Comment repérer un éditeur moisi ?
Ceux qui répondent « à l’odeur d’humidité » peuvent prendre la porte (après l’avoir ouverte, sinon, ça fait un tantinet mal).
Pour avoir participé à la mésaventure de l'éditeur Kirographaires ( Je ne serais jamais un super héros de l’écriture ) puis vu la mort de ce même éditeur moisi parmi les moisis ( Vie et mort d’un éditeur ), je pense être à-même de répondre à la question suivante : mais, enfin, Jean-Fabien, éclaire-nous de ta science, dis-nous comment on repère un éditeur de crotte ?

Morpheus Le Hu – Il est le moisi. Je l’ai vu dans ses fautes d’orthographe.
Neo Serge – Je le savais !
Allez, prends la pilule bleue Serge, ça ira mieux.
Bon, j’en étais où ? Ha oui, ma science !
Ha, j’aime quand on me flatte diantre. Cela me fait du bien derrière les oreilles, cela me fait vibrer le coccyx (petit cochon), ça me titille l’ego (qui n’a pas besoin de ça le con).
Compte d’auteur et patati et patatras
Bon déjà, on va écarter les éditeurs à compte d’auteur (qui n’ont d’éditeurs que le nom), ce sont plutôt des prestataires de service si tu veux mon avis (et le service est pas donné !). Mieux vaut préférer une bonne auto-édition qu’une prestation de service hors de prix (et souvent mal faite).
Un petit article pour vous y retrouver dans c’te jungle : ici !
Les vrais-faux éditeurs
Ce sont les pires (et l’objet de cet article, ça tombe bien) !
Ils ont l’air bien sous tout rapport (même sexuel, c’est dire). Or, pas du tout (bien que je n’ai pas testé le sexe avec eux – ceci dit, si tu aimes te faire sodo*, ha on me dit que c’est pas ce genre d’article, ok ok).
Pourquoi vrais-faux ? Mais parce qu’ils se cachent les vilains. Ils veulent te faire signer, et après te pomper (tss tss) ton carnet d’adresses pour vendre à tes proches, ou alors te faire commander toi-même tes propres bouquins (ce qui est tout de même assez comique quand on prend un peu de recul – ce qui ne fait jamais de mal sauf qu’on est dans des toilettes turques).
Mais comment les repérer sacrebleu ?
Allons-y pour quelques astuces de derrière les fagots.
1 – Tu as envoyé ton manuscrit et moins de 3 semaines après, miracle, tu as une réponse !
Et quelle réponse ! Non seulement, tu es le nouveau Marcel Proust (ou Alain Proust ? merde j’ai un doute), mais en plus, ça tombe bien, cette maison d’éditions en cherchait un depuis des années (tu m’étonnes) !
Il faut savoir (et ces éditeurs le savent bien) qu’à l’instar de l’effet de la flatterie sur les filles laides, un écrivain n’est jamais assez mauvais pour être insensible à la flagornerie. C’est magique, on lui dit qu’il a écrit un chef d’œuvre, et *paf* il tombe dans le panneau. C’est qu’en plus d’être mauvais, il est un peu con faut dire. Faut dire aussi que ça fait 6 mois qu’il se prend des vents des éditeurs, alors quand il y en a un qui montre un signe d’intérêt, il en tombe de sa chaise (ce qui commence à faire beaucoup de chutes, entre le panneau et tout ça).
Bon, plus sérieusement, un éditeur même petit reçoit des manuscrits tous les jours, et écluse toute l’année les textes entrants. Ils ont tous un système de présélection en entrée qui prend des semaines, donc si une réponse pointe le bout de son mail trop rapidement, méfiance (la maman de la sûreté) !
Si, en plus, elle te dit que ton manuscrit est génial, double méfiance, car son intérêt n’est vraiment pas avant la négociation du contrat que tu te sentes plus péter (tu te prends encore pour Marcel Prout toi), au contraire. L’éditeur conséquent va plutôt bien te faire comprendre qu’il va falloir mettre de l’eau dans ton vin, compte tenu de l’honneur qu’ils te font te t’éditer, toi petit écrivaillon inconnu.
2 – Un éditeur te dit « Ok » sans même t’appeler, par un email finalement assez standard.
