Conseil de défense écologique : Les mesures sont-elles suffisamment à la hauteur des enjeux ?
Avant d’aller constater les dégâts du réchauffement climatique sur la Mer de glace, en Haute-Savoie, Emmanuel Macron avait réuni à l’Élysée un Conseil de défense écologique. Sans préjuger de la portée des annonces faites, des réserves sont émises par les écologistes et les ONG déclarent immédiatement : "Beaucoup de mots, peu d'action" ou dénoncent " une opération pour verdir son image avant les municipales"...

Qu’en est-il réellement ? Quelles mesures sont-elles annoncées ?
Pas d’annonces spectaculaires mais une série de mesures techniques, tel est le bilan du quatrième Conseil interministériel de défense écologique qui s’est déroulé le 12 février à à l’Élysée. À son issue, la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, a annoncé une série de mesures sur trois sujets : l’adaptation au dérèglement climatique, en particulier aux inondations et au recul du trait de côte , la protection de la biodiversité et l’exemplarité des services en matière de transition écologique.
Aux journalistes présents, la ministre a indiqué que « 17 millions de nos compatriotes sont exposés au risque d’inondations » et préciser que le conseil de défense écologique a décidé de diviser par deux la durée d’élaboration des programmes d’action pour la prévention des inondations (soit 4 ans maximum). Rappelant qu’aujourd’hui « ils peuvent prendre jusqu’à huit ans ». Il a été également décidé qu’en-deçà de 20 millions d’euros, ces programmes de prévention seront désormais validés au niveau local. Le Conseil promet également de garantir la capacité du Fonds Barnier de prévention des risques naturels, et d’accompagner neuf sites, parmi lesquels Marseille, Dax et Vernon, dans la réduction de leur exposition au risque d’inondation, avec une équipe d’architectes, d’urbanistes et d’ingénieurs.
La ministre a aussi annoncé « vingt mesures censées favoriser la transition écologique des services publics » : forfait mobilité durable de 200 euros pour les agents de la fonction publique d’État se rendant au travail à vélo ou en covoiturage, arrêt des achats de plastique à usage unique pour les lieux de travail et les événements, fin de l’utilisation des pesticides sur tous ses sites ouverts au public ou non, fin des trajets en avion si un trajet alternatif de moins de quatre heures existe, etc.
Pour ce qui est de prévenir les conséquences du recul du trait de côte
Il concerne 20 % de la surface maritime française et pourrait menacer au moins 50.000 logements d’ici la fin du siècle, mais probablement bien plutôt. Le conseil préconise, pour les sites menacés à court terme, d’interdire les nouvelles constructions, en relocaliser certaines, et de recréer les dunes, des forêts, des prairies qui limitent l’érosion d’ici trente ans. Il annonce également la création d’un permis de construire pour ces espaces menacés, qui autorisera seulement les constructions non pérennes et démontables et la création d’une obligation d’information transparente et objective des acheteurs et locataires sur le risque d’érosion. La ministre a également rappelé la promesse d’Emmanuel Macron du 6 mai 2019, de mettre sous statut protecteur 30 % du territoire terrestre et maritime de la France, dont « 10 % sous protection forte »
Détruire 50 000 logements, ce qui sera inévitable aurait un coût actuel supérieur à 10 milliards pour l’État.
Si on détruisait aujourd’hui 50 000 logements, considérant une moyenne de 80 m² par logement (habitations individuelles ou logements collectifs), sachant que le prix moyen au m² est d’environ 2600 euros dans les régions côtières, cela représenterait 4 millions de m² à 2600 euros le m² soit 10,4 milliards d’euros. On peut regretter que cet aspect budgétaire n’est pas été mieux évoqué. A trop attendre, plutôt que de procéder par étapes à ces destructions, au gré des urgences, ça coûtera bien plus cher. Car, ce ne sont pas les dispostions actuelles d'enrochement, pour protéger du recul inévitabe du trait de côte, dont certaines très controversées, qui le stopperont.
En matière de biodiversité, quoi de nouveaux à l’horizon ?
