Construire une alternative de gauche à l’union oligarchique européenne
Conservateurs, libéraux et socio-libéraux feignent de s"opposer pour le contrôle politique de l'Union Européenne. Mais cette comédie ne trompe plus grand monde, tant il est devenu évident que ces forces défendent les mêmes idées, les mêmes valeurs et les mêmes intérêts. Face à ce sytème destructeur, le mécontentement est profond, comme on l'a vu lors du référendum de 2005. Mais la colère seule ne suffira pas à abattre la domination de l'oligarchie européenne : il faut construire une alternative. Malgré toutes les limites de l'exercice, les européennes peuvent être une première étape.
A l'instar du monde de la finance que dénonçait hypocritement François Hollande, cet adversaire là n'a pas de nom, n'a pas de visage. Il n'a pas de parti, il en a plusieurs qui feignent de s'opposer pour mieux contrôler les votes. Il présente bien des candidats, qui sont presque toujours élus. Il gouverne, sans partage. Cet adversaire, nommons-le Union Oligarchique Européenne. L'Union Oligarchique Européenne (UOE) impose sa loi et ses modes de fonctionnement à l'Union Européenne à tel point qu'on est parfois tenté de les confondre.
L'UOE ne se limite pas au domaine politique, elle impose aussi son hégémonie dans les grandes entreprises et les médias, qui se chargent de diffuser ses idées. L'UOE n'a pas besoin de comploteurs se réunissant en grand secret dans quelques arrière salle obscure. En son sein, le consensus s'établit de façon spontanée. L'UOE est une structure très fermée. Elle peut toutefois à l'occasion faire coopter en son sein certains de ses adversaires les moins scrupuleux, excellente façon de les neutraliser.
L'UOE n'est pas monolithique. Il peut y avoir des nuances en son sein. Des conflits d'intérêt, parfois violent,s peuvent l'agiter. Le commun ne les entrevoit que très rarement. En revanche, on met volontiers en scène à son intention des oppositions purement factices. Ces simulacres sont destinés à faire oublier que l'UOE sait toujours se retrouver quand l'essentiel.
La comédie jouée par la branche politique de l'UOE en apporte un excellent exemple. PPE, PSE et ALDE feignent de s'opposer pour prendre la tête de la commission européenne à l'issue des élections européennes. Pourtant, au parlement européen, le PSE vote plus souvent avec ses compères du PPE et de l'ALDE qu'avec les forces de gauche. idem pour les conservateurs du PPE, plus souvent en accord avec le PSE qu'avec les nationalistes. Fort logiquement, les trois compères se sont déjà entendus pour se partager le gâteau des responsabilités politiques européennes, et notamment désigner d'un commun accord le président de la commission. Aucune surprise, ils font cela depuis fort longtemps déjà. En France, leurs succursales sont l'UMP, l'UDI/Modem, et le PS.
Les démonstrations de la complicité qu'entretiennent les membres de l'UOE sont légion. Le référendum de 2005 en a apporté une excellente démonstration, seul exemple de mise en échec du système oligarchique (on y reviendra). Autre exemple récent : l'Ukraine. L'UOE, on s'en doutait, défend l'agenda impérialiste. Elle le fait avec un acharnement et une mauvaise foi qui laisse médusés les observateurs indépendants. On notera par ailleurs que les écologistes joignent ici leur voix à l'UOE.
Pas tout à fait intégrés à l'UOE, mais encore moins en opposition face à elle, la position de ces derniers est quelque peu incertaine. Certains sont franchement partie prenante du système oligarchique, à l'instar d'un Daniel Cohn-Bendit, qui y jouait avec un indéniable talent le rôle du bouffon. D'autres furent opposants mais ont été promptement domestiqués. C'est le cas d'un Jose Bové, ancien altermondialiste devenu partisan fanatique de l'euro-libéralisme. Ce nouveau chien de garde a été tout particulièrement dressé par ses maitres à aboyer contre un Jean-Luc Mélenchon, avec qui il partageait naguère les estrades du NON au TCE. On a de l'humour à l'UOE...
D'autres écologistes sont moins compromis, mais l'ensemble ne fait pas une force d'opposition constante et cohérente à l'oligarchie européenne. L'UOE peut à l'occasion compter sur l'aide, bien involontaire, de certains de ses adversaires. Ainsi, ceux qui appellent à l'abstention aux élections européennes. Mécaniquement, le poids de l'UOE s'en trouvera renforcé. Et c'est mal la connaître que croire qu'un taux d'abstention aussi massif soit-il pourra la faire douter si peu que ce soit. L'autocritique n'est pas son fort et il faudra bien plus que des bureaux de vote désertés pour bousculer l'UOE.
Certains débat mal posés aident aussi grandement l'UOE par leur pouvoir de diversion. Pendant que les ennemis de l'oligarchie (et quelques autres avec eux) s'écharpent pour savoir s'il faut ou non sortir de l'euro, qui songe à replacer dans le système oligarchique dont il n'est qu'un des multiples outils ?
Les adversaires de l'UOE sont faibles et divisés, le système oligarchique fort et uni. D'où vient alors le miracle de 2005 ? L'arrogance et les invectives de l'oligarchie ont bien aidé les adversaires du traité. Face au rouleau compresseur politco-médiatique, les citoyens ont été poussés à s' approprier le débat, à bousculer les fausses certitudes, et l'ont fait magistralement.
L'exploit, hélas, n'a pu être renouvelé. A gauche, les forces opposés à l'oligarchie sont retournées à leur querelles de chapelle. Le Front de Gauche tente de reprendre ce combat. Mais le chemin est encore long. Il faudra encore bien des efforts pour saisir la nature de l'ennemi, pour oser le nommer, pour trouver le courage de refuser quel qu'en soit le prix de passer avec lui des compromis boiteux.
Sur ce dernier point, certains sont tentés d' utiliser les ressources, notamment politiques, de l'adversaire oligarchique pour réussir à survivre en espérant les utiliser contre lui le moment venu. Cette stratégie se heurte à deux obstacles majeurs. D'une part, elle demande une grande force de caractère pour ne pas se laisser circonvenir. D'autre part, elle risque fort de semer le trouble et la confusion dans l'esprit des citoyens hostiles à l'UOE, qui ont grand besoin de clarté et de franchise.
La bataille contre l'oligarchie est politique, mais elle est aussi culturelle et sociale, se place sur le terrain des idées. Les moyens de l'adversaire sont colossaux. Les citoyens libres ne réussiront pas dans leur combat sans inventer sur ce terrain des formes inédites d'unité, d'organisation, et de solidarité. Il y a urgence !
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