Comment Sarkozy coule l’Europe
Pour Sarkozy, lui dont le job est président, président de l’Europe, cela marque bien sûr son CV, pour faire ensuite, comme il le dit de Bill Clinton, plein de pognon avec des conférences à 100 000 dollars l’unité. Passons en vitesse sur le fait que c’est la France qui préside l’Europe et que le poste de président de l’Europe n’existe pas, en revanche étendons-nous un peu sur la manière irréversible de Sarkozy de couler l’Europe. Je ne dis pas que l’Europe est coulée irréversiblement, mais qu’il est impossible pour notre Lumière étincelante de faire du bien à l’Europe.

Comme David Vincent, tout a commencé en fait par deux structures à mettre en place : le plan B bis du Traité constitutionnel européen et l’Union pour la Méditerranée. La manière du guide est simple : violer les gens avec force et traiter une opération le plus vite possible le tout entouré d’un éclat de feu d’artifice et des trompettes des médias. Pour lui, le temps est un ennemi mortel. Tout doit céder dans l’instant. Cette précipitation est fatale. Elle est et le sera.
Pour sa gloire personnelle, il voulait absolument qu’un mini traité simplifié prenne la place du TCE défunt. Là où il a fallu de longs mois lui devait réussir le miracle de trouver un accord en une nuit. A 3 heures du matin, le big chief avait arraché aux Polonais un accord historique. Au lieu de prendre du temps, de proposer un vrai traité simple, de quelques pages compréhensibles par tous, il a obtenu seulement un accord et les "experts" ont été obligés de faire un texte dans l’urgence et dans leur liberté qui n’a été qu’une espèce de machine à tuer l’Europe, incompréhensible, longue et tortueuse, qui ne supprima du TCE que ce qui était bon. Les symboles et son âme. Mais le grand caïd de la négociation voulait avant tout que juste après son passage en Europe, tous les pays aient signé. Gloire et précipitation sont les deux mamelles de la diplomatie de Sarkozy. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Le Traité de Lisbonne, ersatz maléfique d’un vrai traité, a été retoqué par les Irlandais. Sa précipitation, qui n’a laissé ni le temps à simplifier le traité ni à l’expliquer, a eu le résultat qui se devait. Le non irlandais était la résultante de cet "activisme" stupide et pressé. C’est le résultat de la culture du résultat. L’Europe en prenait un bon coup. Cela ne lui suffit pas. En conseil des ministres, en juillet dernier, il se permet d’affirmer que l’Irlande devra revoter. Fi du vote souverain, fi de la démocratie. Bien lui en prit, il fut reçu là aussi comme il se doit, par des Irlandais dont le non progressa dans les sondages et à l’Assemblée européenne, où certain député britannique lui demanda s’il savait ce qu’était la démocratie. Sarkozy a donné ainsi son premier coup, mauvais coup, à l’Europe.
Ensuite, il y a un aspect qui est consubstantiel au personnage, Sarkodollar. Il veut tout maîtriser, être le caput capitis, et a la fâcheuse habitude de se croire au-dessus de tous et de tout, et d’écraser les autres de son ironie de garçon de café et des insultes faciles. Mais voilà en Europe, il y a vingt-six autres fortes têtes, dont certaines sont à la tête de pays à l’histoire aussi fournie que la nôtre et à la puissance économique plus imposante. Et dans cette cour de récréation-là, Joe Dalton, n’est pas le plus fort. Il se trouve dans la situation suivante : s’occuper vraiment de l’Europe en composant, négociant, discutant et y passant du temps tout en abandonnant la politique intérieure à Fillon, et en mettant son arrogance sous un mouchoir dans sa poche. Or, ceci se heurte à plusieurs impossibilités : sa volonté de tout régenter l’empêche à la fois de savoir et pouvoir négocier avec les autres chefs d’Etat et à la fois abandonner la politique intérieure. Cette dernière impossibilité s’est vue avec son voyage à Kaboul (qui est bien de la politique intérieure car il s’agissait de Français tués au combat et aucunement de régler un conflit international, personne n’est dupe), son voyage à Castre, après les hommages à Paris, ses déclarations sur le RSA et enfin, le 1er septembre alors que la Géorgie demanderait plus d’attention, la réunion à l’Elysée avec ses sept mercenaires qui ont parlé de politique étrangère, sans le Premier ministre, sans le ministre des Affaires étrangères et sans celui des Affaires européennes. Il y a là une incompatibilité rédhibitoire chez notre Mamamouchi qui ne peut qu’imposer son échec en Europe. Il veut rester en France pour s’occuper de la politique intérieure et il est confronté à plus fort que lui chez les autres chefs d’Etat. Voici un coup nouveau contre l’Europe
Sa volonté de faire rejoindre à la France le commandement intégré de l’Otan est une erreur magistrale, dont on voit aujourd’hui les conséquences, car non seulement elle ôte une liberté que la France avait, mais diminue les chances de l’Europe d’avoir sa propre stratégie militaire. C’est un autre coup dur porté à l’Europe.
