Condamnation des époux Balkany : une violation du principe d’Égalité, et de l’État de droit
Le système Balkany s’effondre, sous le poids des peines de prison et d’inéligibilité des époux. On pourrait s’étonner de cette peine de prison qu’on s’empresse de ne pas faire exécuter. Mais le vrai scandale de cette décision est ailleurs.
Il est dans la condamnation lourde et rétroactive de ces deux élus, comme de tous leurs "frères"< fraudeurs fiscaux, face à la guillerette illégalité d’autres élus, et la complicité des préfets et ministres à couvrir leurs méfaits, ignorant sciemment le citoyen qui les interpelle pour faire respecter la loi.
L’État de droit : une fake news que l’affaire Balkany éclaire brillamment.
Cette fois, la messe est dite à Levalllois. Les époux Balkany sont confirmés dans leur culpabilité, condamnés à la prison, et à l’inéligibilité. Fraude fiscale, après tout, on punit le passe-passe fait avec des millions qui n’ont pas apporté à l’État ce que prévoit le droit.
Au-delà du cas personnel de Monsieur et Madame, beaucoup d’observateurs rappellent que c’est en fait un système, 30 ans de pratiques régulièrement pointées du doigt, qui arrive à son terme.
Les supportecrs des époux, leur garde rapprochée, certainement le regrettent. Je n’en fais pas partie, et pourtant je regrette, moi aussi.
Oui, franchement, je regrette cette condamnation. Pourquoi ?
Mettons tout de suite de côté ce dont certains s'etonneront peut-être : l’apparente clémence dans l’application de la peine. Quatre ans de prison ferme pour lui, dont un avec sursis ; trois ans fermes pour elle. Mais pour l’un comme pour l’autre : sans mandat de dépôt. Comme la "simple visite" de la prison du Monopoly. Certes, il semble malade, et elle s’est déclarée très déprimée (on le serait à moins). Mais on peine tout de même à comprendre pourquoi on prononce ces peines, pour finalement les envoyer en prison tout en les laissant libres, Un peu comme le fameux chat de Schrödinger de la mécanique quantique, qui était à la fois mort et vivant. Les époux Balkany : les plus célèbres condamnés quantiques de France : prisonniers et libres à la fois.
En fait, en matière de fraude fiscale, la peine de prison sans prison, ce n’est pas pour rire. Les connaisseurs savent que, depuis des années, la fraude fiscale ne donne presque plus jamais lieu à des peines carcérales. Et, quand c’est le cas, ces peines sont très généralement assorties d’un sursis complet. Alors, dans l’ordre du symbole, une peine de prison (presque) sans sursis, mais sans mandat de dépôt, c’est vraiment lourde peine, comme un enfant qu’on priverait de dessert en le laissant accéder au frigo.
Donc, non, rien à dire ; dans la logique savante du pouvoir judiciaire, la main a été lourde.
Alors, quoi ? Où est le scandale ?
Il est, comme souvent, dans ce qui n’est pas fait, les sujets non traités et les choses non dites.
Illustrons cela par l’exemple de mon petit village du Val d’Oise, où le maire (enfin partant) a quelques belles casseroles accrochées à l’écharpe :
- 1°) casserole n°1 : un manquement à la loi répété pendant des décennies (il aura a été maire plus de trente ans), par absence de récolement des archives à chacun de ses réélections. Le récolement, c’est l’établissement d’une liste complète des documents créés ou détruits par un maire pendant sa mandature. Au-delà d’un exercice légalement obligatoire, c’est une hygiène salutaire pour les archives, souvent parent pauvre des politiques locales, pour permettre à l’élu, mais plus encore au citoyen, de savoir quels documents sont disponibles pour tout besoin, et de les demander. Car, outre cette négligence opiniâtre sur les archives, ce maire avait l’habitude de donner un accès sélectif aux documents publics, et en particulier de les refuser aux citoyens dont la tête ne lui revenait pas, ou quand leur rétention pouvait lui servir (dans des procès par exemple). Ce désordre a fini par faire du grabuge au village, et le maire a dû reconnaître que « de nombreux documents avaient été égarés lors de transferts entre des entrepôts », sans que personne, bien sûr puisse savoir lesquels. Privé de moyens de défenses normaux dans un procès qui m’opposait à la mairie, j’ai saisi en 2015 le préfet, pour qu’il joue son rôle de contrôle de la légalité des actes du maire, et prenne une position sur la régularité de la tenue du récolement dans le village. En catastrophe, la maire a alors lancé son premier récolement en trente ans. Et la directrice des archives du Val d’Oise, mandatée par le Service National des Archives que j’avais également saisi, est venue enquêter sur place. En plein conflit d’intérêt, certes, puisque ses équipes faisaient en même temps le travail, rémunéré par la mairie, de mise en ordre des archives du village, elle a constaté les progrès de la mairie en termes d’archivage, et des efforts en bonne voie. Sur la seule question que j’avais posée : « la mairie a-t-elle oui ou non eu un comportement régulier et légal de récolement depuis trente ans ? », aucune réponse, et ceci malgré mes relances. Et aucune réponse non plus à ma saisine de la part du préfet. Il est vrai, pour le préfet de l'époque, la fin de son passage en Val d’Oise était proche, et il était certainement bien tentant pour lui de jouer le tenu, pour passer le bâton m… au suivant, qui pourrait feindre de ne pas être au courant s’il le voulait. Depuis 5 ans, j’attends. Et tout se passe comme si, puisque maintenant le récolement est en ordre, et que le temps a passé, il n’y a plus matière à enquêter, sur des méfaits anciens, et encore moins à les punir. Dormez tranquille, M le maire hors-la-loi, les pouvoirs de contrôle vous protègent, au mépris de la loi, et d l’honnêteté due au citoyen
