Complexe Noir
Le gouvernement Chinois devait mettre fin au traitement discriminatoire des Africains lors de sa lutte contre la pandémie de Covid-19 avait déclaré Human Right Watch. Les autorités chinoises devraient également protéger les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers tout le pays contre les discriminations à l’emploi, au logement et dans d’autres domaines.
Début avril 2020, l’administration chinoises de la ville de Guangzhou, située dans la province du Guangdong dans le sud du pays et où vit la plus grande communauté africaine de Chine, ont lancé une campagne de dépistage obligatoire du coronavirus à l’intention de tous les Africains, leur adjurant de s’isoler ou de se mettre en quarantaine dans des hôtels désignés. De nombreux propriétaires ont ensuite exclus les résidents africains, nombre d’entre eux étant alors contraints à dormir dans la rue. Par ailleurs, de nombreux hôtels, magasins et restaurants ont refusé l’entrée à des clients africains. Les autres ressortissants étrangers n’ont généralement pas subi de traitement similaire.
« Les autorités chinoises alléguaient alors avoir une ‘‘tolérance zéro’’ vis-à-vis de la discrimination, mais leur traitement des Africains de Guangzhou en est un exemple même », a déclaré Yaqiu Wang, chercheuse sur la Chine auprès de Human Rights Watch. « Pékin aurait dû immédiatement enquêter, et exiger des comptes de tous les fonctionnaires et autres individus responsables de tels traitements discriminatoires. » On sait aujourd’hui qu’il n’en fut rien.
Le 12 avril 2020, les dirigeants de Guangdong ont annoncé que tous les étrangers de la province devaient accepter les « mesures de prévention et de confinement pour contrer le Covid-19 », y compris « les tests, l’échantillonnage et la quarantaine ». En pratique, les autorités avaient tout simplement pris pour cible les Africains, qui furent obligés au dépistage et à l’isolement. Elles se sont rendues aux domiciles de résidents africains, les ont dépistés sur place ou leur ont demandé de passer un test à l’hôpital. Certains ayant reçu l’ordre de rester chez eux, des caméras de surveillance ou des alarmes ayant été installées à l’extérieur de leurs appartements.
Il n’y avait, et il n’y a toujours aucune base scientifique à un tel traitement. La vérité est immarcescible, inébranlable car la plupart des cas de Covid-19 importés dans la province étaient le fait de ressortissants chinois de retour de l’étranger. De nombreux Africains avaient déjà été testés négatifs pour le coronavirus, n’avaient pas effectué de déplacements récents ou été en contact avec des porteurs avérés.
Ailleurs en Chine, certains Africains ont indiqué que la police et les autorités locales les avaient harcelés, et que des hôpitaux et restaurants leur avaient refusé l’entrée.
Le gouvernement chinois a nié avoir pratiqué une discrimination à l’égard des Africains à Guangzhou, affirmant qu’il « rejetait le traitement différencié » et avait « une tolérance zéro pour la discrimination ». Les médias d’État chinois ont également publié des articles cherchant à réfuter les critiques selon lesquelles les autorités chinoises auraient maltraité les ressortissants africains, accusant les « médias occidentaux » d’avoir « provoqué des problèmes entre la Chine et les pays africains ».
Les statistiques officielles indiquaient qu’environ 14000 ressortissants africains vivaient à Guangzhou, mais des chercheurs estiment que des milliers d’autres y sont en situation irrégulière. En raison des mauvais traitements liés au virus, de nombreux Africains en Chine exhortèrent leurs gouvernements à appeler Pékin afin de cesser toutes les formes de discrimination contre les Africains, et certains souhaitant être évacués de Chine
Des informations faisant état de discriminations à l’encontre des Africains en Chine ont suscité l’indignation des communautés africaines dans le monde entier, a noté Human Rights Watch. Les ambassadeurs chinois ont été convoqués par plusieurs gouvernements mécontents, dont le Nigeria, l’Ouganda et le Ghana. Les diplomates de plusieurs pays africains en Chine ont alors écrit au ministère chinois des Affaires étrangères, appelant le gouvernement à abroger « les dépistages forcés, la mise en quarantaine et autres traitements inhumains infligés aux africains ».