Dans le même cadre de vouloir être le premier en tout, et même si les choses existent déjà, il lance l’Union méditerranéenne. Tout de suite, il se fait recadrer par l’Allemagne et d’autres pays européen. Sa manière d’agir, de tirer la couverture à lui, n’est pas une bonne chose pour l’Europe. En communauté, on tient compte de l’avis des autres et on tient compte tout simplement des autres. Cette Union est devenue avec le temps l’Union pour la Méditerranée, processus de Barcelone. On a rhabillé ce qui existait déjà. Cette lubie, ni financée ni claire ni efficace, a été son grand projet. Commencer son règne européen avec quarante-sept chefs d’Etat, voilà une consécration. Mais cela n’a fait qu’apparaître des dissensions en Europe, et a fait rabaisser le caquet à la France. Mais les conséquences ont aussi été indirectes. C’est la façon de faire qui a heurté d’autres pays. C’est cette arrogance, qui a dû en rabattre qui fait mal à l’Europe. Le "Moi-Je" n’est pas bon dans un ensemble de pays en construction.
Dans l’affaire des jeux Olympiques, Sarkochef s’est présenté en président de l’Europe, sauf que cinq des six pays les plus peuplés de la communauté (Angleterre, Allemagne, Espagne, Italie et Pologne) n’y sont pas allés et que le président du Parlement européen, Göttering, a, lui, officiellement boycotté ces Jeux. Comment peut-on donner une image plus désordonnée de l’Europe que celle-ci ? Celui-là est un coup olympique contre l’Europe.
Le dernier coup porté à ce jour est tragique. Deux mois depuis la présence de la France à la "tête" de l’Europe et, en réalité, notre Kaiser Sarkoco a déserté l’Europe. Dans la suite des événements qui ont touché le Caucase, il a en réalité fui, si son escapade à Moscou et à Tbilissi ont fait croire le contraire. Revenons en arrière. Sarkozy sait que la France doit prendre la suite de l’Allemagne en Europe. Mais focalisé par sa gloire personnelle, il ne se préoccupe que de deux choses en Europe : le Traité de Lisbonne, dans la plus grande précipitation, et l’UPM, avec feux d’artifices et artifices en feu. Tout responsable politique aurait dû dans l’année précédant cette prise de fonction, laisser ceux qui doivent gouverner en France, le Premier ministre par hasard et les ministres, et se préoccuper de tout ce qui comptait vraiment pour l’avenir de l’Europe. De ces réelles préoccupations, il devait réfléchir et aider à mettre en place un véritable traité européen. Mais, également, il devait savoir quels étaient les enjeux et les risques aux frontières de l’Europe. Ceux-ci étaient clairement définis : la Russie avait averti que le Kosovo était un précédent fâcheux, que l’installation de missiles en Tchéquie et en Pologne était un affront et que l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine à l’Otan serait considérée comme une agression. Ces faits étaient autrement plus graves et plus importants que la soi-disant urgence de l’UPM et du traité raté. C’était plus urgent et plus grave et les événements l’ont prouvé.
Les reproches que l’on peut faire à ce fin stratège sont innombrables. Il a réussi l’exploit d’agir après les autres et de façon précipitée dans le conflit géorgien. Alors que la Géorgie attaquait l’Ossétie et que la Russie répliquait, Sarkozy n’a pas eu une seule conversation avec Poutine qui était pourtant à Pékin. C’est tout simplement hallucinant, comme il l’est que les renseignements ne l’aient pas tenu informé ou qu’il ait fait semblant de ne rien voir. Je plaide pour cette dernière hypothèse, car je suis sûr que l’avenir le prouvera, dans cette affaire, Sarkozy a été un couard, sans arrêt ballotté par les influences. Habitué qu’il a d’être du côté du plus fort, tout va bien quand rien ne les oppose, mais dès qu’un conflit se met sur la route il est perdu et fuit, puis suit celui qui dans l’instant lui paraît le plus fort. Pour évacuer sa lâcheté tout de suite, je prendrai à la suite ce qui le prouve : il a mis deux jours à intervenir, il a ensuite pris une position favorable aux Russes par la reconnaissance de l’intervention de ceux-ci au profit des russophones, il a retiré, de son plan de paix, l’intégrité du territoire géorgien, il a fui à Kaboul, il a fui à Castre, il a parlé du RSA, il a pris position quarante-huit heures après tout le monde pour demander aux Russes de respecter l’accord de son plan, et après la colère des Etats-Unis, après avoir dit qu’il réunirait le conseil de l’Europe, il ne l’a pas fait ni dans les délais annoncés le dimanche 17 août, ni de sa propre initiative, c’est à la demande d’un certain nombre de pays européens qu’il l’a convoqué. En fait il fait l’autruche. Que les choses se règlent d’elles-mêmes. On a assisté de sa part à des volte-faces permanentes. Kouchner qui a commencé par dire que la guerre ce n’était pas bien, puis comprendre les Russes, puis à dire que ce n’était pas légal (reconnaissance de l’Ossétie et de l’Abkhazie), puis à dire qu’il faudrait des sanctions contre la Russie, puis qu’il ne faudrait plus de sanctions. Il tourne plus vite que les girouettes. C’est le grand foutoir diplomatique.