Soyons clairs, signer un nouvel auteur pour un éditeur à compte d’éditeur, c’est toujours une sorte de pari. Jamais ils ne proposeront un contrat sans avoir au minimum parler à la personne, discuter de ses projets, etc.
Donc, si on vous envoie un email pour vous proposer un contrat : aïe. Genre le mec, il a même pas le temps (ou pire : l’argent) de t’appeler.
Heureusement, il existe un contre-feu : demander à l’éditeur de lui parler au téléphone, et préparer une batterie de questions (à-valoir, %age de droits d’auteurs, tirage prévisionnel, diffuseur, sa marque de slip (pour voir s’il t’écoute), etc.).
3 – Un éditeur te demande de l’argent
Bon là, c’est alerte rouge maximum, hein ?! Non mais, déjà t’es auteur – ou tu crois l’être –, donc par définition tu n’as pas un rond, et en plus, faut pas confondre, c’est toi qui fournis sa matière première, pas l’inverse. On a déjà vu des auteurs fonctionner sans éditeur, mais l’inverse, c’est quand même plus chaud, faudrait voir à pas oublier nos standards (bordel). Donc, retiens bien : toute forme de participation pécuniaire à la sortie de ton livre tu fuiras.
Serge Skywalker – Je veux devenir un grand écrivain.
Maître Iodé – Personne par l’écriture ne devient grand.
Serge Skywalker – Fuck… et maître Jedi ?
Maître Iodé – Un poste s’est libéré tiens justement… appelle pôle emploi.
A répéter tous les soirs avant de se coucher (et APRES t’être brossé les dents, parce que là t’en fous partout… mais qu’il est con).
4 – Un éditeur inconnu avec plusieurs centaines d’auteurs
C’est chelou (*) quand même, non ? Les éditions BiduleSchnock, inconnues au bataillon (même pas sises dans le 6ème arrondissement en plus, la grosse lose des familles quoi), située dans la banlieue profonde d’une ville de province dont le nom t’évoque vaguement un fromage qui pue, et qui publient chaque année 150 bouquins. En fait, c’est pas chelou du tout, ça sent juste l’arnaque façon pyramide de Ponzi, où les nouveaux arrivants fournissent un carnet d’adresses de leurs proches qui précommandent les ouvrages ce qui permet d’alimenter la machine en cash. Je ne dirais qu’un mot : fuyez !
De toute manière, le seul mec qui est en haut de la pyramide, il est déjà aux Barbades à l’heure qu’il est.
Dark Demon Pierot – Rejoins-moi du côté obscur de la farce !
Padawan Serge – Mais attends, j’ai pas fini d’écrire mon bouquin…
Dark Demon Pierot – On s’en fout, on s’arrête pas à ce genre de détails pour dominer l’univers.
5 – Un éditeur qui répond pas au téléphone et n’a pas de bureau
Et pourtant Dieu sait que c’est important un bureau. Sans bureau, où est-ce que tu poses la photo de la petite dernière ? Où tu le poses le mug à café ? Où tu la prends ta secrét*% oups, pardon, on se concentre.
Un éditeur qui ne répond pas au téléphone, ça existe (j’en ai vu). Pourquoi ? Mais tout simplement parce que pour lui la relation auteur ó éditeur consiste uniquement en une relation contractuelle unilatérale où l’auteur est un pion, ou plutôt une poule à pondre des manuscrits (et vue la forme de l’engin, ça doit pas faire du bien au ouin-ouin – même si c’est imprimé sur du rectal seul (*aheum* un blâme Jean-Fab’)).
Or, une relation auteur ó éditeur, c’est censé être une relation artistico-intelligente, avec un intérêt convergent, à savoir la vente de l’œuvre. Ni plus, ni moins.
Donc, si un éditeur vous envoie votre contrat par mail et dit qu’il n’est pas nécessaire de se rencontrer, eh bien, comment dire ? Fuyez !!! (qu’est-ce que tu fuis toi, tu voudrais pas appeler un plombier ?).
6 – Il est impossible de trouver les livres de l’éditeur en librairie
Ben ouais, ça fait cinq fois que tu lui demandes où tu peux voir ses livres pour voir un peu la gueule du produit fini, et à chaque fois il te banane (par les deux bouts en plus).