Plus de 300 organisations de défense des droits humains et près de 1800 militants en Afrique ont posté une lettre ouverte à l’Union africaine appelant à prendre « des mesures correctives immédiates » s’agissant alors du « traitement xénophobe, raciste et inhumain des Africains en Chine ». Au cours des deux dernières décennies, la Chine est devenue le partenaire économique le plus important de l’Afrique. L’implication de Pékin sur le continent dans le cadre de l’initiative La Ceinture et la route, un investissement d’un montant de 1000 milliards de dollars dans les infrastructures de près de 70 pays, a permis de dynamiser les économies africaines, mais a également donné au gouvernement chinois une influence colossal sur le continent. Les gouvernements africains ont rarement critiqué les autorités chinoises pour les mauvais traitements infligés aux Africains en Chine, ou pour les violations des droits humains qui y sont perpétrées.
Les Africains en Chine sont sujets depuis longtemps à une discrimination raciale. La police s’en prend fréquemment aux Africains, souvent présentés sur les réseaux sociaux chinois comme étant liés à des crimes violents et ayant dépassé la durée de leurs visas, pour l’application des lois relatives à l’immigration. Certaines offres d’emploi excluent spécifiquement les « Noirs », ou fixent un salaire inférieur pour les candidats africains. Certains assurent être payés moins que leurs collègues blancs pour le même travail. Un fait assez répandu ailleurs pour être contestable. Beaucoup ont également proclamé avoir été refoulés par des taxis, des restaurants ou des magasins.
En 2018, un sketch diffusé lors du gala annuel du Nouvel An chinois sur la télévision d’État mettait en évidence une actrice chinoise au visage noirci en train de tenir des propos tels que « la Chine a tant fait pour l’Afrique » et « j’adore les Chinois ! J’aime la Chine ! » Une publicité pour une marque chinoise de lessive présentait un homme noir poussé dans une machine à laver, « nettoyé » avant d’émerger sous la forme d’un Asiatique à la peau plus claire.
« Ensemble, les gouvernements africains devraient appeler sans équivoque le gouvernement chinois à mettre fin à toute discrimination contre les Africains de Chine et à ouvrir des enquêtes rapides et transparentes pour demander des comptes à tous ceux qui se livrent à des pratiques discriminatoires », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. « Les gouvernements africains devraient également inciter la Chine à prendre des mesures en vue de prévenir toute discrimination à l’avenir. » On sait qu’il n’en sera rien.
Tests forcés, mise en quarantaine à Guangzhou
Le 2 avril 2020, l’agence de presse officielle Xinhua avait signalé qu’un Nigérian atteint du Covid-19 s’était attaqué à une infirmière chinoise qui avait tenté de l’empêcher de quitter une salle d’isolement dans un hôpital de Guangzhou. L’information s’est répandue sur les réseaux sociaux chinois, déchaînant des réactions virulentes en ligne contre les Africains. Le 7 avril 2020, les autorités de Guangzhou ont déclaré que cinq Nigérians sur place avaient été testés positifs au coronavirus.
Le 20 avril 2020, les autorités de Guangzhou ont escorté, un homme d’affaires du Niger, pour qu’il se fasse dépister, lui ordonnant de se mettre en quarantaine chez lui pendant 14 jours, il n’avait pas quitté Guangzhou depuis l’épidémie et n’avait pas eu de contact avec des personnes connues pour avoir été infectées. « Je n’ai aucun problème à me faire dépister », déclara-t-il alors à Human Rights Watch. C’est pour sauver des vies. Mais ce qu’ils font est discriminatoire. Pourquoi seulement nous Africains ? Pourquoi sommes-nous traités comme si nous étions le virus ? »
Dans la nuit du 9 avril 2020, les autorités se sont rendues au domicile d’un Burundais, avant de le conduire dans un hôtel où il a été placé en quarantaine 14 jours durant : « Je dois payer pour la chambre d’hôtel, 300 yuans (soit 50 dollars) la nuit, plus la nourriture et les boissons. Je veux respecter la loi, mais je n’ai plus à rester à l’hôtel, ayant déjà été testé négatif à deux reprises », avait-t-il déclaré.
Après la fin de cette quarantaine forcée, cet homme a reçu l’ordre de la police de passer deux tests supplémentaires.
Autre cas, un étudiant en médecine kenyan, déclarait jadis, qu’en dépit d’une quarantaine obligatoire de 14 jours dans son dortoir, il n’avait toujours pas été autorisé à quitter le campus. « Les autorités nous ont dit que seuls les Africains devaient être testés et mis en quarantaine. Cela n’avait aucun sens. Maintenant qu’elle est terminée, je ne peux toujours pas franchir la porte de l’établissement. Pourquoi ? C’est absurde ». Deux poids, deux mesures.
