Con comme la lune et qui ne connaît jamais d’éclipse
Je ne me souviens plus où j’ai lu ou entendu le titre de cet article qui me semble tout droit tiré des propos du grand Audiard. Pour autant, il me semble si bien caractériser le monde qui nous entoure.
Observez simplement l’actualité pour vous en convaincre. Hier, j’entends que notre beau pays, celui de Poincaré ou Villani, a un classement lamentable en mathématique pour ses élèves de primaire ou de terminale. C’est un constat bien lamentable si l’on tient compte du fait que nous sommes la nation la plus généreuse en termes de moyens alloués ou d’heures de cours dispensées. En pareil cas, et pour le non spécialiste de l’enseignement que je suis, je pensais naïvement que cette étude nous permettrait d’aller voir ailleurs ce qui marche mieux que chez nous. Mais non, la sentence est tombée par notre chère Najat… si les petits français sont nuls en mathématiques, c’est la faute à Fillon et au gouvernement précédent. Bon sang mais c’est bien sûr !!!!
Curieuse époque en vérité, où dans le monde du travail nous ne sommes plus entourés, pauvres cinquantenaires que nous sommes, par l’espèce nouvelle du jeune diplômé, que des Bac +… Tant mieux pour celui qui a eu la chance d’étudier me direz-vous, mais que pensez du fait qu’une grande proportion d’entre eux ne sache ni lire, ni écrire correctement ni plus grave comprendre le français. La faute à Fillon ?
Regardez le modèle des services clients de toutes les grandes boîtes. Tout se traite au moyen de courrier ou mail type. Ne prenez jamais la liberté d’évoquer plusieurs points dans un courrier de réclamation, au mieux seul le premier sera traité, au pire vous essuierez un refus en bloc pour gagner du temps. Il est vrai que lorsqu’un humain se glisse dans les méandres informatiques pour établir un courrier personnalisé, le client reçoit au mieux une gabegie syntaxique mâtinée de verbiage anglo-saxon et au pire un texte de rap.
Que pensez par ailleurs de notre si chère formation professionnelle ? Les gens n’ont jamais fait autant de stages, de formations, d’immersions, de séminaires pour… un sentiment général perçu par les clients d’une montée croissante de l’incompétence. Du vendeur d’électro ménager au conseiller de clientèle en passant par les professionnels du droit ou de la médecine, tout le monde cherche un bon conseil qui souvent ne vient pas ….
Et notre dernière primaire, exercice magnifique de démocratie qui a permis, entre autres, à 14% d’électeurs se réclamant du Front National d’éliminer totalement Sarkozy de la scène publique… Et de porter aux nues un François Fillon (tient encore lui) qui n’en demandait pas tant, et se trouve être le pire opposant à droite pour Marine Le Pen. La lune n’est pas loin et nous nous en rapprochons lentement. C’est un peu aussi le poids de l’histoire.
Dans les années soixante, tout était politique et tout le monde faisait de la politique avec un raccourci simple, les ouvriers étaient forcément de gauche et les patrons de droite. L’ouvrier avait pour se cultiver ou s’ouvrir sur le monde un outil extraordinaire, le journal (papier, télévisé pour les plus chanceux ou radiophonique). Mon grand-père n’avait pas eu la chance de pouvoir étudier l’économie ni de connaître les grands principes de Keynes ou de Friedman mais il était animé par un solide bon sens, une foi inébranlable dans l’avenir et le sentiment certain de pouvoir changer les choses. Combien de nos concitoyens se permettent aujourd’hui d’avoir un avis sur tout sans avoir jamais pris la peine de s’informer ???
En 1980, changement d’époque, nos professeurs nous ont appris à nous méfier de la désinformation par les mass medias. A l’époque de l’après choc pétrolier nous avions des idées et un esprit critique omniprésent, bien que souvent manipulable ; c’était l’ère des empoignades sans fin avec Michel Polac, des débats télévisés avec Georges Marchais ou l’inénarrable Henri Krasucki, des premières éructations à succès de Jean-Marie le Pen . Que voulez-vous chaque période a les comiques qu’elle mérite.