Or, mon p’tit gars, la distribution et la diffusion de ton bouquin, c’est la clé (bon ok, là ça fait deux clés – tu serais pas du genre pointilleux, toi ? Concentre-toi plutôt sur ton écriture).
Un bouquin, ça se vend en librairie aujourd’hui, même si le numérique commence à décoller ça reste presque anecdotique en termes de chiffre d’affaires. Bon ok, ça se vend aussi sur Amazon, mais c’est moins classe. Et pourquoi serais-tu devenu écrivain si ce n’était pour la classe, jeune con ?
7 – L’éditeur reste évasif sur le tirage du bouquin
La question est pourtant simple : à combien d’exemplaires le premier tirage du livre sera-t-il effectué ? Comme pour tout, l’investissement initial conditionne beaucoup de choses. Plus l’éditeur investit, et plus il aura tendance à vouloir revoir ses sous. Et comment revoir ses sous, si ce n’est en vendant un max d’ouvrages (on appelle ça un cercle vertueux, abruti) ?
Le tirage donne aussi une indication sur la capacité de l’éditeur à balancer des livres dans un réseau de distribution.
A noter tout de même sur ce point que l’émergence de la POD rebat légèrement les cartes à ce niveau-là, même si on en est au début et qu’il est difficile de voir aujourd’hui où tout cela va aboutir.
8 – L’éditeur est réticent à parler sous
Un peu comme toi avec ta femme petit chenapan. Ben oui, on devrait pouvoir parler de blé sans se prendre la tête. Alors coco, tu me fais combien de pourcentage de DA ? C’est combien l’à-valoir ? Quel budget promo pour ma bouse, pardon mon chef d’œuvre ?
L’éditeur qui commence à te dire « c’est compliqué », style statut amoureux facebook, ou à faire des phrases alambiquées a quelque chose à se reprocher (un peu comme quand ta femme te demande où tu es et que tu réponds « non mais, tu le connais pas »). L’éditeur normal a des contrats standards, fait des à-valoir d’une certaine valeur suivant la notoriété de l’écrivain et il n’y a pas d’embrouilles, c’est clair et peut être transmis à la demande. Pour les autres, ils vont évoquer la difficulté du monde de l’édition qui nécessite de s’adapter, et blablabla. Ben voyons. Continue et tu vas te prendre un coup de sabre laser dans la gueule toi.
Padawan – Merci grand maître, je suis un peu moins perdu maintenant.
Maître JF – C’est dommage, c’est quand même sympa Dagoba. Bon, faut rentrer maintenant… putain, il est où ce con de GPS qui parle en québécois ?
Bon, j’ai fait tout ce que j’ai pu (et même plus encore) et je suis arrivé qu’à 8 astuces. Disons que 10, ça aurait été mieux, mais je suis un gros fainéant.
Donc, si l’éditeur auquel tu penses à 7 sur 7, je pense que c’est impossible car Kirographaires a fait faillite (ha ha). Plus sérieusement, au-dessus de deux signaux d’alerte, méfie-toi vraiment (en tout cas, je t’aurais prévenu).
Bon, et puis vas traîner sur les forums d’auteurs, sur les groupes Facebook, renseigne-toi bordel. Ces éditeurs jouent sur la dissymétrie de l’information en considérant que tu n’y connais rien et qu’ils peuvent donc t’entuber. Mais avec internet, l’information est accessible, partout, pour peu que l’on fasse un peu d’effort (la preuve, tu es tombé sur mon blog exceptionnel).
Ha oui, tiens un dernier conseil : n’hésitez pas à contacter des auteurs déjà signés. Rien ne vaut la vision de l’intérieur de la bête.
Non, non, n’essaye pas de rentrer par là.
Tu sais, je m’interroge… t’as vraiment écrit des livres, toi ?
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(*) Tu le crois que c’est dans le Petit Robert 2014 ? Quelle bande de kékés (*)…
Elle est pas jolie cette référence circulaire ? Bon allez, je vous laisse, j’ai mes cours de sabre laser dans ta gueule.
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Le monde de l'édition 1 - Que faire de mon manuscrit
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Le monde de l'édition 3 - où ne pas envoyer mon manuscrit et 3 bis - suite
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