Conte : une réalité virtuelle
Il était une fois, sur une planète loin de tout, surtout de la Terre, vivait, la plupart du temps paisiblement, une multitude de vivants. Par une série de hasards, oiseaux, reptiles, poissons, arbres, fleurs de toutes sortes égayaient l’horizon. Toutefois, une espèce ne rêvait que de se goinfrer, de s’accoupler (la reproduction était encore partiellement sexuée) et d’essayer de dominer autant d’Autres que possible. Après un très long temps pour eux, mais bien court pour la planète, quelques uns se rendirent compte qu’on ne pouvait pas manger la même tartine deux fois de suite. Leur soleil leur fournissait bien une débauche d’énergie, mais cela ne leur suffisait pas, il était plus facile de puiser dans le sol ce qu’ils jugeaient nécessaires à leur bien-être, à leur confort, à leur volonté de puissance. Cette énergie quasi-miraculeuse viendrait sans nul doute à manquer un jour, mais quand ? Personne ne le savait vraiment.
De multiples savants, malgré leurs manques de certitude inhérents à leur métier, essayèrent d’éveiller la planète aux périls menaçants. Les dirigeants firent ce qu’ils savaient faire c’est à dire des comités, des tribunes, des assemblées. Personne ne trouva la moindre idée pour appliquer concrètement les idées proposées.
Une première piste se dégagea cependant : le problème étant mondial, il fallait qu’une gouvernance mondiale soit établie. Bien entendu, aucune attention ne fut prêtée aux Hommes politiques qui essayaient par tous les moyens de sauvegarder les privilèges de leur propre pays. Les Nations devaient donc être rayées de la carte. La seule valeur commune à l’ensemble de l’espèce, indistinctement des philosophies, des cultures ou des religions, était l’argent, c’est donc lui qui gouvernerait, sans incarnation et sans états d’âme.
Au delà des querelles de mots, il fallait une démonstration claire de ce qu’on appelait à présent le changement climatique dû à l’excès de consommation des énergies fossiles. L’unité de compte qui fut proposée comme moteur de toute activité fut l’énergie, en calories, en kilocalories, en kilowattheures. Un homme presque seul mais persévérant disséqua le problème et examina la possibilité d’utiliser des sources d’énergie alternatives. Sa conclusion fut sans appel : on ne pourra pas remplacer le charbon par le vent, une maîtrise des consommations est la seule arme raisonnable pour vaincre le fléau qui s’annonçait.
Comment convaincre une humanité entière d’aller d’un même pas vers une certaine sobriété qui risque, à maints égards, d’être plus traumatisante qu’heureuse. La pure coercition était exclue. Les explications les plus détaillées ne suffiraient pas. Restait à trouver une force plus importante que l’intérêt de chacun afin de sauver tous.
Un principe fut posé tellement général qu’on sous-estima son importance : malgré l'absence de certitudes techniques, scientifiques ou économiques, il convient de prendre des mesures afin d’anticiper la gestion de risques concernant l'environnement ou la santé. Il n’était plus nécessaire d’être certain du péril pour préserver les bien considérés comme essentiels. Malgré tout, peu de pays agréèrent à cette proposition posée en principe.
Deux possibilités s’offraient pour changer le cours des choses à l’échelle mondiale, les guerres et les épidémies. La première guerre mondiale entre 1914 et 1918 fit de l’ordre de 20 millions de morts. La seconde guerre surpassa considérablement ce nombre. Toutefois, une fois enclenchée, le cours des événements n’est pas maitrisable, la fureur, la haine prenant le pas sur la raison on ne sait plus où on va. Une épidémie apparut au printemps 1918, elle fut au début jugée bénigne. Le virus toucha surtout les 20-40 ans, il s’agissait de la grippe dite espagnole (mais qui ne provenait pas d’Espagne). Elle fera entre 50 et 100 millions de morts. Le choix était fait, le cocktail qui convenait le mieux était réuni : virus, réchauffement climatique, énergies fossiles, baisse des consommations, impossibilité d’une action démocratique éclairée.
