices sur le caractère sacré de l’État-nation.
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