Consommer local avec OGM d’outre-Atlantique interdits en U.E. Curieux paradoxe !
Comme l’a récemment fait observer Greenpeace, on se trouve face à un paradoxe : d'un côté, l’UE interdit la culture des OGM sur son sol (sauf dérogations pour un type de maïs, qui n'est pas une protéine). De l'autre, elle importe massivement du soja OGM pour nourrir son propre bétail et répondre aux nouveaux usages alimentaires.
Entre une déclaration abracadabrantesque d’un Ministre de l’agriculture et un curieux paradoxe
Au moment où se pose le problème de mieux protéger les riverains de terres agricoles recouvertes de pesticides et intrants divers, alors que la distance minimum de 150 mètres semble relever de la raison, lorsque le Ministre de l’agriculture déclare « s’appuyer sur des données scientifiques et que la distance de cinq mètres est suffisante », c’est une déclaration ubuesque digne du « Gorafi »(site humoristique aux textes avec des contenus abracadabrantesques ). A trop vouloir servir d’assistant à la Présidente de la FNSEA, le Ministre dessert l’intérêt des agriculteurs, car cinq mètres est insuffisant pour toute autre culture, alors que 150 mètres est une distance qui autorise une culture sans pesticides ni intrants chimiques permettant de tirer un profit de l’usage de cette superficie qui satisfait toutes les parties. Mais Il y a un autre dossier qui soulève un curieux paradoxe et qui est abordé ici :
A la limite d’un discours nationaliste régional, voire localiste, le « consommer local pour aider nos paysans » n’est-il pas, en dehors des cultures et élevages Bio ou de l’agroécologie qui se passent de l’usage des cultures OGM et d’intrants chimique, un curieux paradoxe par rapport à l’usage des cultures outre-Atlantique, dont on importe massivement des oléagineux OGM, alors que ces cultures sont interdites dans l’UE ?... Ce n’est pas en « consommant local pour aider nos paysans » que l’on va forcément consommer des produits carnés ou transformés sans OGM, alors que le soja et le colza qui va nourrir les animaux des élevages locaux provenant essentiellement d’Amérique du Nord et du Sud (USA, Brésil, Argentique) est entièrement OGM.
Constat et souhait exprimé par le Président de la République, lors du GT à Biarritz
Alors qu'il met parallèlement en cause le Brésil pour la déforestation de l'Amazonie servant à la culture intensive du soja OGM, est-il possible d'articuler un tel objectif agricole européen avec celui de la lutte contre le réchauffement climatique inscrit dans les accords de Paris ? Emmanuel MACRON déclare :
"Le soja, on en a besoin aujourd'hui en Europe parce qu'il apporte en particulier de la protéine pour nourrir les animaux. Et nous, nous n'en avons pas. C'est le fruit d'un vieil équilibre conclu dans les années 60 entre l'Europe et les Etats-Unis d'Amérique et nous avons à ce moment-là accepté une dépendance en termes de protéines. Je considère que c'est un très mauvais choix. C'est mauvais pour nos grands équilibres, car cela fait faire un trajet à quelque chose qu'on pourrait produire sur nos territoires. (...) On doit recréer la souveraineté protéinique de l'Europe. L'Europe doit être capable de produire ses propres protéines, pour elle-même, pour consommer, comme pour les éleveurs".
"Le vieil équilibre" auquel fait allusion Mr. MACRON est un accord commercial négocié au sein du GATT dans les années 1960, qui attribuait la production de protéines végétales (soja, colza) aux Amériques et celle de l'amidon (blé, céréales) à l'Europe. Les déséquilibres territoriaux et démographique entre l’UE et les pays Américains concernées ne peuvent que conduire à des déséquilibres de production et de consommation au détriment des Européens.
Combien l'UE importe-t-elle de soja et de colza avec OGM par an ?
L'Union européenne importe chaque année 17 millions de tonnes de protéines brutes végétales (soja, légumes secs, tournesol...) parmi lesquelles 13 Millions de tonnes sont à base de soja et représentent l'équivalent de 30 millions de tonnes de graines de soja. L'UE est le 2e importateur mondial derrière la Chine (environ 100 Mt par an).
Au total, 87% de ce soja importé sert à nourrir les animaux et l'essentiel qui est OGM, vient des USA, du Brésil et d'Argentine.
