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Accueil du site > Tribune Libre > Commotion à Liège : les nouvelles invasions barbares ?

Commotion à Liège : les nouvelles invasions barbares ?

L’opposition aux mesures ne rassemblerait selon la doxa que des militants égoïstes et privés d’objectivité. La partialité du journalisme officiel est pourtant beaucoup plus patente. En se rangeant constamment et à l’unisson derrière le discours gouvernemental et policier, il joue une partition très dangereuse, consciemment ou non.

A en croire les médias de grande diffusion, voici comment se sont déroulés les événements du samedi 13 mars à Liège. De braves citoyens mal informés sur les risques manifestaient gentiment pour la culture ou l’Horeca (métiers de l'hôtellerie). Ensuite des pillards ont sans aucune raison ou sur un simple prétexte engendré un chaos indescriptible, brutalisant de bienveillants policiers et journalistes par nature innocents et au-dessus de tout soupçon. Heureusement, malgré la barbarie de ces « jeunes de banlieue », les agents ont réussi à ramener l’ordre au prix de gigantesques sacrifices et d’un courage hors-normes.

Bien qu’il soit difficile de reconstituer le fil des événements, entre autres parce que la presse semble avoir renoncé en bloc à faire son travail, voici une version beaucoup plus conforme à la réalité. Le lundi matin précédent, une soignante (vous vous souvenez, les fameux héros du Covid…) d’origine congolaise se rendant au travail porte secours à une vieille dame qui avait fait une chute. Ensuite, craignant d’arriver en retard au boulot, elle se précipite vers le bus. Aussitôt, des membres des forces de l’ordre, pour qui tout citoyen est désormais un terroriste potentiel, surtout s’il n’a pas la « bonne origine », l’interceptent, la clouent au sol et la malmènent, en toute bienveillance. Comme ces sympathiques agents savent que de larges secteurs de la population commencent à en avoir marre, et qu’ils ne sortent plus de leurs commissariats que la peur au ventre, ils appellent aussitôt des renforts… alors qu’ils sont déjà quatre pour appréhender une femme seule qui ne se débat pas. Cette attitude et l’attroupement d’uniformes provoque la colère de badauds ; certains d’entre eux se font contrôler. A une femme qui s’en plaint, un agent dit : Ici on a tous les droits. Je doute que ce brave homme soit parvenu seul à cette conclusion ; comme nous le verrons, cette vision des choses est diffusée par la hiérarchie.

Le samedi, pendant que les représentants de la culture et de l’Horeca festoient un peu partout à l’aide de camions qui envoient du gros son, une micro-action, autorisée par le bourgmestre (maire) et associée à tort à Black Lives Matter, entend dénoncer les bavures policières. Le frère de la soignante a même le droit de prononcer un bref discours, masque fixé sur le visage, si bien qu’on n’entendait à peu près rien. Simultanément, quelques mètres plus loin, pour une raison impossible à déterminer, d’autres agents décident que toute cette bonne humeur, ça commence à bien faire. Ils s’emparent donc d’un jeune homme de type caucasien, le couchent puis le matraquent. C’est alors que quelques personnes indignées lancent des pierres sur le cordon qui s’est formé devant une galerie commerçante. Parmi ces gens figurent aussi bien des « racisés » que des Européens « de souche ». Ils sont vite rejoints par un grand nombre de manifestants pour le secteur culturel ou l’Horeca. Ce sont eux qui entonnent alors un chant qui semblait définitivement rangé au rayon folklore : « Police, police, on t’enc… ». Voilà donc le point de départ des fameuses « violences barbares » que les médias se sont empressés dans un bel ensemble d’attribuer exclusivement aux « jeunes de banlieue ».

Un autre incident s’était déroulé en parallèle, à quelques hectomètres. D’après les témoignages, des travailleurs de l’Horeca excédés auraient pris à partie un motard de la police qui essayait de leur barrer la route ou les avait interpellés, les sources divergent. Quelques « jeunes » s’en seraient alors mêlés pour montrer leur colère, provoquant des blessures chez le motard.

A ce stade, la situation entre manifestants, toutes causes confondues, et forces de l’ordre est extrêmement tendue. Ce ne sont plus des cailloux qui sont lancés sur les agents, mais à peu près tout ce qui se trouve à portée de main : pavés, mobilier urbain, barrières etc. Notons qu’aucune arme n’a été aperçue du côté des protestataires. Néanmoins la police, peu encline à prendre des risques, décide alors d’un repli tactique. Un cri de joie largement partagé salue son départ.