La ministre Élisabeth Borne a rappelé la création de quatre parcs naturels régionaux, du mont Ventoux, du Doubs-Horloger, de la baie de Somme-Picardie maritime et de Corbière-Fenouillède, et du « plus grand parc de forêt d’Europe » en Bourgogne et Champagne fin 2019. Jeudi 13 février, Emmanuel Macron doit en outre annoncer un arrêté de protection du sommet du Mont-Blanc, qui bénéficie déjà du statut de site classé. Pour rappel, deux événements internationaux importants pour la protection de la biodiversité sont prévus en 2020, le congrès mondial de la nature, en juin à Marseille et la COP15 sur la biodiversité en octobre en Chine, et le président de la République entend bien s’y présenter comme « champion de la biodiversité ».
Outre les mesures annoncées jugées insuffisantes de la part des ONG, Corine Lepage se montre également assez critique.
Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l'Environnement et présidente du Rassemblement citoyen-Cap21, après avoir pris connaissance des mesures proposées, déclare « Dans le même temps, on continue à déconstruire le droit à l'environnement ». Elle souligne également : « Vous avez une loi de simplification administrative présentée au Parlement il y a trois jours dans laquelle on veut supprimer de manière très large les enquêtes publiques, réduire le champ des études d'impact, faciliter la vie des industriels. Tout cela est totalement incohérent « . Concernant la création des quatre nouveaux parcs régionaux (PNR), si elle admet que « C'est très bien de faire des PNR », elle rajoute : « mais cela ne préserve rien. Cela n'empêche pas l'Etat d'autoriser Calcia à aller faire des horreurs dans le Vexin » (une cimenterie qui projette d'étendre une carrière à Brueil-en-Vexin, dans les Yvelines). Ou encore quelques projets autoroutiers en cours ou prévus en réalisation...
Un geste symbolique pour les chasseurs que n’apprécient guère les associations de défense animale, mais aussi une curieuse bienveillance pour les excès de la pêche industrielle.
Il y a deux semaines, après qu’il leur ait octroyé des avantages en réduisant de 50 % le prix du permis de chasse, sans compter l’autorisation des chasses à courre, le chef de l’État a discrètement reçu à l’Élysée le patron de la fédération nationale des chasseurs Willy Shraen et le lobbyiste du monde de la chasse et des commerce des armes, Thierry Coste, en présence de la secrétaire d’État à la transition écologique Wargon, pour prendre la température, car les chasseurs sont minoritaires dans la gouvernance de l’Office public de la biodiversité (OFB), bien que particulièrement influent... Cette toute nouvelle institution est issue de la fusion entre l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l’Agence de la biodiversité (AFB). Le fait que les chasseurs soient minoritaire dans cet organisme, c’était l’une des concessions accordées à Nicolas Hulot, quand il était encore ministre.
Comme si les chasseurs étaient de grands défenseurs de la biodiversité, de même que les pêcheurs qui pratiquent des pêches intensives destructrices de la faune des fonds marins, avec une curieuse bienveillance des autorités politiques Française ( en Atlantique, les Dauphins en savent quelque chose).
Pour donner plus de poids aux mesures de protection du Mont-Blanc Emmanuel Macron « a payé de sa personne » mais pour quel résultat ?
Après la rencontre avec les chasseurs accompagnés de leur lobbyste préféré Thierry Coste et la réunion pour donner plus de poids aux mesures de protection du Mont-Blanc et promouvoir l'action du nouvel Office français de la biodiversité, le chef de l'Etat a décidé de passer un jour et demi dans le massif du Mont-Blanc pour constater que la Mer de Glace a reculé de plus de 120 m au cours du XXè siècle (AFP/Archives - Jean-Pierre Clatot)
En compagnie du climatologue Jean Jouzel, la biologiste Camille Parmesan et la spécialiste de la biodiversité Anne Larigauderie, de l'IPBES, qui a publié l'an dernier un rapport glaçant sur la disparition des espèces, Emmanuel Macron a aussi convié quelques dirigeants d'associations, comme Michel Dubromel, président de France Nature Environnement. Et des personnalités engagées comme l'explorateur-aventurier sud-africain Mike Horn, de retour du Pôle nord où il a alerté sur la fonte des glaces. Mike Horn est cependant critiqué pour sa participation cette année au rallye du Dakar. Incroyable !, comme défenseur de la biodiversité on peut trouver mieux. On pourrait toutefois espérer, du fait de la présence de Mmes. Parmesan et Larigauderie, Mrs. Jouzel et Dubromel des mesures adaptée à la gravité de la situation.