- 2°) casserole n°2 : la protection contre les risques naturels. Mon village est soumis à deux risques de ce type ; l’effondrement de carrières anciennes, et l’Argile. L'Argile ? Ce matériau, présent dans le soussol de certaines parties du village, en se desséchant aux périodes très chaudes, se rétracte, puis regonfle, ce qui peut provoquer de sérieuses fissures et autres dégâts aux bâtiments. La connaissance du risque peut permettre des mesures d’anticipation ; son ignorance laisse le citoyen face au triste constat, plus coûteux à réparer, si le risque s’avère
Au titre ce ces risques, mon village est couvert par un schéma départemental de protection contre les risques naturels (SDPRN, en place dans le Val d’Oise depuis 2009) et aurait du, de par la loi, disposer d’un PPR (Plan de Prévention des Risques) et, tous les deux ans au moins, informer proactivement la population, en détail, de la nature et étendue des risques, et des modalités du PPR.. Des rapports du ministère de l’environnement, en 2005, attestaient de l’illégalité généralisée du Val d’Oise en la matière (seulement 5 communes en règle sur plus de 200). Curieusement, ce rapport, demandé au ministère, est aujourd’hui réputé introuvable. Mais, disent les sources qui l’ont perdu, la situation est aujourd’hui bien meilleure. Demande a été faite des documents qui étayent cette affirmation. Rien pour l’instant, nous verrons bien si il y a matière, ou si ce sont des paroles d’argile molle
En parallèle, dans mon village, suite aux premières questions citoyennes sur ce sujet, un plan communal de sauvegarde a été approuvé en hâte par la mairie… En février 2019 ! Avec référence à une loi de 1984, faisant obligation aux communes couvertes par un SDPRN de disposer d’un PPR dans un bref délai. Des années d’illégalité, en toute apparence, qui ont pu nuire au patrimoine des citoyens exposés aux risques. Face à ces désordres potentiellement sérieux pour les citoyens, la responsable à la préfecture du contrôle de légalité de actes des élus a été saisie (troisième préfet depuis le muet du récolement, très officiellement, avec demande de rendre un avis. Malgré des relances, refus obstiné de toute réponse, et politique de l’autruche. De peur d’accuser qui que ce soit, sans doute, elle n’ose même pas accuser… Réception.
De cette lâcheté préfectorale, de cette illégalité municipale, information a aussi été faite à divers ministres, pour les exhorter à agir. Garde des Sceaux, ministre de l’Intérieur, premier ministre, tous ont eu leur chance de montrer à quel point l’État de droit était pour eux plus qu’un concept, plus que des mots et de la com. Résultat zéro. De minimis pretor non curat… Et ils renvoient, au mieux, vers… Le préfet. À nous prendre ainsi pour des imbéciles, ils préparent l’avenir, pour des remplaçants issus d’un nouveau nouveau monde.
Alors, oui, voilà ce qui choque dans la condamnation des Balkany, comme d’ailleurs de tous les fraudeurs fiscaux.
D’un côté des personnes dont on va chercher les fautes dans le passé, et qu’on condamne à ce titre, à rembourser les sommes, à payer des pénalités, à perdre des droits civiques, voire à de la prison.
Et de l’autre côté des malfaiteurs potentiels ou avérés, porteurs d’un pouvoir officiel (et normalement de la connaissance supérieure de la loi et des responsabilités qui vont avec), que le pouvoir refuse, non seulement de sanctionner s’ils sont coupables, mais même de simplement contrôler alors même que le citoyen, qui en a pleinement le droit, le saisit pour jouer son rôle. Et ceci avec souvent l’argument (non écrit, bien sûr, soyons sérieux) que ces fautes sont du domaine du passé, et que la situation est en cours de / vient d’être remise en ordre.
Honte à cette République bananière, où l’État de droit dans les mots couvre l’État de non droit dans les faits. Honte aux gardiens de la loi qui détournent les yeux. Par les (non) actes ils sont les premiers coupables du délabrement de la confiance des citoyens dans leurs dirigeants.
Et gare à ceux qui oublient la logique du principe d’Égalité (vous savez, le premier mot de notre devise) : principe qui voudrait, si on le prenait à la lettre, que chacun, comme le préfet, comme le maire, puisse choisir les lois qu’il souhaite violer en toute impunité.
Dans un pays qui bout, les responsables ne devraient pas attiser les braises ; on ne sait jamais d’où peut partir l’incendie.
F. Lainée
Animateur de « Le pouvoir, autrement », Nous Citoyens France
Fondateur des Politic Angels
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