Comment pense un Iran plus radical ?
A certaines étapes de son développement politique, le régime des mollahs a laissé une latitude dans ce que l’on nomme l’équation entre modération et ligne dure. Il y a parfois un Ahmadinejad et d’autres un Khatami. Ça se passe ainsi depuis l’entrée en fonction du guide suprême Ali Khamenei.
Les débuts ont été consensuels, à savoir que Khamenei s’est assuré le siège du leader pour succéder à Khomeiny, tandis qu’Hashemi Rafsanjani s’est assis dans le fauteuil du président de 1993 à 2001. Cette équation a été le principal garant du passage de la phase la plus critique de l’histoire du régime des mollahs à l’époque.
Certes, la plupart des étapes du développement du régime des mollahs au cours des décennies précédentes ont vu une répartition des positions et des rôles entre le courant dit réformateur et le courant dur. Ce n’était pas seulement la présidence, mais le partage du pouvoir de toutes les institutions du régime, comme le Conseil de la Choura (parlement), le plus important dans le jeu de rôle.
Il va de soi que le courant de modération doit être resserré chaque fois qu’il s’agit d’institutions plus élitistes et influentes au sein du système, comme le Conseil des gardiens, le Conseil de discernement et le pouvoir judiciaire. Ce qui se passe maintenant, c’est que pour la première fois, le régime iranien est dépourvu de soi-disant modérés ou réformistes.
L’arène politique officielle de l’Iran les a complètement abandonnés. Toutes les institutions sont aux mains des durs et la compétition entre les durs et ceux encore plus. Quel est l’impact sur le comportement et la politique étrangère iranienne ?
Cette scène produit-elle un Iran totalement différent de ce qui précède ? Est-il vrai que le pire dans le comportement et l’approche iraniens est à venir ? La réponse à cette question n’est pas entre les mains du régime des mollahs. Elle dépend de l’environnement régional et international.
En d’autres termes, le paysage de la ligne dure iranienne a été méticuleusement dessiné pour faire face aux circonstances les plus délicates de l’histoire du régime. Le régime veut obtenir des rendements stratégiques pour s’assurer qu’il reste en place.
Il y a des données importantes qui doivent être analysées soigneusement. La première concerne la relation des mollahs avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cette relation, qui traverse actuellement une phase sans précédent, montre que les mollahs jouent leurs dernières cartes pour sortir de l’impasse des dures sanctions américaines.
Les mollahs ont longtemps tenu à maintenir leur relation avec l’agence internationale à l’écart de la relation tendue avec les États-Unis.
L’AIEA est le principal « témoin » que le collectif mondial peut invoquer pour connaître la vérité sur ce qui se passe entre Téhéran et Washington, ainsi que la validité des soupçons et des accusations portées par les services de renseignement et les milieux politiques internationaux à l’encontre du régime des mollahs en quête d’arme nucléaire.
Ainsi, risquer que les mollahs jouent la carte de l’AIEA et mettent à l’épreuve leur relation avec elle signifie recourir à une option quasi-suicide. Mais cette option ne vise pas nécessairement l’escalade vers la confrontation. Il s’agit plutôt de pousser au maximum la politique de la corde raide des mollahs avec la nouvelle administration américaine.
Les mollahs se rendent compte qu’ils ont de nouvelles règles stratégiques. L’AIEA se doute des secrets non découverts dans le programme nucléaire iranien. Des rapports sur de grandes quantités d’uranium enrichi à 60 % peuvent être rapportés pour renforcer leur position de négociation.
Certains pensent même que la ligne dure dans la gestion de la relation avec l’AIEA visait à l’inciter à émettre des avertissements sur l’approche d’un Iran nucléaire.
Comme ce fut le cas lors de la prise de parole du directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, et de son célèbre et récent avertissement sur le « génie » qui sortira de la « lampe, » ce que certains et moi-même voient comme plaisant aux mollahs, l’impact sur les négociateurs américains est beaucoup plus important que l’impact des menaces des dirigeants des mollahs.
C’est ce qui s’est produit lorsque le secrétaire d’État Tony Blinken a indiqué que l’Iran pourrait être à quelques semaines de posséder des matériaux pour armes nucléaires s’il continue à violer l’accord nucléaire.
Le Guide suprême iranien a donc décidé de faire un dernier pas dans la politique de la corde raide, de jouer toutes les cartes afin d’obtenir des concessions américaines majeures pour lever les sanctions sévères. Cette manœuvre nécessite de changer le visage du régime et de porter un masque plus strict.
Il a même choisi de promouvoir un président sur la liste des sanctions américaines qui est un dur révolutionnaire. Tout ça signifie que laisser les choses en l’état poussera les mollahs à adopter de nouvelles mesures radicales au niveau régional et international.
L’Occident est bien conscient de l’impact de l’absence de tout profil « modéré » avec lequel on peut discuter dans l’arène politique iranienne. Personne ne sait qui succède à Mohammad Javad Zarif à la tête de la diplomatie iranienne. On ne sait pas non plus si le négociateur iranien le plus en vue à Vienne, Abbas Araghchi, achèvera son rôle ou partira avec ses supérieurs.
Tous ces éléments font pression sur les négociations de Vienne. Ils font pression pour que l’Iran obtienne rapidement les concessions qu’il demande.
Le président américain Joe Biden veut accélérer le règlement de l’accord sur le nucléaire iranien et se consacrer à la défiance de la Chine envers l’influence de son pays. Par ailleurs, on observe des signes de tension croissante dans les relations de la Russie avec l’Occident.
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