Expulsions forcées, services refusés
Selon des sources informées à l’époque, avec qui Human Rights Watch s’est entretenu, les autorités de Guangzhou avaient donné des instructions orales aux propriétaires et aux hôtels pour qu’ils expulsent ou refoulent les Africains, nombre d’entre eux se retrouvant sans abri. Des images et des vidéos montrant des rangées d’Africains dormant dans la rue avec leurs bagages posés à côté d’eux ont été largement diffusées en ligne. On se souvient tous de ces images aussi insoutenables qu’humiliantes.
Les restaurants, magasins et installations publiques de Guangzhou avaient également interdit aux Africains leur accès. Dans une vidéo à l’intérieur d’un McDonald’s, un panneau indiquait que les Noirs n’étaient pas autorisés à y entrer. Plus tard, McDonald présentera ses excuses à travers une autre vidéo, des travailleurs d’un centre commercial ont déclaré à une femme noire qu’elle ne pouvait entrer tout en autorisant la femme blanche à côté d’elle à le faire.
Les chauffeurs de taxi refusèrent parfois les Africains à entrer, ceux des bus publics demandent souvent aux Africains de s’asseoir sur les sièges arrière parce que les passagers chinois peuvent être effrayés, ça dépasse l’entendement, lorsque nous sortons, des Chinois nous crient dessus, nous fuient, d’autres se pincent le nez alors même qu’ils portent des masques. Ce sont des comportements racistes horribles, mais le gouvernement chinois nie constamment ces faits. A-t-on déjà vu ou entendu un raciste le revendiquer ???
L’étudiant en médecine kenyan, a déclaré avoir été victime de discrimination « quotidiennement » au cours des six années où il a vécu à Guangzhou, bien avant la pandémie de coronavirus : « A plusieurs reprises, des gens se sont retournés sur mon chemin après m’avoir vu. Étudiant en médecine, j’étais stagiaire. Quand je me suis approché des patients, ceux-ci ne voulaient même pas que je les touche. Vous ne pouvez même pas essayer de vous approcher d’eux. »
Il a signifié naguère que les expériences passées et actuelles de discrimination l’ont convaincu de quitter la Chine : « J’attends la réouverture de la frontière, puis je quitte la Chine, immédiatement. » Certainement la meilleure décision qu’il ait prise durant les 6 ans en Chine, ça montre le prisme ambiant. La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD), que la Chine a ratifiée en 1981, contraints les gouvernements à « s’engager à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toute ses formes et à garantir le droit de chacun à l'égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique. » Nul doute que tout reste à faire en la matière.
Normes juridiques internationales
Le comité d’experts des Nations Unies qui surveille la mise en œuvre par les États de l’ICERD a spécifiquement appelé les gouvernements à « mettre pleinement en œuvre la législation et les autres mesures déjà en place pour garantir que les personnes d’ascendance africaine ne soient pas victimes de discrimination ». En outre, les gouvernements devraient « [ré]examiner, adopter et mettre en œuvre des stratégies et des programmes nationaux en vue d’améliorer la situation des personnes d’ascendance africaine et de les protéger contre la discrimination par les organismes publics et les agents publics, ainsi que par toute personne, groupe ou organisation. »
Vous ne pouvez pas simplement dire un jour aux gens que les Noirs ont le virus, et le lendemain qu’ils ne sont pas si mauvais que ça. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les gens acceptent soudainement cela. Les gens s’éloignent de moi dans la rue, littéralement. C’est tellement absurde. Il faut en rire c’est préférable.
Traitements inhumains et dégradants envers les africains noirs en Tunisie, fruits du racisme institutionnel et de l’externalisation des politiques migratoires européennes
17 juillet 2023 les organisations soussignées objectèrent leurs vives inquiétudes et leur écœurement quant à la situation délétère en Tunisie. Suite la mort d’un ressortissant Tunisien, présumément aux mains de ressortissants d’origine subsaharienne, survenue le 3 juillet 2023 lors d’une échauffourée, cette ville fut alors le théâtre d’affrontements entre une partie de la population chauffée à blanc par des campagnes de haine sur les réseaux sociaux, et des exilées en provenance d’Afrique subsaharienne installées dans cette ville, prises pour cibles. Cela s’ajoute aux graves événements racistes et xénophobes qu’avaient connus le pays en mars 2023, ayant notamment entraîné la mort de trois personnes d’origine Subsaharienne.