Comme à son habitude Sarkozy a voulu à tout prix un accord. Tout de suite. Quelles qu’en soient les conditions, pourvu qu’il revienne avec des signatures. Mais las, dès le début cela coince. Il ne part pas avec la signature de Medvedev, et ne fait pas signer Saakachvili. L’Europe en prend un coup. C’est Condoleezza Rice qui fait signer le président géorgien. Ce que l’on remarque dans cette triste et tragique affaire c’est que l’Europe vacille. Dès le début c’est chacun pour soi. Tout le monde parle : la Suède, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Pologne, les Pays baltes et la France. Au lieu de réunir le plus vite possible le Conseil européen, au lieu de parler avec Barroso, qui statutairement à un rôle plus important que lui, au lieu de parler avec le président du Parlement européen, M. Göttering, Sarkozy agit seul, donne deux trois coups de téléphone, fait dire que toute l’Europe le suit alors que c’est faux, archi-faux. Il court-circuite, il parle au nom de, mais il ne le fait qu’à tiers de temps. Le reste il est à Cap Nègre, ou à Kaboul. C’est ce que j’ai trouvé de fou, c’est cette action en pointillé de notre grand phare. Il se précipitait chaque fois qu’il le pouvait auprès de Carlita. Il recevait les Chirac, puis la reine de Jordanie et Bono.
Pendant ce temps-là, Angela Merkel agissait et parlait. De fait, pendant cette période, on a cru que c’était elle qui était le porte-parole de l’Europe. Le délitement de l’Europe s’est poursuivi. En effet, Poutine appelait son ami Berlusconi, le ministre des Affaires étrangères allemand appelait lui son homologue russe, Bush appelait lui aussi Berlusconi, Brown lui Poutine. Tout le monde appelait tout le monde. Qu’est-ce qu’il en ressort ? : diviser pour mieux régner. Sarkozy par son absence et sa fuite, pas sa manière de vouloir avoir une gloire immédiate, par son arrogance - comme par exemple donner à l’avance le résultat de la réunion du Conseil européen, avant toute discussion - et la conduction solitaire du pouvoir, ennemi mortel de la gouvernance de l’Europe, par son incapacité à savoir prendre du temps et du recul, a fait que Poutine et Bush se sont servis de cette désunion.
S’il avait été à la hauteur, il aurait dû obtenir que toute l’Europe se serre les coudes, que les bonnes intentions soient canalisées et que la parole soit unique. Ce qui était unique justement, c’était cette occasion à jamais perdue de proposer une autre fois, que l’Europe montre sa force et sa capacité à avoir un poids politique. Non, elle n’a montré que le visage défait d’un assemblage hétéroclite de pays qui n’apporte au monde aucune unité ni de vue ni de politique ni d’humanité, mais une réunion d’intérêts personnels qui prennent des positions qu’en regard des rapports de force et des faiblesses des uns et des autres, de leur intérêt commercial et financier. L’Europe s’est complètement décrédibilisée et Sarkozy qui se prend pour le président de cette Europe, entre deux voyages à Cap Nègre et en Syrie, entre une réunion avec ses sept mercenaires à l’Elysée et un voyage en province pour annoncer de sa propre bouche une énième loi, n’est pas à la hauteur. Il est si peu à la hauteur que la résolution de ce lundi 1er septembre que la France avait préparée n’est pas celle qui est faite par l’Europe et qu’en plus c’est Manuel Barroso qui l’annonce (Le Monde) : Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, réunis lundi après-midi à Bruxelles, ont finalement décidé de reporter les prochaines réunions prévues pour négocier un accord de partenariat renforcé avec la Russie, "tant que le retrait des troupes [russes déployées en Géorgie] n’aura pas été respecté", a annoncé le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.[...] Mais le projet de déclaration du Conseil européen, rédigé par la présidence française, n’évoquait pas clairement un tel report.
Du reste, notre omniscient part encadré à Moscou et non seul comme il le pensait. La lumière pour l’Europe est que Javier Solana sera de la partie et qu’il devrait représenter, selon son statut, l’Europe et en une seule voix. Rêvons. José Manuel Barroso et Nicolas Sarkozy ont par ailleurs annoncé qu’ils se rendraient, accompagnés du diplomate en chef de l’UE, Javier Solana, lundi 8 septembre à Moscou et Tbilissi, pour tenter de progresser vers un règlement du conflit, notamment d’obtenir un retrait des troupes russes de Géorgie. (Le Figaro)
Et rêvons aussi que ce voyage sera efficace pour l’avenir et permettra d’éviter que Sarkozy ne coule l’Europe.
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