Commentaires sur le Net : stop à la pollution textuelle !
Depuis quelques années on parle beaucoup du Web participatif (2.0), celui qui a permis et développé le réseau social.
Véritable avancée dans le domaine de l’information et de la communication, il en est presque devenu un courant quasi-philosophique. On lui accole moult termes scientifico-mélioratifs : co-construction de la connaissance, naissance de l’intelligence collective, activation/sollicitation de réseau, les 6 degrés de séparation. Bref, c’est l’avènement de l’Information. C’est grâce à lui que l’on « facebook », que l’on « tweet », que l’on « post » sur des blogs ou des wikis. On peut enfin s’exprimer à propos de tout et ça change diamétralement la donne. C’est aussi pourquoi toute publication sur le Net s’expose à une critique qui ne mâche pas ses mots.
A travers la variété immense des avis qu’on peut rencontrer çà et là sur la Toile, il est un genre particulier qui démontre une résistance et une persévérance à toute épreuve (au grand dam de tous les geeks idéalistes) : celui du commentaire pourrave. Il peut être de style très variable. Un master en cryptologie est parfois nécessaire pour une compréhension optimale :
- Sofifonfec : « moi, je suis d’accord »
- Psp_lover « je sé pa koi dire, c tro naz kom post »
- Prof_13 « La personne ayant écrit cet article aurait mieux fait de réviser ses déclinaisons latines, de revoir son algèbre ainsi que son histoire de l’art avant d’écrire un texte de cet acabit. »
- Chacra : « quant on ne sais pa dequoi ont parle, on nan parle pas ».
On n’apporte finalement pas grand chose à la discussion mais l’opinion ainsi exprimée affirme avec panache la position de son auteur. C’est à ce moment-là qu’apparaît la réponse très pourrave au commentaire pourrave :
- Marmitonne « il a pas inventé l’eau à couper le beurre ! »
- Lapinou « Et toi pas l’eau tiède, tu serai pa blonde Marmitonne ? »
S’en suit alors un dialogue des plus intellectuels entre Marmitonne et Lapinou où les formules les plus élogieuses fusent : - Marmitonne : « tu te croi plus intelligen espece de troud*c ! »
- Lapinou : « Retourne pluto tocupé de tes ongle »
- …
Il va sans dire que l’article ainsi commenté n’est plus vraiment la source du débat hautement savant qui oppose nos deux internautes au langage fleuri (et de quoi il parlait cet article au juste ?)
Il convient certainement se demander d’où vient ce mal qui hante les espaces virtuels de discussions. Pour répondre à cette question je citerai (Pou)²ye dans un post du 20 janvier 2009 qui résume judicieusement les causes de ce problème : « Avant je m’ennuyais tout seul ; grâce à Internet, je m’ennuie avec des gens ».
Il subsiste cependant une question de taille : comment permettre la parole de tous et avoir un débat suffisamment constructif et lisible sans qu’un modérateur ait à intervenir tous les quarts d’heure sur son forum ? Deux possibilités : 1. Garder à l’esprit cette maxime simple et naturelle : « Dans une bouche close n’entre point de mouche ». 2. Lancer un appel à nos amis informaticiens et inventeurs de génie. Pourriez-vous trouver un système qui, en fonction du type de commentaire, enverrait un message d’erreur personnalisé ? (sonore et très voyant si possible) : « Votre commentaire n’a pas pu être posté, veuillez vous procurer d’urgence un dictionnaire et un Bescherelle », « Erreur d’envoi : réfléchissez avant d’écrire », « Cet envoi est impossible, et ta mère elle est blonde ? ».
Ce fléau est aux forums ce que sont les algues vertes aux plages bretonnes. Les unes empêchent d’approcher la mer, les autres d’aborder le fond du sujet. Quant aux bénéfices à en tirer en termes de construction de l’intelligence collective, je ne suis pas totalement convaincue. Mais après tout ce qui compte, c’est qu’avec le Web 2.0 l’internaute soit enfin épanoui et chantonne désormais « I’ve got the power » quand il appuie sur entrée.
Virginie Dejoye - News of Marseille
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