Compléments sur l’antisémitisme de Raoul Follereau
Nous poursuivons notre contre-enquête sur les faces cachées de Raoul Follereau. Notre blog s’est fixé pour objectif de faire toute la lumière sur cet homme dont la Fondation éponyme souhaite la béatification puis la canonisation par l’Église catholique. Toute la lumière sur un homme qui cumule les zones d’ombre. Dans un souci de Vérité et de Transparence.
Rappels de nos propos antérieurs relatifs à la pensée politique de Raoul Follereau
Précédemment, nous avons exposé ici l’attrait, dès les années 1920, de Raoul Follereau pour les idées de Charles Maurras et de l’Action Française.
Nous avons également vu l’intérêt de Raoul Follereau pour un certain nombre de régimes autoritaires en place dans divers pays d’influence latine d’Europe (ici pour l’Italie de Bénito Mussolini mais aussi l’Espagne de Franco, le Portugal de Salazar) ou d’Amérique du Sud (ici pour l’Argentine de Uriburu, le Brésil de Vargas, ...).
Nous avons également exposé ici la pensée politique de Raoul Follereau qui se concrétise, en 1927, puisqu’il se dote d’un organe de propagande - la Ligue d’Union Latine - et d’un mensuel dans lequel il peut ainsi diffuser ses idées politique : L’Œuvre latine.
Cette Ligue d’Union Latine organise alors des conférences, des pièces de théâtre, des concerts, des voyages en France et à l’étranger dans le but de diffuser les valeurs de la latinité. Nous avons vu ici que Raoul Follereau entend y promouvoir la Foi (dans son acceptation ultramontaine et ultracatholique), l’Amour de la France (à considérer au sens de la "France réelle" - c’est-à-dire blanche, monarchiste et catholique - de Charles Maurras), le Travail, ou la Famille.
Dans ce contexte, nous avons déjà fait allusion aux tendances antisémites de Raoul Follereau dans des articles précédents disponibles ici, ici ou là : tant les écrits que les relations de Raoul Follereau nous permettaient de penser que Raoul Follereau avait entretenu des rapports particulièrement ambigus avec l’antisémitisme et ses théoriciens les plus en vue.
Nous avons notamment largement exposé les points de convergence qui existaient entre la Ligue d’Union latine de Raoul Follereau et les mouvements d’Union latine du Docteur Jacques Molle qui sévirent en Algérie française à partir du milieu des années 1920.
De même, la participation en février 1936 de Raoul Follereau à une conférence d’extrême-droite organisée par le Centre de Documentation et de Propagande et reproduite par le torchon antisémite La libre Parole a été longuement décortiquée par nos soins (ici).
De nouvelles sources documentaires confirment l’antisémitisme de Raoul Follereau
Récemment, de nouvelles sources documentaires nous ont permis de compléter le tableau ainsi initié et d’affirmer de la façon la plus claire que Raoul Follereau, fut, indéniablement, un antisémite convaincu.
Dans ses études "L’extrême droite en Oranie (1936-1940)" (disponible ici) puis "Les répercussions de la guerre d’Espagne en Oranie (1936-1939)" (disponible ici), Francis Koerner expose dans quelles mesures la situation politique de l’Oranie s’est crispée à partir des élections municipales de 1934, puis législatives en 1936.
De ce fait, la vie politique et sociale de l’Oranie s’est fortement polarisée entre, d’une part, les partisans du Front Populaire et, plus généralement, d’une gauche républicaine et, d’autre part, une droite conservatrice, volontiers franquiste et tentée par ses extrêmes fascisantes - suivant le modèle mussolinien - et antisémites.
De façon générale, l’auteur expose la dimension sacrée acquise par la guerre civile espagnole au yeux des ligues d’extrême droite française dont fait partie la Ligue d’Union Latine de Raoul Follereau. Il s’agit pour leurs membres d’une véritable guerre sainte dans laquelle le régime fasciste est présenté comme le seul rempart efficace contre l’expansion du judéo-bolchevisme.
Dans ces deux publications, Francis Koerner prend le soin de citer Raoul Follereau comme un acteur important de la vie de l’extrême-droite locale (Unions latines et Amitiés latines) tant par les conférences qu’il y tient que par les collectes qu’il organise afin de soutenir financièrement les nationalistes espagnols de Franco, officiellement pour y financer la reconstruction des églises catholiques ravagées par les républicains ou encore, divers voyages de propagande.
Nous trouvons une illustration de cet investissement de Raoul Follereau auprès de l’extrême-droite de cette partie de l’Algérie française dans L’Écho de Tiaret, un quotidien local dont nous avons retrouvé deux numéros de décembre 1936.
