Comment le colonel Groussard a livré Paris en juin 1940
Tandis que Charles de Gaulle, sous-secrétaire d’État à la Guerre, était occupé à trouver en la personne du général Huntziger, fossoyeur du front à Sedan, un successeur à Weygand à la tête de l’ensemble des armées françaises, son ex-collègue de bureau, le colonel Groussard - dont nous avons vu que Jean Moulin le range parmi les Cagoulards - ouvrait les portes de Paris aux envahisseurs nazis. C’est lui-même qui l’a raconté dans un des livres qu’il a écrits après guerre.
Je ne reprendrai ici que quelques-uns des éléments que Françoise Petitdemange et moi avons rassemblés sur l’ensemble des agissements du colonel Groussard, ancien directeur de Saint-Cyr, devenu, après la catastrophe de Sedan, le chef d’état-major du général Dentz, gouverneur militaire de Paris, qui serait, lui, condamné à mort à la Libération, mais pas du tout pour ce qui s’était passé dans la capitale en 1940…
Et pourquoi donc ? Mais parce que toute la fine équipe de la Cagoule en aurait pâti très directement, et De Gaulle parmi elle.
Alors, Groussard ? Ce Groussard que Jean Moulin connaît si bien ? Ce Groussard, dont Edmée Deletraz - qui conduirait Klaus Barbie jusqu’à la réunion de Caluire le 21 juin 1943 - était un agent… Qu’a-t-il eu le front d’écrire après la guerre, à propos de son comportement à Paris en juin 1940 ?
Ceci, par exemple :
« Les corps d’armée avaient reçu l’ordre du G.Q.G [Grand Quartier Général] de faire sauter les ponts de la Marne et de la Seine, en amont du confluent des deux cours d’eau. » (Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange, Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ?, Éditions Paroles Vives 1994, page 395)
Il faut souligner qu’il s’agissait d’un ordre en provenance de l’autorité militaire supérieure du pays… en temps de guerre…
Mais d’un ordre qui pouvait avoir, comme conséquence, quelques destructions, s’apitoie le brave colonel Groussard qui ajoute :
« Aussi, en accord avec le général Dentz, pris-je le parti d’entrer en contact avec les commandants d’unités chargés de ces opérations et leur soulignai-je la gravité des catastrophes qu’ils allaient occasionner. Heureusement, beaucoup de chefs se rangèrent d’eux-mêmes à nos avis, et les hésitants purent entrer à temps en contact avec le G.Q.G. Et, au matin du 14, les destructions qui eussent été désastreuses, furent ainsi évitées de justesse. » (pages 395-396)
Comme on le voit : la Cagoule militaire était décidément très ramifiée…
Et voilà Paris rendu… aux Allemands, à l’abri des regards d’un bon peuple dont, dans la circonstance, Groussard paraît n’avoir rien attendu de bon :
« Si nous allons seuls à l’hôtel de Crillon en plein jour, nous serons exposés aux sarcasmes de la population, car enfin, il est humiliant et ridicule pour un général [Dentz] et un colonel [Groussard] français d’avoir à se promener en pleine guerre, en uniforme, les mains vides et sans gardien, dans une ville occupée par l’adversaire. » (page 396)
Mais les envahisseurs ne sont tout de même pas si mauvais bougres :
« Le lieutenant qui se trouvait là appela au téléphone l’Hôtel Crillon, et après avoir eu un entretien assez long avec, me sembla-t-il, Von Stutnitz lui-même, il se retourna vers nous et nous dit que le Général allemand acceptait de reporter la convocation à 22 heures. » (page 396)
Mis en regard de ce que Jean Moulin croyait, au même moment, être son devoir, le comportement du colonel Groussard est parfaitement ignoble. Mais, il faudra bien finir par s’en convaincre : la France d’aujourd’hui n’est évidemment pas du tout celle de Jean Moulin. C’est celle de Georges Groussard et de Charles de Gaulle, dont nous ne faisons que commencer à dire les turpitudes… à travers la lecture de leurs propres écrits.
Car ces gens-là ont le front de venir ensuite faire la morale au bon peuple… Et Groussard, lui aussi, s’y entend. Relevons-en quelques échantillons :
« Je crois être à même d’affirmer que la conduite d’une partie du peuple de Paris fut lamentable. » (page 396)
Pourquoi donc ? Parce que cette partie - laquelle ? je vous le demande - n’a pas bougé :
« Cette renonciation a constitué l’injure la plus grave pour la nation française et est bien la preuve de son abaissement moral d’alors. Elle contraste amèrement avec l’attitude glorieuse de Paris en janvier 1871. » (pages 396-397)
Voilà donc un Groussard qui se place du côté de la Commune de Paris… pour chapitrer le peuple parisien de 1940, qui n’a pas pris sur lui de faire ce que l’armée française - sous des chefs et ministres du calibre d’un Groussard ou d’un De Gaulle - s’était bien gardée de faire !...
Et Groussard de persister :
« Non, je l’écris avec regret, il n’y eut aucune tentative de réaction au sein de la population civile, il n’y eut aucune pétition priant les pouvoirs réguliers de procéder à une levée en masse ou même à une distribution d’armes. Il n’y eut rien du tout. Il y eut l’apathie. La population parisienne, au moins ce qui en restait, fit montre d’une indifférence totale et, à part les pillages auxquels j’ai déjà fait allusion, aucun incident digne d’être noté ne vint troubler l’ordre. » (page 397)
Mais voilà bien la putain reconvertie :
« Était-ce la conséquence des mesures que nous avions prises ? » (page 397)
… pour remettre Paris en mains propres aux hommes de "Hitler plutôt que le Front populaire", c’est-à-dire pour en finir, parmi tant d’autres, avec un Jean Moulin que la même fine équipe finirait par faire livrer à Klaus Barbie, trois ans plus tard.
Pour le bénéfice exclusif de qui ?
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