COP 21 : faut pas trop rêver ...
Entendu mot pour mot sur Europe 1, le mardi 1er décembre, un peu avant neuf heures du matin « 70% des ressources sont consommées par 30% de la population ».
Cette assertion ne veut pas dire grand-chose. Avec de la bonne volonté, on peut comprendre qu’il s’agit de la population mondiale. Quant aux ressources, même si l’on veut bien penser qu’il est question ici des seules ressources naturelles, il faudrait encore deviner s’il s’agit des renouvelables telles que l’eau ou des non renouvelables telles que le pétrole.
Quoi qu’il en soit, même si ladite assertion n’éclaire guère notre lanterne dans l’absolu, elle peut nous conduite aux réflexions suivantes.
Soit donc un gâteau découpé en 100 tranches égales autour duquel sont attablés 10 convives. Le Groupe A des 3 convives les plus gourmands ( nous n’employons pas le terme « égoïste » car nous ne sommes pas en cours de morale encore que la gourmandise est un péché capital ) s’emparent de 70 tranches et laissent donc les 30 tranches restantes aux autres 7 convives (Groupe B).
Première réflexion : on se demande quelle serait la part de chacun si tous les convives recevaient la même chose . La réponse est évidente : chaque convive recevrait alors 10 tranches. Ainsi, la part des plus gourmands passerait de 23,33 tranches (70/3) à 10 tranches. La part des convives du Groupe B passerait de 4,28 (30/7) à 10 (Pour les plus matheux, voir « ANNEXE » en fin d’article ).
Le Tableau I résume ce qui précède :
Tableau I |
Tranches reçues par chaque gourmand (Groupe A) |
Tranches reçues par chacun des autres (Groupe B) |
Nombre total de tranches |
Avant partage |
23,33 |
4,28 |
100 |
Après partage |
10 |
10 |
100 |
Variation |
|
+ 133 % |
nulle |
Deuxième réflexion : on se demande de combien devrait croître les ressources globales pour que tous reçoivent la même chose que les convives du Groupe A. Il faudrait alors 10 x 23,33 = 233 tranches soit une augmentation de 133% de la ressource initiale de 100 parts :
Tableau II |
Tranches reçues par chaque gourmand (Groupe A) |
Tranches reçues par chacun des autres (Groupe B) |
Nombre total de tranches |
Avant partage |
23,33 |
4,28 |
100 |
Après partage |
23,33 |
23,33 |
233 |
Variation |
nulle |
+ 445 % |
+ 133 % |
REMARQUES
A On est en droit d’estimer que la plupart des ressources naturelles mondiales non renouvelables et exploitables dans les conditions techniques et économiques actuelles* sont maintenant connues avec une bonne précision. Par conséquent, le scénario du Tableau II affichant une augmentation de 133 % de ces ressources relève plus de l’exercice d’école que de la réalité.
*Excluant notamment les sables bitumineux et les extraits de schiste.
B En fait, l’une des données majeures du COP 21 est que l’on va devoir s’abstenir de consommer toutes les réserves fossiles existantes (charbon, gaz, pétrole ) si l’on veut que, à la fin du siècle, l’augmentation de la température n’excède pas 2° C par rapport à la température au XIXème siècle (ère préindustrielle).
Le Tableau III (ne prêtez pas attention à " p/r et (100-p)/(100-r)" si vous avez choisi d'ignorer l’ ANNEXE ) reprend le cas de la première réflexion pour quelques valeurs significatives dont celles que nous avons déjà examinées ( cas 30/70 en ligne 7).
Tableau III Ratio « Part avant / part après »
|
p |
r |
Groupe A |
Groupe B |
|
% pop Gr A |
% res. avant |
p/r |
(100-p)/(100-r) |
1 |
10 |
80 |
0,13 |
4,50 |
2 |
10 |
50 |
0,20 |
1,80 |
3 |
10 |
20 |
0,50 |
1,13 |
4 |
20 |
80 |
0,25 |
4,00 |
5 |
20 |
30 |
0,67 |
1,14 |
6 |
30 |
80 |
0,38 |
3,50 |
7 |
30 |
70 |
0,43 |
2,33 |
8 |
30 |
40 |
0,75 |
1,17 |
9 |
40 |
80 |
0,50 |
3,00 |
10 |
40 |
50 |
0,80 |
1,20 |
B Dans un communiqué du 2 décembre 2015, OXFAM ( ONG internationale de lutte contre la pauvreté ) déclare que « Les 10% les plus riches de la planète génèrent 50% des émissions de CO2 mondiales ». Ces valeurs sont reportées en ligne 2 du Tableau III. On y constate que, pour une répartition équitable des émissions de CO2, il faudrait que les pays du Groupe A réduisent les leurs de 80 %. Le moins qu'on puisse dire devant ces ordres de grandeur c'est que le problème semble ardu !