Et aujourd’hui… nous n’avons jamais autant reçu, les mots sont importants, je dis bien reçu et non assimilé, un flux aussi dense de message ; là aussi, il s’agit bien de message et non d’information. Il me semble que tout concourt d’ailleurs en télévision à un abêtissement généralisé ; rendez-nous Pivot, Chancel, le Patrice Duhamel de la grande époque ou Jean Marie Cavada. Si certains comme le même Duhamel ou encore Elkabbach s’accrochent toujours, cela laisse à supposer que leur créneau n’est pas parfaitement occupé par de dignes successeurs.
De nos jours, plus d’analyse ni de réflexion, le dernier qui parle a gagné et plus c’est gros plus ça passe ou ça Trumpe. J’entendais l’autre jour un soutien de Jean Luc Mélenchon affirmer sans barguigner qu’il y a vingt ans la dette publique française était de vingt milliards d’euros. Ce qui me gêne n’est pas tant que ce monsieur ignorait que le montant réel était plus proche des sept cents milliards d’euros, c’est que cette fausse information (ou désinformation) allait librement circuler sur les réseaux sociaux. Curieux nom là encore, lunaire même, dans une société autant clivée où tout oppose les citoyens de tenir à communiquer par des réseaux se voulant sociaux. Il n’y a jamais eu autant de solitude, aussi peu de solidarité et pourtant combien d’amis virtuels…
Vous allez me rétorquer que peu de choses trouve grâce à mes yeux… Pourtant non, je vous assure, il y a parfois un rayon de soleil.
J’ai appris dernièrement que l’équipe de rugby des All Blacks, meilleure équipe du monde, très largement distinguée sur tous les terrains internationaux, avait pour principe de toujours nettoyer son vestiaire en quittant son stade. Que de distance avec ce qui se passe en Ligue 1 de football…
Quel rapport me direz-vous avec le propos qui précède ?
Je pense et propose simplement que nous aussi nettoyons nos vestiaires. A commencer par ce qui est cassé dans notre éducation, premier budget de l’état. Non les enfants ne sont pas apathiques et les profs ne sont pas nuls, mais cessons le dogmatisme et allons prendre les bonnes idées là où elles se trouvent. Ce qui fonctionne pour un petit finlandais ou coréen doit pouvoir marcher chez moi. J’ai mal à mon école qu’on a trop voulu depuis si longtemps niveler par le bas. N’ayons pas peur de récompenser plus encore nos meilleurs professeurs et de reconnaître leur mérite et rendons aux meilleurs élèves l’ascenseur social qui faisait la fierté de notre République.
Revenons aussi aux fondamentaux de la pratique de notre belle langue avec une réelle exigence d’orthographe quel que soit le diplôme.
Réapprenons à nos concitoyens que nous pouvons élire un candidat sur son programme et qu’il est inconvenant de menacer d’ores et déjà notre pays d’un troisième tour social si la majorité des électeurs dans les urnes en a décidé préalablement autrement.
Redonnons enfin une véritable culture politique à notre jeunesse en faisant encore le ménage dans nos vestiaires. Regardez la faible proportion de nos jeunes diplômés qui prennent part aux élections et laissent les autres décider pour eux. Ce sera à terme un véritable drame pour notre pays. Le désintérêt général porté par la vague du « tous pourri » permet des brexit ou des Trump. Chez nos amis d’outre-manche ce sont les électeurs dits de droite qui ont voté pour le brexit mais ce sont les masses les plus populaires qui en porteront le poids. De même aux Etats Unis. Certains en France se sont fait les gorges chaudes de l’élection d’un candidat hors système, nous en reparlerons bientôt quand la hausse des taux d’intérêts rendra le poids de notre dette insupportable.
Le vestiaire est une image et pourtant, c’est bien par le basique et le collectif que nous pourrons redresser notre pays. Il est si facile d’être contre… mais prenons garde un jour à vouloir tout contester, se croire en permanence au-dessus des autres, n’accepter de réformes que si elles restent sans effets sur nos petites personnes…à ne pas devenir semblables à l’astre lunaire.
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