Conviction sur la vie
Cela peut paraître un peu prétentieux de rédiger un texte sur ce sujet à tout juste vingt-six ans sachant qu’il me reste encore un nombre indéterminé d’années à vivre et qu’entre tout ce temps et l’heure de ma mort, mon opinion sur ce sujet sera encore exposée aux soubresauts de ma conscience.
Néanmoins, je ne crois pas que l’intime conviction que nous ayons quant à l’après ne se limite à une question d’âge et de connaissance. Il y a quelque chose d’innée, propre à la nature de chacun, qui évolue puis se construit par nos expériences et la recherche de cette fameuse Vérité qui semble fuir l’Homme.
Dès mon plus jeune âge j’ai été confronté aux questions métaphysiques incessantes. Pour seules réponses, je trouvais des révélations bibliques que mon éducation catholique voulait bien m’offrir sans pour autant parvenir à les considérer comme vraies. Déjà, je relevais les incohérences que les adultes, croyants, tentaient de m’apporter sur notre existence, notre rôle sur terre et la poursuite d’un après céleste plus ou moins construit sur des rapports manichéens.
J’ai longtemps cru, ou du moins, feins de croire à ces idées. Par respect pour l’enseignement que j’avais acquis et puis, parce qu’au fond de moi, il existait une étincelle, microscopique qui me poussait à penser qu’il demeurait une part de vérité dans les propos que j’entendais. Dieu devait exister ; c’était davantage quelque chose que je ressentais, plus qu’une adhésion issue d’une logique cartésienne.
Ma quête spirituelle n’a jamais été constante. Comme tout être humain, il m’est même arrivé d’oublier ces problématiques dans les moments où la soif de plaisir matériel et mes ambitions personnelles et individualistes prenaient le contrôle de mon corps. Nous vivons alors dans une sorte de bienêtre constant, où l’accumulation des plaisirs nouveaux annihile progressivement toute recherche existentielle. Pourtant, c’est bien au fil de ces découvertes qu’une certaine amertume commence à naître, notamment lorsqu’en candide découvrant le monde, nous nous apercevons que la pomme que nous tenions fermement dans nos mains et que nous dégustions, se transforme et révèle sa vraie nature : Fade et itérative.
La désillusion de l’idéal que nous nous faisons de ce monde matériel nous mène à l’interrogation introspective quant à notre place dans cet univers. Et c’est à ce moment que ressurgissent ces vieux souvenirs d’enfance, estompés par l’adolescence, où la question métaphysique reprend son importance.
C’est alors que nous nous plongeons plus sérieusement dans cette quête et que des questions ne cesseront jamais de nous tourmenter. Le degré d’appréhension variant selon notre propre sensibilité.
Je vais vous dire ce qu’il en résulte pour ma part.
Je me suis intéressé de près aux textes Bibliques, aux Evangiles, dans une moindre mesure au Coran. J’ai lu aussi de nombreux philosophes plus modernes, inspirés par le christianisme, comme Mikhael Aivanhov. Et bien que ces écrits puissent, je le crois, apporter une vérité à certaines personnes, il n’en sera jamais le cas pour moi. Je suis trop éloigné de ces dogmes et de ces récits finalement trop humain pour expliquer ce que je crois comprendre de Dieu. Bien entendu, j’avoue avoir certainement qu’une connaissance limitée de l’ensemble de ces thèses religieuses et je n’ai aucune prétention à juger de leur valeur. Simplement, une évidence saute aux yeux et les incohérences sont pour le moins nombreuses lorsqu’il s’agit d’extrapoler la relation qui unit Dieu aux hommes.
Comme Tolstoï en son époque, je pense néanmoins que certaines paroles et une poignée de personnes ont su proférer un enseignement se rapprochant d’une vérité universelle. Et la seule qui soit incontestable est qu’il y a en effet un « Dieu » qui existe, mais qui se présente sous une forme que l’homme ne peut pas réellement concevoir. Cette forme, cette vie, est bénéfique et positive pour le monde vivant. C’est elle qui unit et qui tisse les liens entre toutes les entités. Voilà ce dont je suis sûr. Le reste n’est que pure supposition, ou plus exactement, superstition.