Raoul Follereau dans L’Écho de Tiaret
Dans le numéro daté samedi 5 décembre 1936 (lien ici), le journal recommande plus que chaudement une conférence de Raoul Follereau organisé par le Rassemblement National d’Action Sociale :
"Monsieur Follereau, Président Général des Unions Latines (...) a entrepris la grande croisade contre tout ce qui est Anti-France. Mais Monsieur Follereau fait plus et mieux que combattre, il persuade. Aller l’écouter représente pour vous un devoir. L’entendre sera pour nous une joie et une récompense".
Rappelons que le Rassemblement National d’Action Sociale est un groupement fondé par l’ex-Abbé Lambert, un prêtre déchu par son évêque, destiné à rassembler tout ce que l’Oranie compte de sympathisants nationalistes, antisémites et d’extrême-droite. Ses actions et démonstrations de force atteignent une telle violence que les comités locaux du Front Populaire en arrivent à craindre une sédition et une guerre civile à l’image de la voisine espagnole :
"Considérant l’activité illicite et dangereuse du Rassemblement dit National, et, en particulier, des Unions latines de Sidi-Bel-Abbès, organismes calqués sur des ligues dissoutes ayant fait des démonstrations en armes ; estime qu’une lutte de tous les instants doit être menée contre le fascisme ; demande en outre avec insistance au gouvernement du Front Populaire afin de parer au danger de sédition possible, d’envisager sans le moindre délai (...) l’armement des masses populaires pour le jour du déclenchement éventuel du Coup d’État fasciste" (Le Semeur, 23 août 1936, cité par Francis Koerner dans Les répercussions de la guerre d’Espagne e n Oranie, page 479).
Rappelons que les Unions Latines dont Raoul Follereau est présenté ci-dessus comme étant le président furent créées dix ans plus tôt par le Docteur Jacques Molle, antisémite notoire qui se revendiquait ouvertement de l’antisémitisme des nazis. D’ailleurs, son journal de propagande, Le Petit Oranais, comportait en première page de couverture la svastika, autrement dit, le symbole du parti nazi (source ici).
Rappelons enfin que cette violence n’est d’ailleurs pas absente des passages en Algérie de Raoul Follereau. Déjà, en juillet 1936, le quotidien catholique de métropole La Croix relatait des affrontements et des coups de feu à l’issue d’une conférence de Raoul Follereau à Mostaganem, en Algérie française (édition du 03/07/1936 disponible ici).
Dans le numéro du 12 décembre 1936 (lien ici), c’est un compte rendu circonstancié de la conférence de Raoul Follereau que le journal L’Écho de Tiaret publie à l’attention de ses lecteurs.
Raoul Follereau y dénonce "ces oiseaux de proie" venus "s’abattre sur la France". Follereau continue ainsi : "Par oiseaux de proie, je nomme ces financiers internationaux qui sont de partout et de nulle part et dont le porte-monnaie remplace le cœur et qui forment la société du Komintern".
Raoul Follereau leur reproche de s’être, dès novembre 1918, livrés à des "intrigues diaboliques" pour "nous diviser" et "créer la haine entre nous". Il leur reproche également d’avoir fait la conquête de la Russie et de s’être accaparé, durant la grande guerre, "de toute l’industrie et le commerce".
La terminologie "ces financiers internationaux qui sont de partout et de nulle part" ne trompe pas. Les concepts de "peuple apatride", de "finance internationale" ou de "capitaux anonymes et vagabonds" désignent très clairement, et sans aucun doute possible, le Juif.
Associé à la "société du Komintern", nous obtenons ici une exemplaire démonstration du complot judéo-bolchevique selon lequel, pour l’extrême-droite, la révolution bolchévique est la première étape - locale - d’un vaste complot où Juifs et Marxistes marchent main dans la main pour la mise en œuvre de la domination juive internationale.
Profitons-en pour rappeler ici que Maurras considérait, pour sa part, que le premier danger qui menaçait la France était le "marxisme judéomoscoutaire" (Maurras, Mes idées politiques, cité par Ariane Chebel d’Appolonia dans Extrême-droite en France, volume 1, page 91, aux éditions Complexe).
Il apparait donc clairement, une fois de plus, que Raoul Follereau était porté par des convictions politiques ultraradicales et antisémites.
Dans un article ultérieur, nous verrons dans quelle mesure Raoul Follereau puis la Fondation éponyme ont utilisé sa notoriété acquise auprès des lépreux pour tenter d’effacer toute cette période de sa vie.
Déposez vos témoignages sur notre blog : http://follereau-entre-ombre-et-lumiere.over-blog.com/
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