Il fut déclaré un peu plus tard par quelqu’un aussi avisé qu’influent : « Les épidémiologistes estiment qu’un agent pathogène transmis dans l’air et se propageant rapidement peut tuer 30 millions de personnes en moins d’un an. ». La voie à emprunter se précisait. Des moyens technologiques avancés étaient proposés tels des puces sous-cutanées susceptibles de tenir à jour un carnet de santé numérique personnel.
La maîtrise des émissions de dioxyde de carbone CO2 faisait l’objet d’un quasi-consensus mais personne n’avait vraiment trouvé comment s’y prendre pour la mettre en œuvre jusque là. Les État s’étaient transformés en organismes de distribution de subventions, d’allocations, de subsides afin de s’attacher le plus de clientèles possibles qui, une fois réunies, permettaient de gagner les élections. La route alternative fut donc suivie. Puisqu’une régulation volontaire des émissions des gaz à effet de serre s’avérait impossible par les voies rationnelles, il fallait qu’elle soit le résultat d’un accident, d’un péril auquel on ne pouvait rien. L’épidémie allait de soit, restait à la conduire intelligemment.
Le premier cas rapporté tomba malade le 17 novembre 2019 en Chine. Le 15 décembre, le nombre de cas s'élève à 27, le 20 décembre à 60, le tout dans la ville de Wuhan qui a 11 millions d’habitants. Le 21 décembre, les médecins réalisent qu'ils sont en présence d'un nouvel agent infectieux. Le 31 décembre 2019, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est informée de la survenue de nombreux cas d'une pneumonie d'origine inconnue. Le 6 janvier, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis indique qu’il existe des risques d’une épidémie. Le 7 janvier 2020, les autorités chinoises confirment qu'il s'agit bien d'un nouveau virus de la famille des coronavirus. Le 9 janvier 2020, l'OMS lance une alerte internationale et le 30 janvier elle déclare que l'épidémie constitue une urgence de santé publique de portée internationale.
À compter du 22 janvier, le gouvernement chinois place sous confinement trois villes de la province de Hubei afin de contenir les risques de pandémie. D'autres villes comme Shanghai et Pékin sont également concernées. Les mesures de confinement seront levées début avril.
Le 16 mars 2020, le président français Emmanuel Macron annonce qu'il prendra « des décisions exigeantes dans les prochaines heures ». Le confinement de la population en France est mis en place le 17 mars 2020 à 12 h. Il durera plusieurs mois. Dans le monde, au total, ce seront plus de 3,4 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, qui seront confinées ou appelées à rester chez elles dans près de 80 pays.
La planète est quasiment à l’arrêt.
Il ne peut pas être affirmé que la totalité du cheminement était coordonnée entre des pays volontaires. Il peut être affirmé que cet état de fait était désiré par la fraction la plus éclairée des décideurs mondiaux depuis longtemps. « Fermeture de certaines usines, transport ralenti, l'être humain confiné... il fallait une énorme crise sanitaire comme le Coronavirus pour obliger l'homme à stopper la maltraitance de la planète. »
Avec cette optique tout ce qui était incompréhensible s’éclaire. Il s’agissait de créer un Homme nouveau, universel, pour peupler tous les coins même reculés de la planète. Les Nations étaient obsolètes, le capitalisme financier étendu au monde permettrait de les éliminer. Les cultures nationales étaient si différentes qu’il fallait pour le moins les gommer en favorisant la formation de communautés chapeautées par le plus riche, le plus connu, le plus méritant du clan. Les richesses des pays développés étaient tellement plus importantes que celles des pays émergents que seule l’immigration pouvait venir à bout de la différence en diluant les uns dans les autres. L’Homme nouveau, de sinistre mémoire en d’autres temps, sera individualiste et ne reconnaitra que les valeurs quantitatives dont l’argent comme unité de mesure.
Est-ce le début d’un cauchemar ou le signe d’une espérance ?
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