Si ce constat ne semble pas perturber les consciences, c’est davantage dans le devenir de l’être humain que les plus grands conflits internes demeurent. Eh oui, que devient le « moi » dans cette histoire ? Notre personnalité, tout ce que nous concevons au final comme étant réel, et je dirais presque, la seule réalité de notre existence ? Notre monde, vrai, palpable, n’existe qu’à travers nous… Qu’en sera-t-il lorsque nous en viendrons à le quitter ? Là est la principale interrogation où, malheureusement, aucune réponse ne peut être apportée de manière péremptoire. Toutefois, certaines idées ou concepts peuvent être écartés.
La première hérésie qui me vint à l’esprit est la poursuite d’une vie dans un après où des éléments se rapportant au « moi » y seraient pérennes. Il parait en effet absurde, qu’une poursuite de la vie ait lieu dans l’au-delà et je vais tenter d’en apporter les explications en posant une série de questions qui, de par leur réponse négative, démontreront par l’absurde qu’aucune vie après la mort ne peut être liée à notre existence physique et à nos souvenirs terrestres.
La première question est liée à l’âge : Si une apparence physique terrestre est conservée après la mort, quel âge aurions-nous alors ? Cette question, comme d’autres, annihile toute idée persistant à défendre que nous conserverions une apparence physique après notre mort. Car, si c’était en effet le cas, comment retrouver une homogénéité une fois dans le royaume des cieux entre les personnes décédées à quatre-vingt ans de celles qui nous ont quitté à deux mois ? Il est évident que dans un « royaume céleste » qui se veut égalitaire selon les textes sacrés, il y a déjà une première discordance qui laisse à penser que ce qui nous attend n’est pas la continuité d’une vie terrestre. Il en va de même pour la question du sexe. Il est peu vraisemblable que le « royaume des cieux » segmente ses « anges » entre masculin et féminin, et entre sexualités. Il est donc absurde que notre identité soit préservée après la mort si toutefois un tel paradis existait.
Mais alors dans ce cas, quels seraient les liens partagés entre les « anges » ? Une question simple : continuerions-nous de côtoyer les personnes qui nous sont chères ? Encore un concept bancal dû à la contradiction liée par la volonté divine de faire un royaume où l’amour règnerait. Il y a d’ailleurs peu de chance pour que les unions terrestres perdurent « à travers Ciel ». Tout simplement par une évidence : nous avons tous aimés plusieurs êtres humains dans notre vie, certains nous ont parfois quittés prématurément, nous obligeant à poursuivre notre chemin avec d’autres. Au nom de quelle raison serions-nous plus unis avec les seconds que les premiers ? Il est évident qu’au « royaume des cieux » - s’il existe - les liens matérialisés sur Terre sont effacés et n’ont plus leur place.
Alors qu’allons-nous devenir ? Quel sens donner à la vie que nous partageons, aux promesses d’amour éternel que nous tenons, à toutes ces petites choses que nous espérons retrouver mais qui semblent pourtant être vouées à la dissolution dans le néant ?
Car d’après ce que je tente de démontrer, tout laisse à penser que s’il existe une continuité après la mort, elle est bien dénuée de la moindre relation avec ce que nous vivons tout au long de notre périple.
Nous savons désormais quelles thèses sur l’après sont peu cohérentes et improbables. Je suis pour ma part convaincu de ce qui ne m’attend pas après la mort. Mais avons-nous au moins une infime idée de la forme que peut prendre cet après ?
En raisonnant de manière cartésienne et en écartant toute idéologie dogmatique, on peut parvenir à un semblant de réponse. Peut-être pas la Vérité, mais une ébauche possible de ce qui peut sembler vrai et cohérent.