C Il résulte de ce qui précède que d’autres sources d’énergie (solaire, éolienne, hydroélectrique, biomasse, nucléaire, hydrolien marin ) devront se substituer de manière intensive aux énergies fossiles.
D Cependant, les écologistes mettent un bémol au développement du nucléaire (dangerosité) et de la biomasse (accaparement et épuisement des terres ). De plus, exprimées en TEP (tonne équivalent pétrole) les réserves connues d’uranium et de thorium sont très inférieures à celles des énergies fossiles. Seule la surrégénération permettrait une utilisation généralisée du nucléaire pendant des siècles.
E La mise en œuvre de nouvelles sources d’énergie renouvelables requiert des investissements considérables pour lesquels les pays développés devront aider les plus pauvres ( A Copenhague, en 2009, il avait été prévu que 100 milliards de dollars par an seraient débloqués jusqu’en 2020 selon le mécanisme dit du « Fonds vert » )
F En ce qui concerne certaines ressources naturelles renouvelables (océans, forêts, eau … ), des ONG estiment que l’empreinte écologique de l’humanité est trop profonde pour que la biocapacité de la Terre suffise à réparer les dommages. En d’autres termes, nous cravachons sans pitié une monture épuisée qu’aucune écurie ne pourrait requinquer.
G Enfin, il faut mentionner les minerais (métallifères et autres ) dont la demande ne cesse de croître au fur et à mesure que se popularisent les technologies récentes et qu’en naissent de nouvelles. Il est habituel de classer les réserves en " prouvées, probables et possibles ". En attente d’hypothétiques réserves possibles et quels que soient les coûts d’exploitation de telles réserves, force est de reconnaître que la disponibilité de nombreux métaux à moyen terme reste problématique. Le recyclage des matières premières semble promis à un bel avenir.
CONCLUSION
Bien des choses ont changé depuis le premier rapport du Club de Rome. Si, en 1972, on pouvait craindre l’épuisement des ressources, en 2015 on craint plutôt d’en consommer la totalité. Une constante cependant : la nécessité d’une certaine décroissance. Or, au cours des 43 dernières années, l’humanité a pris goût à la croissance et n’est nullement préparée à un tel changement de paradigme. Pour ce qui est du cas particulier de la France, il nous faut admettre que nos Lumières nous avaient laissé entrevoir un Progrès sans limites et garant d’un bonheur terrestre qui nous détournerait presto de l’espérance de la vision béatifique . Le spectre d’une production effrénée de camelote, de services te de loisirs superflus n’eût alors effleuré personne.
Les machines du XXIème siècle ne sont plus celles du XVIIIème. La vapeur d’eau des locomotives a laissé la place, là-haut, aux traînées de condensation des avions, redoutable GES (gaz à effet de serre) que le COP 21 passera peut-être sous silence.
Il y a 3 siècles, l’anthropocène se jouait sur l’épiderme de la Terre que perçaient quelques volcans ou que faisaient frissonner quelques secousses sismiques. Aujourd’hui, il s’étend des profondeurs de nos océans à la planète Mars.
Pour terminer, mentionnons trois des challenges posés aux ingénieurs de la décennie à venir. Le premier, lié à l’irrégularité du vent et de la luminosité solaire, est le stockage de l’énergie. Le deuxième est la capture, le stockage et l’utilisation du CO2. La troisième concerne l’anticipation et la correction des nuisances causées par les énergies nouvelles (piles à combustibles, par exemple).
Quant au défi posé aux hommes politiques, il sera de veiller à la paix car, comme l’écrivit Einstein « Je ne sais pas quand aura lieu la troisième guerre mondiale, mais la quatrième se fera à coups de bâtons ». On pourra alors recommencer à brûler du charbonsans scrupules...
ANNEXE
Soit une population de P individus dont p % (Groupe A) reçoivent au total r % d’une ressource globale R. Les autres individus (Groupe B) se partagent le reste de la ressource. Tous les individus d’un même groupe reçoivent la même part.
Chaque individu du Groupe A reçoit : Rr/Pp
Chaque individu du Groupe B reçoit : (R/100) (100-r)/(P/100) (100-p)
Le partage est équitable lorsque r = p. Dans ce cas, pour les individus du Groupe A, le ratio de la part reçue après le partage équitable sur la part reçue avant vaut : p/r
Ce même ratio, pour les individus du Groupe B vaut : (100-p)/(100-r)
Le Tableau III montre quelques variations significatives de ces expressions .
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