Le discours raciste et haineux, véritable « pousse-au-crime », prononcé par le Président tunisien en février 2023 n’a fait qu’encourager ces exactions, et accorder un blanc-seing aux graves violences exercées à l’encontre des personnes exilées. Et c’est bien l’attitude des autorités locales et nationales qui est en cause, laissant libre court aux fausses informations qui pullulent sur les réseaux sociaux, mais également aux violences de certains groupes – policiers, militaires ou issus de la population –, à l’égard des personnes exilées noires, férocement attaquées et violentées en toute impunité.
Nombre de témoignages, notamment des premiers concernés, d’associations de la société civile en Tunisie mais aussi de médias étrangers, font ainsi état de graves violations des droits humains à leur encontre : interpellations violentes et arbitraires, défenestrations, agressions à l’arme blanches. Ces acteurs dénoncèrent une véritable « chasse aux migrants » et des rafles, suivies du renvoi forcé d’un millier de personnes aux frontières avec la Lybie ou l’Algérie, l’objectif des autorités tunisiennes semblant être de regrouper à ces frontières les exilés originaires d’Afrique subsaharienne pour les y abandonner sans assistance aucune ni moyens de subsistance, y compris s’agissant de demandeur d’asile. Des rafles, qui nous rappellent un sombre passé, précédées ou s’accompagnant d’expulsions arbitraires de leurs domiciles, de destructions ou de vols de leurs biens, de traitements atroces et dégradants, ainsi que de violences physiques. Des violations des droits commises par des forces publiques ou des milices privées largement documentées, allez savoir par qui, mais demeurent à ce jour sans condamnation pour leurs auteurs de la part des tribunaux ou des autorités étatiques.
Tout cela intervient dans un contexte de crise sans précédent en Tunisie, touchant tous les domaines : économique, social, politique, institutionnel, financier. Une crise accentuée par les pressions et le marchandage de l’Union européenne (UE), qui entend via un partenariat « renforcé », mais inégal en matière migratoire, imposer à la Tunisie l’externalisation des contrôles frontaliers et de la gestion migratoire. Cette politique répressive sans conteste passe par le renvoi depuis les pays européens de tous les exilés dépourvus de droit au séjour ayant transité par la Tunisie, ainsi désignée comme « pays sûr », contrairement à la Libye. Ceci, au motif de faire de la Tunisie le garde-frontière de l’UE, en charge de contenir les migrations « indésirables » et de les éloigner le plus possible du territoire européen terre d’asile choisie par les migrants, en échange d’une aide financière conséquente venant à point nommé (au moins 900 000 €). Le tout malgré les inquiétudes suscitées par la dérive autoritaire observée en Tunisie et au mépris de l’Etat de droit et des droits fondamentaux des personnes exilées en Tunisie.
Une crise également aggravée par l’ambiguïté des autorités algériennes, qui instrumentalisent à foison la question migratoire pour des motifs politiques en déroutant les personnes d’origine subsaharienne de l’Algérie – qui compte des frontières terrestres avec les pays d’Afrique subsaharienne – vers la Tunisie, qui n’en a pas.
Nous exprimons notre entière solidarité avec toutes les victimes des violences, quelle que soit leur nationalité, condamnons cette violence raciste d’où qu’elle vienne, et exprimons notre indignation face au silence assourdissant et complice des autorités tunisiennes.
Nous enjoignons ainsi, la Tunisie à assumer les responsabilités qui lui incombent en protégeant de toute exaction les exilés sur son territoire, en mettant un terme à ces violences racistes et aux refoulements opérés en toute illégalité aux frontières tunisiennes, et à se conformer au droit international.
Enfin, nous dénonçons avec la plus grande vigueur les pressions exercées par l’UE sur la Tunisie dans le cadre d’une coopération inégale et marchandée en vue d’imposer à ce pays méditerranéen sa politique ultrasécuritaire en matière d’immigration et d’asile, au mépris du droit international et des droits des personnes exilées.
Libye. Des éléments attestent que les personnes réfugiées ou migrantes sont prises au piège dans un terrifiant cycle de violences.