Premièrement ; autant il semble pertinent de penser que le néant reste le sort réservé à notre corps et notre intellect, autant il parait démesuré d’imaginer que toute partie de nous-même est vouée à ce destin. Sinon, comment expliquerions-nous ce sentiment de vie que nous avons au fond de nous ? De manière plus réfléchie, il y a une évidence qui permet de capter ce flux qui semble être distinct du corps et de l’intellect, ce que l’on appelle l’âme. Comment expliquer que deux personnes que l’on peut juger de même condition physique et intellectuelle puissent prendre des chemins radicalement opposés lorsqu’elles sont confrontées à des situations strictement identiques ? Il y a bien quelque chose en nous de singulier qui nous différencie. Comme une pulsion réfléchie, instinctive, qui nous guide. Ceci est je crois, la preuve la plus flagrante d’une présence divine. Sinon la seule.
Et c’est cette présence qui crée ce que nous sommes, et peut nous mener de la vie d’hédoniste à celle d’un puritain, de l’égocentrisme à l’allocentrisme.
Eh bien, cette chose, si complexe à définir, insaisissable, est je crois la seule qui ne sombrera pas lorsque notre heure sera venue. Tout simplement parce qu’elle ne nous appartient pas, mais est liée à un ensemble que nous partageons tous. Cette étrangeté qui est en chacun de nous, d’un handicapé mental au plus brillant des physiciens, du meilleur de nos semblables au plus cruel des hommes, est Dieu. C’est une part de lui que nous possédons et qui lui sera restituée à la fin de notre existence.
Tous autant que nous sommes, notre part divine est vouée à retrouver la toute-puissance, mais nous n’emporterons rien d’autre, ni souvenirs, ni sentiments, simplement la paix et la sérénité d’avoir retrouvé la source de ce que nous sommes. Cette fameuse flamme que nous recherchons tous en vain dans ce monde.
Certains peuvent penser que cette réflexion est un produit de substitution. Une sorte de consolation face à la tristesse que représente la fin du « moi ».
Je ne le crois pas. Parce que cette idée ne me rend pas plus joyeux. Cette réalité que je me fais de la vie après la mort m’indiffère. C’est une acceptation que l’on trouve ou non. Encore une fois, selon sa sensibilité.
La dernière interrogation légitime est de connaitre le but de la vie. Notre existence a-t-elle un sens ? Existe-t-il un purgatoire ?
Je répondrai aux deux dernières questions par la négative. Il est peu probable que notre vie ait plus de sens que celle des végétaux ou des animaux, cela reviendrait à croire à une survie du « moi » après la mort. Et j’ai déjà démontré que cela n’avait aucun sens. Cependant, en tant que propriété divine nous avons des devoirs. Non pas que nous serions sanctionnés si nous ne les respections pas, comme je l’ai dit, il n’existe pas de purgatoire… mais nous nous sanctionnerions nous-mêmes en adoptant vis-à-vis des autres, de la nature, de la vie, une attitude néfaste.
Pourquoi ? Tout simplement parce que le flux présent dans les corps physiques qui nous entourent est le même qui demeure en nous. Ainsi, toute douleur et souffrance que nous infligeons aux autres entités, est une peine que l’on donne à une partie de soi-même. Nous nous devons d’agir par le bien, non pas pour s’élever orgueilleusement, mais parce qu’il n’y a pas d’autre choix possible. Parce que toute action nuisible est un non-sens au regard de la vie. Rares parmi nous l’ont compris et aiment sans compter. Je ne fais pas partie de ceux-là, et c’est pourquoi je ne jugerais pas les autres.
Pour conclure, je crois en réalité que le « royaume des cieux » tel qu’il nous est raconté est non pas un mythe, mais un idéal terrestre. Le paradis n’est donc pas une finalité de l’après, mais un objectif de l’avant. C’est à nous, à l’Homme, de faire de ce monde ce royaume de paix. Et pour cela, il doit prendre conscience que son existence est insignifiante, que toute la vie qu’il mène n’est qu’illusion, et que la seule chose réellement importante et qui mérite que l’on mène un combat pour elle, est d’agir dans l’intérêt des autres, ou au moins, de ne pas nuire au développement de la vie, ni à la paix des êtres constituant ce monde.
Je ne vois pas d’autres explications rationnelles et cohérentes. Je ne m’enorgueillis pas de cette vision. Elle ne me réconforte pas non plus. Elle satisfait simplement ce manque qui me fait souffrir chaque jour de ne pas savoir pourquoi je suis là.
Sans autre émotion.
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