L’importation de colza en Europe a atteint un niveau quasi-record à 2,60 Millions de tonnes de Juillet 2018 à Décembre 2018 avec une hausse de 17% par rapport à l’année précédente. L’Ukraine reste le principal exportateur de colza vers l’UE avec 1,89 Million de tonnes de graines exportées (vs 1,55 Million de tonnes l’année dernière). https://comparateuragricole.com/infos-bout-de-champs/article/que-va-donner-la-production-de-colza-en-2019-au-sein-de-lunion-europeenne
Pour la France c’est 3,5 millions de tonnes de soja importées chaque année et plus de 800 000 tonnes de colza.
La disponibilité des terres agricoles françaises ne permet pas de se substituer au soja OGM. Selon Greenpeace, pour produire les 3,5 millions de tonnes de soja importées chaque année en France, 11.980 km2 supplémentaires de terres exploitables seraient nécessaires, soit la quasi-totalité des terres agricoles du Morbihan, des Côtes d’Armor et du Finistère réunies.
En France, on pourrait toutefois réduire de plus d’un tiers les importation de soja OGM de la façon suivante : Sachant qu’il y a actuellement 448 000 exploitations agricoles dont superficie moyenne des terres agricole pour chacune d’entre elle est de 16,1 hectares, si chaque exploitation réserve 1,1 hectare à culture de soja non OGM on obtient 4928 km² soit une production à réaaliser de 1,5 million de tonnes qui ne serait pas à importer et davantage si l’on considère les réduction potentielles que l’on peut faire. Mais pour cela il faut une politique d’accompagnement stimulante pour les agriculteurs.
Pour compenser cette production moindre en important davantage que l’an dernier. La collecte de graines de colza est estimée à 4,621 Millions de tonnes, bien loin des 5,1 Millions de tonnes collectés l’an passé. Les opérateurs devraient donc importer beaucoup plus : FranceAgriMer estime que la France devrait importer 1,05 Millions de tonnes en 2018-2019, contre 872 000 tonnes lors de campagne 2017-2018.( https://www.terre-net.fr/marche-agricole/actualite-marche-agricole/article/des-importations-de-colza-en-hausse-pour-pallier-la-chute-de-la-production-2018-1395-142689.html )
Selon Sébastien ABIS, analyste des marchés agricoles mondiaux, l'autosuffisance protéique de l’Union Européenne est de 35%, un taux qui est de 55% en France. Pour l’UE, un rapport de la Commission Européenne du 22 novembre 2018 indique que ce taux varie selon la graine : 79% pour le colza, 42% pour le tournesol et seulement 5% pour le soja. Elle indique également que la dépendance de l'U.E. aux protéines importées a atteint, dès les années 1970, des niveaux très élevés. Toutefois depuis quelques années, la tendance se ralentit, surtout en France où la production de soja et de protéines alternatives (tournesol, colza, légumineuses, pois, féverolles), est encouragée. A noter que les élevages de volaille consomment la majorité du soja d'importation.
Faut-il augmenter la production de soja en Europe ou privilégier une réduction de la consommation de viande ?
Si les experts répondent »un peu des deux, le rapport de l'ONU sur le climat (GIEC) début août suggère de diminuer la consommation de viande dans les pays développés, mais aussi « d'intensifier » les rendements agricoles pour ne pas multiplier à l'infini les surfaces cultivées et laisser les forêts (et les prairies) jouer leur rôle de stockage du carbone dans les sols. Mais attention « intensifier » les rendements agricoles, sans contrepartie de contrôle rigoureux par organismes indépendants, peut encourager des pratiques excessives de l’usage d’intrants chimiques.
Il faut se rendre à l’évidence, on n'arrivera jamais à 100% d'autonomie en Europe, Il faut certes augmenter les productions locales, mais il ne faudrait pas dériver vers des logiques de production hyper-territorialisées, voire d'enfermement" qui peuvent renvoyer vers des « dynamiques de type médiéval » d’égoïsme protectionniste, voire d'affrontements, comme le craignent certains experts. Ce qui ne veut pas dire pour autant que via l'innovation, et de nouveaux modes d'organisation des producteurs, on puisse prévoir une « transition plus longue » afin de ne pas déstabiliser les filières d'élevage, qui, avec la réduction de l’alimentation carnée se fragilisent et bien qu’elles puisse l‘être aussi par les effets pervers de certains traités internationaux (CETA par exemple).
Surtout ne pas négliger la problématique démographique et l’explosion des protéines végétales dans les nouveaux usages alimentaires
On constate que la présence des protéines végétales dans les rayons alimentaires des grandes surfaces se renforce, répondant à une demande croissante des consommateurs, provoquée par des motivations environnementales et de santé publique due, notamment, à la réduction de la consommation de viande.