Des migrants africains rassemblés par les services libyens de lutte contre l’immigration illégale, le 23 mars, à Tripoli.
En Libye, des dizaines de milliers de femmes et d’hommes réfugiés ou migrants sont pris au piège dans un effrayant cycle de cruauté, avec très peu d’espoir, voire aucun, de trouver un moyen sûr et légal d’y échapper, souligne Amnesty International. Après avoir enduré d’inconcevables souffrances en Libye, les réfugiés et les migrants prennent la mer au péril de leur vie pour trouver la sécurité en Europe, où ils sont alors interceptés, renvoyés en Libye et exposés aux maltraitances effroyables qu’ils voulaient fuir. Cela se produit alors que la Commission européenne a annoncé son nouveau « pacte sur la migration », qui se fonde notamment sur une coopération encore renforcée avec des pays extérieurs à l’Union européenne (UE) afin de contrôler les flux migratoires.
La Libye, qui est un pays déchiré par des années de guerre, est devenue encore plus dangereuse pour les personnes réfugiées ou migrantes à la recherche d’une vie meilleure. Au lieu de recevoir une protection, elles sont soumises à de nombreuses et terribles atteintes aux droits humains, et en 2020 ont leur reprochaient aussi de façon injuste de propager la pandémie de COVID-19, sur la base de considérations racistes et xénophobes. Malgré cela, encore en 2024, l’UE et ses États membres continuent d’appliquer des politiques qui enferment des dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants dans un terrible cycle d’abominations, faisant preuve d’un mépris cynique pour la vie et la dignité de ces personnes.
Diana Eltahawy, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient d’ amnesty international a rédigé un rapport Intitulé « Libye. De nouveaux éléments prouvent que les personnes réfugiées ou migrantes sont prises au piège dans un terrifiant cycle de violences (amnesty.org) ».
Un rapport sans équivoque s’agissant de l’horreur qui sévit en Libye.
Un groupe de migrants et de demandeurs d’asile noirs de plusieurs nationalités africaines, dont une femme et son bébé, bloqués dans le désert depuis des jours après avoir été expulsés de Tunisie, debout dans la zone tampon à la frontière entre la Tunisie et la Libye, face à une équipe de journalistes d’Al Jazeera et à des soldats libyens, le 11 juillet 2023.
Les recherches menées par Amnesty International ont montré que les personnes réfugiées ou migrantes sont souvent exploitées par des employeurs et soumis au travail forcé par des milices et des groupes armés. Ces faits ne sont plus à prouver.
Nombre de ces personnes vivent dans des conditions très difficiles, sans accès à l’eau potable et sans possibilité de se laver, ce qui accroît les risques de contamination en tous genres, d’autant plus que les mesures d’hygiène préventives ne peuvent absolument pas être respectées. Malgré cela, les personnes réfugiées ou migrantes se heurtent à des obstacles qui bloquent leur accès aux soins de santé et elles sont dans une large mesure exclues des mesures mises en place par les autorités pour prévenir toutes maladies infectieuses.
Ces personnes sont également constamment la cible de voleurs. Les femmes et les filles sont exposées à un risque accru de violences sexuelles. Elles évitent d’aller porter plainte à la police ou auprès des services des procureurs, car elles craignent d’être arrêtées ou de subir des représailles de la part des agresseurs présumés.
Des supporters libyens au stade de Tripoli, en mars 2024.
Multiples tracasseries
Plus récemment Les Béninois se souviendront longtemps de leur déplacement à Tripoli, lundi 18 novembre 2024, où ils ont affronté la Libye lors de la dernière journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football 2025. Grâce au match nul obtenu face aux Chevaliers de la Méditerranée (0-0), les Guépards ont validé leur participation à la phase finale, une première depuis l’édition 2019 en Egypte. Mais les heures qui ont suivi cette performance ne leur ont pas vraiment permis de fêter cette qualification. Mardi matin, le gardien de but Saturnin Allagbé était encore affecté par ce qu’il a vécu avec le staff et ses coéquipiers. « Avant le match, notre hymne a été sifflé, des projectiles ont été lancés en direction de notre banc de touche. Sur le terrain, les joueurs libyens, qui pouvaient encore se qualifier s’ils nous battaient, étaient très remontés et mettaient la pression sur l’arbitre à la moindre occasion », retrace le joueur de Botev Vratsa (Bulgarie).