Arrêt sur images. Un seul agent a-t-il été sérieusement atteint par les projectiles ? Non, sans quoi la presse en aurait parlé à longueur de semaines. Rappelons aussi qu’il ne s’agissait pas de flics de quartier mais de forces anti-émeutes, chaque jour plus lourdement protégées. De quel forfait particulièrement monstrueux les « émeutiers » se sont-ils rendus coupables ? Jeter des pavés sur la police ? C’est une pratique traditionnelle qui, quand elle est le fait de certaines catégories, comme en mai 68, ne choque que les éternels partisans de l’Ordre et de l’Autorité. Les progressistes ont plutôt l’habitude d’applaudir chaudement de tels actes, et même de bien plus litigieux, comme on l’a encore vu l’été dernier aux USA. Au Texas, des Antifa et d’autres groupes qui se baladaient avec des AK-47 dans le but de s’opposer aux forces fédérales ont ainsi été dépeints en héros. Bien sûr, ils avaient l’avantage d’être « de type caucasien » dans leur grande majorité, et de combattre ce "mélange de Poutine et Hitler" que fut Trump et ses sections d’assaut fédérales. Ici, rien de tel, seulement une police et une classe politique dévouées aux idéaux démocratiques face à des barbares, comme nous le verrons au prochain épisode. Notons qu’en ce moment même, en Europe, d’autres actions violentes ont l’assentiment de la grande presse, celles d’Extinction Rebellion par exemple. Mais évidemment ça n’a rien à voir, puisque les activistes sont de gentils écologistes bien d’ici qui bénéficient de nombreux soutien en haut lieu.

On a beaucoup glosé sur les terribles dégâts infligés aux commerces, la presse faisant mine d’oublier qu’il existe des assurances. Ces gestes seraient exclusivement le fruit de pulsions immédiates, irraisonnées, presque animales, d’une déculturation et d’une avidité consuméristes, phénomènes qui bien entendu touchent uniquement CES « jeunes ». En réalité, les bris de vitres étaient ciblés. Le principal magasin à en faire les frais est une boutique de sports. La gérante avait dans un passé récent fait parler d’elle en raison des insultes qu’elle proférait volontiers à l’encontre de son personnel « racisé ». Ici aussi on constate que loin d’être des pillards ou des fous mus par leurs bas instincts, les « jeunes » ont tenté de véhiculer des messages. Parmi ceux qui ont bénéficié de leur opération « Robin des Bois » (ceux qui sont entrés dans le magasin jetaient des marchandises sur le trottoir) se trouvaient d’ailleurs des gens de tout âge et de toute origine.

Se doutant de ce qui va suivre car beaucoup moins naïfs que les journalistes, la plupart des participants véritablement actifs se dispersent alors rapidement. Quand la police revient en bien plus grand nombre et avec des moyens disproportionnés, elle a donc essentiellement affaire à des badauds plus ou moins en colère et non aux « barbares ». Ceci ne l’empêchera évidemment pas d’employer la manière forte, comme elle en a pris l’habitude face à tout signe de moindre obéissance.

Bref, cet événement fut ce qu’on appelait jadis une commotion, ou dans les campagnes une jacquerie : une brève explosion de colère contre les représentants du pouvoir. A entendre la presse et une bonne partie de la population, il est inacceptable que la police anti-émeutes soit confrontée à… des ébauches d’émeutes. Pendant ce temps, elle ne peut faire son vrai boulot, comme distribuer des amendes à des gens qui ne portent pas parfaitement le masque et nasser des familles qui prennent le soleil.

Un mot sur le concept désormais bien ancré de débordements. Quand les bases de la vie politique font défaut, quand il est interdit de se réunir, de s’associer, de se coordonner, les formes que peut prendre la protestation sont nécessairement imprévisibles et peu constructives au premier abord. Tout simplement parce qu’il est impossible dans de telles conditions de s’entendre sur des objectifs, des méthodes, des mots d’ordre, des tactiques etc. C’est ce qu’avait fini par comprendre, au bout de plusieurs décennies de luttes, la bourgeoisie du début du XXè siècle, se résignant à accorder des libertés au mouvement ouvrier… Ce qui est reproché à ces « jeunes » par beaucoup de prétendus modérés est en réalité la conséquence des mesures qu’ils approuvent voire plébiscitent. Si on les laissait s’organiser sereinement, sans menaces, censure, amendes etc., nul doute que leur action serait beaucoup plus raisonnée.


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5 réactions à cet article    


  • Seleznyov 31 mars 2021 16:29

    à Père_Vaire

    Subtile et intelligente analyse avec l’humour en plus.

    J’apprécie grandement la pertinence de votre perception objective.


    • Père_Vaire 2 avril 2021 10:10

      @Seleznyov
      Merci à vous


    • blablablietblabla blablablietblabla 31 mars 2021 19:43

      Très bon article.


      • stranger 1er avril 2021 00:22

        La manipulation des médias dans toute sa laideur en effet. 

        Cela fait plaisir de lire une autre version suite a la manif qui s’est passée à Liège.
        Sauf erreur, je n’ai trouvé aucun média parler d’autre chose que de Black Lives Matter. Et comme par un heureux hasard c’était justement la semaine où se déroulait le procès aux States sur l’affaire Floyd ! 
        L’horeca, la culture attendront. Merci d’avoir fait la lumière sur la réalité des faits.

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