Conférence sociale : gros sur la patate
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Parfois, avec Paulette, on frise l'incident diplomatique. Les scientifiques disent que c'est normal chez les vieux couples, qui, quand ils commencent à sentir de la bouche, finissent toujours par se rendre la vie impossible, le plus souvent pour des petits rien, à cause de non-dits accumulés qui explosent. On peut comprendre : quand l'un commence à contester le fait qu'il est la chose de l'autre, les valeurs en prennent un coup et la cabane tombe sur le chien. En politique ou pour le syndicalisme, c'est pareil.
Aujourd'hui, on avait une raison de plus pour se chamailler, avec Paulette, même si j'avais racheté du dentifrice émail diamant : c'était le début de la « conférence sociale » spéciale emploi/retraites entre syndicats, patronat, gouvernement.
Hollande ayant fait son discours introductif, (creux comme un verre de lampe comme d'habitude) en guise de fin de non recevoir sur d'éventuelles critiques à venir, il fallait faire face : sur les retraites comme sur le reste, Hollande a déjà décidé. Mais comme il n'a pas oublié que le propre de la social-démocratie est de faire porter le chapeau aux syndicats par une simili concertation – comme il l'a fait avec succès l'an dernier pour apprivoiser le Medef afin qu'il puisse faire des économies sur le dos des salariés, il introduisait la sonde de nouveau. La CFDT, habituée aux assiettes de canigou gouvernemental sous Sarkozy, n'avait même plus mal sous Hollande, même s'il est plus lourd.
Le syndicalisme, sous la Vème, avait le feu au lac mais avec des contreparties négociables, pour peu qu'il soit raisonnable. C'est ce que ne veut pas comprendre Paulette : il faut bien faire des concessions et des simulacres de débats pour continuer à vivre. « Il faut comprendre cela et ne pas tourner la politique et le syndicalisme en dérision, c'est trop sérieux », ai-je rajouté.
" Ah ouais ? ", qu' elle a répondu, du tac au tac.
C'est en écoutant le Président ce midi que Paulette lança sa charge : elle m'annonça qu'il paraîtrait qu'on aurait trouvé au siège de la CFDT, lors d'une perquisition consécutive à une plainte de la CGT, une lettre manuscrite, non datée, destinée à François Hollande en forme de serment d'allégeance :
"Cher François, très brièvement et respectueusement", est-il écrit.
"1) La CFDT est à tes côtés pour te servir et servir tes projets libéraux pour la France.
2) J'ai fait de mon mieux depuis ton élection, y'a quà voir l'accord ANI où on a bien niqué les salariés, mais et j'ai pu échouer parfois à masquer notre deal avec toi et avec le Medef. Je t'en demande pardon.
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Je n'ai pas d'ambitions politiques personnelles et je n'ai pas le désir de devenir un ambitieux servile comme nombre de ceux qui t'entourent dont la loyauté est parfois récente et parfois peu durable.
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Je t'écris pour te dire : lors de la Conférence sociale qui s'ouvrira à partir du 20 juin, utilise-moi pendant le temps qui te convient et convient à ton action et à ton casting.
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Si tu m'utilises, j'ai besoin de toi comme guide et comme soutien : sans guide, la CFDT risque d'être inefficace, sans soutien elle risque d'être peu crédible. Avec mon immense admiration. Laurent B. " (ici, l'original)
L'air de rien, j'ai dit à Paulette qu'il fallait de tout pour faire un monde, et que je ne broderai pas sur des correspondances privées, qu'il fallait se concentrer sur la feuille de route officielle de la conférence sociale pour avancer et "réformer par le dialogue", que les retraites des autres fallait pas s'en occuper tant que ça ne vous touche pas, et que si ceux que ça regarde ne bougent pas, c'est qu'ils sont contents et qu'on peut pas faire leur bonheur sans eux et sans qu'ils l'aient mérité.
Elle m'a regardé avec un drôle d'air.
J'en avais gros sur la patate.
Léon
http://leonetpaulette.blogspot.fr/
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