Puis la situation s’est rapidement envenimée après le coup de sifflet final, alors que les Béninois rentraient aux vestiaires. « Il y a eu de nouveau des projectiles lancés dans notre direction. Des membres de notre staff ont aussi reçu des coups », poursuit le gardien béninois. « Notre analyste vidéo tunisien a été pourchassé et frappé. Nous avons ensuite passé plus d’une heure et demie enfermés dans notre vestiaire », poursuit Gernot Rohr, le sélectionneur franco-allemand des Guépards.
Les intimidations ne se sont pas arrêtées là, plusieurs membres de la délégation béninoise ont été molestés par des policiers libyens à l’intérieur du bus qui devait la reconduire à son hôtel tripolitain. « En théorie, ils étaient là pour notre sécurité. Et là, on voit quatre ou cinq policiers armés de leurs matraques taper sur les membres du staff technique et un de nos officiers de sécurité. Cela a duré plusieurs minutes, c’était particulièrement choquant », raconte Saturnin Allagbé. Comment de tels actes peuvent survenir lors d’un simple match de football, et comment ne pas assigner ces évènements sous le sceau du racisme, quand on sait que d’autres équipes nationales noires ont subi les mêmes affres.
Gernot Rohr, qui a reçu un coup de matraque à un bras, précise que plusieurs de ses adjoints ont été frappés. « Un des membres de notre sécurité a été touché à la tête. Il y a eu trois ou quatre blessés alors qu’il n’y a eu aucune provocation de notre part. C’est scandaleux », s’indigne le technicien. Ces incidents ont bouleversé les plans des Béninois, pressés de quitter la Libye après leur retour à l’hôtel. « On avait forcément un peu peur avec tout ce qui s’était passé. Le gouvernement béninois a donc décidé d’affréter un avion privé pour venir nous chercher et nous ramener à Cotonou », indique Saturnin Allagbé.
Ces nouveaux événements surviennent un mois après que le Nigeria a obtenu de la Confédération africaine de football (CAF) une victoire sur tapis vert (3-0) contre la Libye en raison du mauvais accueil qui avait été réservé aux Super Eagles. Leur avion, qui devait se poser à Benghazi, avait été dérouté sans explication vers l’aéroport d’Al Abrak, distant de plus de 200 km. Après avoir été enfermés dans l’enceinte de l’aérogare plus de douze heures, sans nourriture ni eau, les Nigérians avaient refusé de se rendre à Benghazi par la route. Ils avaient finalement quitté la Libye sans jouer après que leur gouvernement eut envoyé en urgence un avion pour les rapatrier.
En novembre 2023, puis en septembre 2024, les sélections du Cameroun et du Rwanda avaient déjà rencontré des problèmes similaires lors de leur séjour en Libye. « J’avais écrit à la CAF pour protester contre les multiples tracasseries que nous avions eues à subir et pour m’étonner que des matchs internationaux puissent se dérouler dans ce pays alors que visiblement, toutes les conditions ne sont pas réunies », se lamentait Adolphe Kalisa, le secrétaire général de la Fédération rwandaise de football. Après les violences subies par les Béninois à Tripoli, la réaction de la CAF, dont la mansuétude vis-à-vis de la Libye interpelle au sein de plusieurs fédérations africaines, est désormais attendue. Ces survenances trop nombreuses et récurrentes ne peuvent définitivement plus être placées sous le signe de cas isolés.
Racisme et xénophobie
Selon Human Rights Watch, les violences à l'encontre des migrants noirs africains se sont multipliées depuis lors, et les Nations unies ont appelé à mettre un terme à la discrimination raciste.
Une citoyenne tunisienne noire, affirme qu'elle se sent invisible.
"Parfois, je parle en arabe et ils me répondent en français parce qu'ils ne veulent pas que je fasse partie de la Tunisie".
L'arabe est la langue officielle de la Tunisie, mais elle dit être souvent rejetée lorsqu'elle parle cette langue, parce que les autres ne veulent pas reconnaître un quelconque lien de parenté avec elle.
