Coq en stock
Il était une fois un tout petit coq dont le chant quotidien avait fini par lasser presque tous les autres animaux alentour. Il faut dire que depuis trop longtemps déjà, il squattait en permanence leur petite lucarne, leur infligeant des cocoricos à répétition aussi ridicules que stériles. Il y avait bien encore un roquet à poil long qui aboyait de plaisir après chacune des interventions du gallinacé mais à force de montrer les crocs envers quiconque oserait critiquer les agissements du roi du poulailler, le vilain clébard avait perdu toute crédibilité.
Mais il y avait pire. Chaque déplacement du coquelet en France et en Navarre était désormais chose ardue. Pour éviter qu’il subît huées et quolibets de la part des locataires des basses-cours, des hordes de poulets quadrillaient désormais chaque ferme où il se présentait. Récemment, lors de sa visite à la plus grande d’entre elles, on avait même soigneusement écarté de sa trajectoire, les vilains petits canards qui auraient pu troubler la fête. Des faisans malicieux avaient même poussé le cynisme jusqu’à convoquer dindes et paons fanatiques du volatile afin qu’ils lui glougloutent et lui braillent tout leur amour pour son auguste plumage.
Le petit peuple était décidément très injuste avec son altesse à crête. Lui qui avait pourtant épousé la plus belle poule du monde. Lui qui portait sous l’ergot une bague de grand luxe. Une bague dont un faucon (un vrai ?) ami et entremetteur à ses heures réclame (ça ne s’invente pas) et huit à qui veut bien l’entendre que si l’on n’en possède pas après cinquante ans, c’est qu’on a raté sa vie.
La vie était bien cruelle pour notre volaille incomprise. Lui, qui pour noyer le poisson, sortait chaque jour de sous ses plumes une idée nouvelle pour l’avenir de l’élevage. Il avait même chargé un vieux dindon goitreux de re-découper les régions de l’hexagone. C’était vraiment la priorité des priorités au moment où la majorité des bêtes ruminaient contre lui à force d’être à la diète depuis son arrivée au trône.
Il avait tant promis avant son accession. Telle la Perrette de monsieur de La Fontaine, il avait tiré des plans sur la comète pendant sa tournée de campagne. Il s’était vu beau, efficace, adulé. La réalité était manifestement tout autre. Son chant désespéré n’était pas des plus beaux. Telle la jeune laitière, il ne lui restait plus qu’à coqueliner dans son coin Adieu veau, vache, cochon, couvée…
PS : toute ressemblance avec un coquelet ayant déjà existé serait purement fortuite
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