Continuez, frères humains, à regarder les fleurs, à rêver les nuages et à marcher vers les cimes, précisément parce que cela ne sert à rien (1)
Oublions un instant la barbarie qui a conduit un homme ordinaire, Hervé Gourdel, à devenir un héros malgré lui après avoir franchi les frontières du royaume des ombres. Et que ces quelques phrases lui apportent un semblant de lumière, lui qui a fait de sa vie une marche vers les altitudes, son appareil photo porté en bandoulière.
Passionné de photographie, il partage sur Internet des images de ses randonnées.
Lui qui a arpenté le massif du Mercantour dans les Alpes du Sud, tout au long de son parcours de vie, a dû rencontrer dans cet environnement en perpétuelle évolution, au rythme des saisons,une beauté remarquable et durable. Car la montagne, pour celui qui sait la regarder, est un kaléidoscope d'images, et déborde d'une énergie qui pousse vers les sommets, sans artifice. Le paysage est là, préexistant, mais le grimpeur l'installe en allant vers lui : départ à la naissance du jour, montée vers le soleil, seul ou en groupe restreint, et y revient maintes et maintes fois, à la recherche de nouvelles émotions. Chasseur d'instants éphémères et changeants, le photographe transmet toute la poésie de ce premier langage du monde, celui de la nature. La marche vers les altitudes ouvre d'immenses perspectives et l'air qui se raréfie amène à regarder de plus haut le devenir du monde.
Dans nos sociétés postmodernes et urbanisées, mues par une compétition généralisée et la recherche de l'avoir, l'accélération du temps empêche les individus de s'approprier leur environnement, et de savourer l'instant présent. Le montagnard, lui, vit au rythme des saisons, en harmonie avec la nature qui l'entoure, soucieux de transmettre un mode de vie simple et équilibré, en osmose avec son milieu. Face au fracas du monde environnant, le randonneur, en osmose avec de grands espaces sauvages, respire avec les fleurs, les rochers, les nuages, le vent et la lumière. Vision idyllique du monde ? Le seul fait de rester accroché à ces vallées arides et pauvres mais d'une infinie beauté, représente un sursaut d'humanité, en marge de la course effrénée du monde qui nous entoure. Et l'on regarde avec envie celui qui a pour maison un refuge, et pour tous biens la passion sereine des hauteurs.
Hervé Gourdel est parti faire un trek en Kabylie, vers de nouveaux sommets, de nouveaux ciels, de nouveaux villages, de nouvelles pierres, de nouveaux silences, en citoyen du monde, et il n'en est pas revenu, victime d'une guerre qui lui était totalement étrangère. Il a été enlevé par le groupe djihadiste algérien Jound al-Khilafa, lié à l'organisation de l' État islamique, dimanche soir près de Tizi Ouzou, qui a mis ses menaces à exécution.
Non ce n'est pas partout le Mercantour.
(1)Xavier Fribourg, Parc national du Mercantour, Mars 2013,
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