Bien que le français soit associé aux privilèges et à l'éducation, c'est aussi la langue des "étrangers", et lorsque les gens l'utilisent pour lui répondre, ils indiquent clairement qu'ils ne pensent pas qu'elle est tunisienne. Le racisme et le populisme, qui se répandent dans le monde entier, ont gagné, en Tunisie, le sommet de l’Etat. Mardi 21 février 2023, le président de la République, Kaïs Saïed, a choqué en reprenant à son compte la théorie du grand remplacement, appelant à des « mesures urgentes » contre les Africains subsahariens, source, selon lui, « de violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Il n’est malheureusement ni le seul, ni le premier, certainement pas le dernier dans le pays à afficher ces idées. Depuis bien longtemps, les discours incitant à la haine et à la xénophobie se propagent simultanément en Tunisie et en Egypte, au moins. Sur les réseaux sociaux, les campagnes appelant à renvoyer chez eux les Africains subsahariens se multiplient. Il faut dire que, depuis toujours, la question très taboue du racisme en Tunisie, en particulier à l’égard des Noirs, n’a jamais fait l’objet d’un débat national. La plupart des Tunisiens se définissent comme méditerranéens et maghrébins, plus rarement comme africains ni à peau noire. Très peu savent que tous les Noirs de Tunisie ne sont pas uniquement des descendants d’esclaves, mais qu’il a toujours existé une population noire, comme certains Berbères à la peau très foncée. Les Noirs, d’où qu’ils viennent, sont considérés comme des sous-hommes, solides et aptes aux métiers pénibles. Ils seraient dociles, travailleurs, gentils, des gens de confiance, infatigables
Le complexe de l’homme noir
Être ou ne pas être noir ? Telle est la question pour tous ceux qui s’estiment victimes de la couleur de leur peau. A tort, ou à raison, ils l’associent à tous leurs maux.
Un de mes proches a pour coutume de me dire que si dans une hypothétique prochaine vie il était donné à chacun de choisir la couleur de sa peau, il n’y aurait pas grand monde qui accepterait de revenir sous la couleur noire.
Et je suis sûr que bon nombre parmi vous qui êtes en train de lire cet article pensez la même chose. La couleur de notre peau est si négativement chargée que nous la rejetons. Pour nous, elle signifie esclavage, colonisation, pauvreté, misère, guerres absurdes, coups d’État tout aussi absurdes.
Etrange haine de soi
Bref, nous avons chargé la couleur de notre peau de tous les maux de l’humanité et en avons honte. Au fond de nous, nous nous détestons, parce que nous sommes les vaincus de l’histoire actuelle, et nous imputons cette défaite à la couleur de notre peau. Dans le regard de l’autre, nous voyons toujours du mépris, de la condescendance, l’irrévérence, uniquement à cause de la couleur de notre peau.
Il y en a parmi nous qui n’ont pas attendu une prochaine vie pour mettre fin à cette situation insupportable, incommodante, même nauséabonde pour eux : ils ont choisi tout simplement de changer de couleur dans cette vie, en se décapant la peau. Le champion toutes catégories dans cet exercice était le regretté Michaël Jackson qui avait réussi à devenir totalement blanc, en redessinant même son nez qu’il trouvait trop épaté pour appartenir à un homme civilisé.
Nos frères congolais et plusieurs de nos femmes s’y essaient aussi, avec les moyens dont ils disposent ; ce qui a surtout pour conséquence de leur donner une peau de salamandre avec des cancers et autres maladies.
Le mécanisme psychologique pervers d’une infériorisation intériorisée
Il me plaît, en l’espèce, de citer ces lignes de l’historien et juriste tunisien Ibn Khaldoun (Ibn Khaldûn - Itinéraires d'un penseur maghrébin - CNRS Editions) :
« Les vaincus veulent toujours imiter le vainqueur dans ses traits distinctifs, dans son vêtement, sa profession et toutes ses conditions d’existence et coutumes. La raison en est que l’âme voit toujours la perfection dans l’individu qui occupe le rang supérieur et auquel elle est subordonnée.
Elle le considère comme parfait, soit parce que le respect qu’elle éprouve (pour lui) lui fait impression, soit parce qu’elle suppose faussement que sa propre subordination n’est pas une suite habituelle de la défaite, mais résulte de la perfection du vainqueur. Si cette fausse supposition se fixe dans l’âme, elle devient une croyance ferme.
L’âme, alors, adopte toutes les manières du vainqueur et s’assimile à lui. Cela, c’est l’imitation. Cette attraction va si loin qu’une nation dominée par une autre nation poussera très avant l’assimilation et l’imitation. » Il s’est fendu de cet écrit en 1377.