Mais on peut être par ailleurs surpris, lorsque, attendu par les associations locales sur le problèmes de qualité de l'air dans la vallée de l'Arve, lieu de passage de très nombreux poids lourds, Emmanuel Macron a lancer dans une interview au Dauphiné Libéré,« je ne peux pas interdire aux camions de passer », en préconisant une politique européenne de renouvellement du parc de camions."Si j’impose ce renouvellement seulement aux camions de la région, je les tue, car des camions viendront d’Espagne ou de Roumanie. La question est comment on oblige tous les roulants en Europe à renouveler leur parc", a-t-il plaidé.
Avant de faire ce type de réponse, il aurait du penser, ou ses conseillers lui suggérer qu’il faut totalement repenser la traversée de cette vallée, à l’instar des Suisses, en interdisant le transport routier marchandises de transit et en lui imposant l’obligation du ferroutage avec le même matériel qu’utilisent les Suisses et non le système Modalohr, comme en France sur les grands axes ferroviaires. Ce système qui autorise une plus grande vitesse contraint la séparation du tracteur de la remorque, ce complique les délais et le travail des chauffeurs. Les Suisses, comme dans d’autres pays utilisent la « route roulante », c’est à dire un wagon plat sur petites roues, ce qui permet au camion, tracteur et remorque de ne pas être séparés, d’où un gain de temps plus important.
Traiter de la biodiversité sans intégrer les impacts démographiques et leurs rapports avec l’espace territorial minimum exigé, n’est-ce pas un non sens ?
Faut-il rappeler et rappeler encore que, contrairement aux cinq précédentes extinctions des espèces, Pour la première fois l’homme est le seul responsable de la sixième extinction massive des espèces. Il était choquant et inadmissible de voir disparaître, dans l’indifférence des gouvernements des différents pays, notamment lors de la COP 25 en Espagne, près d’un million d’animaux avec la destruction totale de la biodiversité dans les incendies d’Australie. Egalement, jusqu'à un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction, dont beaucoup « dans les prochaines décennies », selon un projet de rapport de l'ONU sur la biodiversité. Même s’il est compliqué de savoir si une espèce a définitivement disparu, comme l’oiseau redécouvert en Birmanie, il y a bel et bien des animaux que nous ne reverrons plus sur cette planète que l’Homme, par son nombre et son économie productiviste, détruit progressivement. Malheureusement, nous ne pouvons pas faire l’inventaire de toutes les espèces qui disparaissent. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains anciens animaux sont plus connus que d’autres, comme le dodo.
Pendant ce temps, malgré quelques ralentissements, en Europe, la croissance démographique se poursuit et nous atteindrons probablement vers la fin de cette année 2020 les 8 milliards d’habitants. Pour rappel, selon B. Sundquist de l’université du Minesota, à l'échelle du globe, les pertes de surfaces arables sont estimées en moyenne à 100 000 km2 par an, avec des impacts écologiques sans cesse toujours plus aggravés. En quarante ans, c’est donc 4 millions de km², soit à peu près la superficie des 27 pays de l’UE. Si l’on poursuit au rythme d’une augmentation d’un milliard d’habitants par décennie, comme pour la période 2009 – 2019,(de 6,7 à 7,7 milliards) il y aurait 10 milliards d’habitants en 2030, 12 milliards en 2050 et 17 milliards en 2100. A raison d ‘une perte annuelle de 100 000 km² de terres arable, en 2100 c’est plus de 8 millions de km² de terres arables qui auraient disparu, soit la superficie totale du Brésil ou près de 2 fois la superficie des pays de l’UE.
Aujourd’hui, un enfant qui nait en France est potentiellement un sur-consommateur par rapport aux ressources de la planète. La France doit montrer l’exemple au niveau international. Comment pourrait-on condamner l’explosion démographique mondiale et favoriser une politique nataliste chez soi ? Une totale neutralité de l’Etat en matière de fécondité implique l’abrogation de toutes les mesures qui visent à augmenter toujours plus le nombre de Français. Un débat national doit s’ouvrir sur les mesures à prendre. La question centrale étant : Comment peut-on réguler, voire amorcer une décroissance démographique de façon la plus équitable possible dans les pays riches, mais aussi dans les pays pauvres et est-ce possible avec le consentement des populations ?