Selon une étude réalisée chez les principales enseignes de grande distribution pour le compte du groupe d'étude et de promotion des protéines végétales (GEPV), en 30 ans, le nombre de produits contenant des protéines végétales a été multiplié par près de 20, passant de 300 produits en 1989 à plus de 5.400 produits en 2019.
Peut-être moins d’animaux pour la viande qui sont à nourrir, donc moins de céréales, mais une population de l’UE qui a augmenté de 40 millions d’habitants pendant cette période ( passant de 475 millions en 1989 à 515 millions en 2019), donc des consommateurs de protéines végétales, soja, colza en plus ce qui explique l’augmentation croissante des besoins d’importations avec, par exemple, plus17 % en 2018…
Parmi les motivations des industriels de l'agroalimentaire, un marché juteux : « le marché des protéines végétales » est en pleine expansion. Il s'élevait à 6,9 milliards d'euros en 2013 et pourrait « atteindre, voire dépasser les 10 milliards cette année 2019 », estime Marie-Laure EMPINET, présidente du GEPV.
Au premier rang des produits montés en puissance ces dernières années, les « analogues de la viande » ou steaks végétaux représentent 6% des produits recensés dans cette étude. Selon Hubert BOCQUELET, délégué général du GEPV, « ce rayon, en deux ans, a été multiplié par deux en termes de références ».
Une tendance portée essentiellement par les « flexitariens », des consommateurs qui prônent une consommation de viande modérée et représentent aujourd'hui, selon M. BOCQUELET, « à peu près un tiers de la population française, soit presque 20 fois plus que les végétariens stricts ».
« De plus en plus de gens choisissent un régime flexitarien, végétarien ou végétalien, pour des raisons personnelles, de santé ou de respect de l'environnement », souligne dans un communiqué, Trish MALARKEY, directeur de l'innovation du néerlandais DSM, partenaire d'Avril sur ce projet de protéine de colza.
Des risques à ne pas négliger
Il ne faut pas oublier que le complexe oléagineux est un marché global et mondial ! Si les cours du colza venaient à grimper en flèche, les triturateurs Français et Européens auraient tout intérêt à importer de la graine de soja ou de canola. Il faut garder à l’idée que les agriculteurs ne sont pas autorisés à produire des cultures OGM en France mais tous les jours, des quantités non négligeables du culture OGM arrivent dans nos ports ! Il n’y a aucune cohérence sur ce sujet. L’hypocrisie de l’Union Européenne concernant les OGM est à son paroxysme !
Sans compter le problème écologique des agrocarburants
Qui plus est, l’Union Européenne, après avoir autorisé l’importation de 300 000 tonnes d’huile de palme provenant de Malaisie, serait en passe d’ouvrir les robinets pour importer du soja américain (OGM bien sûr). Si cela devrait donner un » coup de boost » au marché des agrocarburants, les agriculteurs européens craignant ainsi de voir arriver une nouvelle concurrence déloyale…
La question majeure à se poser est la suivante : comment peut-on parler et développer les fameux agrocarburants lorsque la matière première est produite dans des conditions écologiques déplorables : déforestation massive en Malaise et Indonésie et maintenant celle encouragée par le Président Brésilien en Amazonie. Comment peut-on parler de » biocarburants » alors qu’il faut dire Agrocarburants et lorsque la matière première est produite par des enfants contraints et forcés dans les plantations de palmiers ? Comment peut-on parler de « biocarburants » et non d’agrocarburants lorsque la matière première est produite à partir de semence OGM ? Comment peut-on parler de biocarburants et non d’agrocarburants lorsque la matière première vient de l’autre bout du monde et voyage en cargo ( gros consommateur de fuel lourd et aussi polluant que plusieurs dizaines de milliers de voitures) ?
Pour conclure
La joie pour les oléagineux non OGM et non traités aux intrants chimiques (soja, colza) n’est pas dans les près du continent Américains, dont les pays et leur population ne connaissent exclusivement que des céréales OGM nourries avec amour de l’argent par MONSANTO et consort. Ces même productions qui vont inonder le marché alimentaire Européen (et Français), alors que l’UE interdit ce type de production en son sein. Il est vrai que si les trois pays Américains qui exportent leurs céréales vers l’Europe (USA, Brésil, Argentine) totalisent une population de 587 millions d’habitants, ils totalisent surtout une superficie territoriale de 20 925 206 km², quand l’UE à 28 pays totalise une population de 515 millions d’habitants, mais avec une superficie de 4 272 000 km² soit plus de 5 fois moins que celle des pays Américains cités. Le rapport d’échanges commerciaux « Démographie - territoire » reste et restera déterminant ...
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