Il est vrai qu’aujourd’hui encore l’homme noir n’est pas à la fête. Il y a quelques temps, pas si lointain, une manifestation raciste avait visé les immigrés d’origine africaine en Israël. Dans de nombreux pays arabes, les Noirs sont traités pire que des animaux et accusés de tous les maux de leur société. Dans la Libye du colonel Kadhafi, on avait organisé des pogroms de Noirs africains au moment même où le « guide » lançait l’idée de l’Union africaine. C’était hier !!! Un peu plus loin, au début du 20ème siècle, l’homme Noir était exhibé comme un animal de foire dans les pays européens.
C’est à nous, noirs, d’inverser cette perception erronée
Non, il y aurait là de quoi ne pas être fier d’être noir. Mais accuser la couleur de notre peau est assurément une erreur d’appréciation. Oui, notre continent est le moins développé au monde. Oui, partout dans le monde, les hommes noirs sont les plus pauvres, les moins bien lotis. Mais, répétons-le, cela n’a rien à voir avec la couleur de la peau.
Il s’agit plutôt d’une situation sociale, héritée d’une longue histoire. Il nous appartient, à nous, noirs d’aujourd’hui, d’en changer le cours. En arrêtant de nous détester, de pleurnicher sur la partie la moins glorieuse de notre passé, en nous disant que notre histoire ne se résume pas à l’esclavage et à la colonisation, que toutes les autres civilisations sont passées par ces stades. Il est établi, que l’homme ne peut justifier son ascendant sur les autres que par le sentiment qu’il a de sa supériorité, notamment intellectuelle et morale, sur tout ce qui réside et s’agite sur la terre. Cette perception qui a pris dans les consciences l’importance d’un fait incontestable, planant au-dessus de toute hypothèse.
On peut admettre qu’un développement moral élevé, soit une force respectable, puisqu’il participe à asseoir la volonté et donne à l’être la faculté de résistance qui représente la plus expressive et la plus haute aptitude. Envisager les comparaisons qu’on a essayé d’établir voir celles possibles entre les races humaines, au point de vue de la moralité, auraient pu contribuer à constater des faits qui prouvent la capacité semblable de tous les êtres humains. La vérité est indéfectible. Nous savons aujourd’hui que l’homme noir a contribué à l’évolution de l’espèce humaine aux époques les plus reculées de l’histoire. La survenance d’un tel fait ne pouvait-il pas participer à anéantir irrémédiablement la théorie de l’inégalité des races soulevées par certains. Rien n’est plus apparent que l’inégalité de certaines races ; rien encore davantage marqué que ces inégalités entre individus se réclamant de la même race. Rien de plus sournois que les calculs arbitraires des aptitudes ethniques. Il est manifeste que la race blanche est sur un piédestal fantastique, mais pas parce qu’il y aurait une vertu particulière, divine en elle, que les autres ne possèderaient pas, mais de préférence par un épanouissement régulier de ses aptitudes, elle est parvenue graduellement à un échelon que ses égales n’ont pas connu. Sans conteste, elle s’est transformée de façon active et incomparablement, voilà la voie que doit emprunter l’homme Noir. Au-delà, on peut raisonnablement penser qu’une autre race, avec la même initiative évolutive parvienne à de brillants résultats, indiscutablement.
Que le cours de l’histoire soit justement en train de changer, que l’axe du monde ne se trouve plus dans la vieillissante Europe mais plutôt en Asie, et que si nous arrêtons de singer les autres, si nous nous mettons résolument au travail, nous pourrons nous aussi déplacer cet axe vers notre continent qui a pour atout premier sa jeunesse.
Oui, chers frères et sœurs, mettons-nous au travail et infailliblement nous verrons que demain, ce seront les autres qui envieront la couleur de notre peau. Il est question ici, de diffuser l’évidence et rappeler à tous les humains que nous sommes au sentiment de justice et de la réalité. Reconnaîtrons-nous un jour que partout il y a des hommes doués de qualités analogues et des mêmes imperfections, sans distinction de couleur ni de forme anatomique ? Les races sont égales ; elles sont toutes aptes à s’élever à la plus précieuse des vertus, au plus haut développement intellectuel, assurément !!!
Dévoilement de 3 monuments dans l’espace public : L'ode de Patrice TALON (Président du Bénin)au patriotisme et à la fierté nationale
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