L’argument démographique n’est pas une imposture
Aujourd’hui encore, y compris chez de nombreux écologistes ou se réclamant comme tel, la question démographique reste un sujet tabou, voire totalement inapproprié et aborder cette question, c’est être considéré comme un dangereux « suppôt » du capitalisme, voire un imposteur. Un exemple, avec Pierre Rabhi lorsqu’il déclare au journal La Croix du 14 /11/2017 : …« L’argument démographique est une imposture. Il y a bien longtemps que je combats cette idée. Il y a largement de quoi nourrir tout le monde. La question est celle de l’équité, de la répartition des ressources »… https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Environnement/VIDEO-Pierre-Rabhi-Largument-demographique-imposture-sauver-planete-2017-11-14-1200891955. Il considère donc que le Président de la République Emmanuel Macron est un imposteur, quand celui-ci évoque la question démographique à l’issue du G20, ou plus récemment en visite officielle en Afrique. Mais se rend-il compte qu’il agresse également tous les écologistes et ceux qui considèrent que la question démographique et sa croissance continue représente un réel péril planétaire, comme l’ancien Ministre Vert Yves Cochet ou l’association Démographie Responsable (DR) https://www.demographie-responsable.org/ qui ne cesse de démontrer les effets désastreux de la croissance démographique et formule aussi des propositions pour réguler cette croissance http://economiedurable.over-blog.com/2016/11/pour-une-demographie-responsable.html .
Mr. Rabhi, ne semble pas s’inquiéter que depuis l’un des nombreux « avertissements » des scientifiques à la planète, par exemple celui de 1992, l’humanité a augmenté de plus de 2 milliards d’individus (5,5 milliards en 1992), pour atteindre, 7,7 milliards, selon la dernière révision des Nations unies. Soit une croissance de 35 % qui alerte les scientifiques, au regard notamment des capacités de la planète à nourrir cette population.
Si la « confrontation » des idées nourrit réciproquement la réflexion de chacun, par sa déclaration agressive, Mr. Rabhi, loin de nourrir la réflexion s’enferme dans une logique de pensée chère à l’extrême gauche. Il oublie que plus nous sommes nombreux et malgré les écarts en consommation d’une société à l’autre, plus rapidement nous épuisons toutes les ressources naturelles, au premier rang desquelles les énergies fossiles. Lorsqu’il n’y aura plus rien à partager, comment envisagera-t-il la répartition ?
L’homme, prédateur au sommet de la pyramide des espèces n’a pas hérité de la nature comme un capital fixe qui serait son bien gratuit et inépuisable
La nature n’a pas légué aux hommes un capital fixe puisque les lois de la nature ne cessent de modifier les écosystèmes. Toutes les espèces ont une durée maximum de vie. Elles-mêmes se développent, vivent et disparaissent et la biodiversité des territoires se modifie continuellement. Pour durer, il faut changer et ne durent que les espèces qui évoluent et s’adaptent. Par son nombre et son économie l’homme, seul animal culturel doit s’adapter en maîtrisant et réduisant sa démographie de façon la plus équitable.
Cette idée d’une biodiversité qui serait à capital fixe donné à l’humanité est issue d’une vision occidentale et coloniale. Par exemple, les découvreurs de l’Afrique au XIX° siècle présentaient les richesses de l’Afrique comme naturelles donc indépendantes de l’histoire du peuplement de l’Afrique et considéraient les africains comme des sauvages. Et ils s’appuyaient sur le mythe du bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau. Mais le « bon sauvage » n’a jamais existé. Et la situation de la biodiversité de l’Afrique au XIX° siècle résultait en réalité de l’héritage des comportements que les populations locales avaient eus au fil des siècles.
la biodiversité ne peut se valoriser de façon dynamique que lorsque l’homme la préserve et surtout la protège. Bergson écrivait « l’animal s’en repose sur l’instant comme le saint sur l’éternité « . L’homme avec son désir d’appropriation qui lui est propre, semble avoir oublié l’éternité que pour ne retenir égoïstement que l’instant.
Pour conclure
Même si la France devenait seule un îlot de vertus écologique dans le monde, ce qui serait souhaitable, mais nous en sommes loin, cela ne changerait pas fondamentalement la situation destructrice de la biodiversité à l’échelle mondiale, si les autres pays poursuivaient leur fuite en avant. Au plus servirait-elle d’aiguillon. Les dispositions prises et sans faire de procès en sincérité à priori au Président de la République, semblent toutefois bien loin des objectifs planétaires que chaque pays riche devrait prioritairement s’imposer.
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