Corée du Nord : le spectre de Félix Faure ?
Déja empaillé, Kim Jong Il rejoint le panthéon des dictateurs morts en exercice. À peine la cloche de verre refermée sur son corps, pourtant, les rumeurs affluaient déjà sur les circonstances mêmes de sa disparition. Selon la version officielle, le buveur invétéré de cognac, gros fumeur de cigares et dévoreur de pigeonnaux, son plat préféré, était mort en plein travail, à bord de son super train blindé, parti une nouvelle fois le pays, en bon dirigeant infatigable toujours sur la brèche pour améliorer le sort de ses ouailles, bien entendu. Ceci pour la version officielle. Or, selon des sources plutôt sûres d'information, ce fameux train exceptionnel n'avait pas bougé d'un millimètre de sa gare habituelle depuis plusieurs jours. Le despote n'est pas mort au travail,mais très certainement dans une de ses luxueuses résidences dont je vous propose de faire la visite avant de vous laisser supposer une fin à la Félix Faure pour cet Ubu rouge aux excès longuement cachés, mais qui aujourd'hui commencent à être connus.
Les pleurnicheurs et pleurnicheuses complaisamment filmés par les proches du pouvoir en place lors de véritables scènes d'hystérie ne doivent en effet pas nous faire oublier la dichotomie énorme entre ce pouvoir et son peuple : au moment où ce dernier crevait de faim, le dictateur à talonettes immenses vivait dans l'opulence et dans de nombreuses villas dignes d'un milliardaire. On en a recensé quatorze, pas moins, dont des chalets d'hiver, que je vous propose de visiter, au cas où comme pour Kadhafi, vous auriez pu encore imaginer que le tyran était proche de son peuple et se refusait à vivre dans l'opulence, comme pouvait se plaire à dire le tyran libyen avec sa tente de bédoin itinérante (équipée de climatiseurs !).
Selon les observateurs, le dictateur était dans son palais de Wonsan depuis la mi-mai dernier, en face de la plage de Songdowon, qui est la principale station balnéaire des cadres du parti dans le pays. Une endroit où l'on trouve une étrange "colonie internationale de vacances pour enfants de tous pays"... où l'on ne trouve que ceux des pays "admis" par le régime. A savoir la Tanzanie, la Russie, la Mongolie, la Chine et la ... Syrie. Le peu d'images officielles de cette "colonie internationale" nous présente un regroupement de quelques enfants seulement d'âge fort divers, de quoi remplir deux cars de touristes en Europe. La plage du coin étant soigneuselent divisée en "plage pour habitants locaux" et "plage our les étrangers". Dans une de ses villas favorites, depuis plusieurs mois, le dictateur était en villégiature étirée dans le temps. Ce sont ces invités qui pratiquaient le jet-ski, sur une plage privée bien sûr L'infatigable sillonneur de pays (version officielle) vivait en réalité comme un riche et paisible retraité de la côte d'azur. Présenté parfois comme un "micromanager" qui tenait à vérifier lui-même tous les sites sensibles de son pays, il passait davantage de temps à ne rien faire qu'autre chose, rejoignant ainsi la fainéantise proverbiale d'un Georges Bush, incapable de lire un rapport de plus de 20 pages. Son autre lieu d'été préféré étant situé à Kang Dong, dans une villa ou plutôt un ensemble de villas, mélant immeubles bas de 3 ou 4 étages et grande villa de plein pied, débouchant derrière une pièce d'eau de taille conséquente décorée d'un énorme jet d'eau. D'une architecture plus qu'ordinaire, tout cela, évoquant plutôt les plans fournis par Popular Mechanics dans les années 70 qu'autre chose. Dans les villas d'amis du complexe, des équipements de bowling, de tir à la carabine et des rollers étaient fourrnis.
Existent également dans le pays des lieux plus étonnants encore, architecturalement, comme la villa personnelle du dictateur de Seoho, ou plutôt l'immeuble de Seoho devrait-on dire, près de Hamhung, sorte d'hôtel personnel dans la province sud de Hamkyong, extérieurement doté de 7 étages, mais en possédant une dizaine, car trois au moins plongent sous le niveau de la mer. Certains parlent de 25 étages sous-terrains et donc aussi sous-marins, une vitre en bas de l'édifice de plus de 10 cm d'épaisseur permettant d'observer les poissons au fond. Selon les sources, chaque membre de la famille dispose de son étage personnel. Démesuré, et complètement loufoque.
L'hiver, c'est dans un chalet des montagnes de Myohyang, vers les cîmes du Horang, à 2000 mètres d'altitude qu'il allait s'adonner au ski (comme Ben Laden au Pakistan !). Dans un complexe construit de 1981 à 1984, immense, puisque s'étendant sur 500 000 m2, ou plutôt entièrement rénové, le lieu étant l'endroit où son père Kim Il Sung était décédé, malgré la présence d'une forte implantation médicale dans l'enceinte même du site, qui comprenait trois villas rien que pour les gardes qui la surveillaient. Mieux encore, puisque pour relier ce chalet à la province qui jouxte celle où il a été bâti, une route spéciale a été construite de 1987 à 1996, un projet de 120 km de long du père de Kim Jong Il pour filer en Chine au plus vite en cas d'attaque du pays. La route stratégique devenue sorte de Nationale 7 des vacances du dictateur possède une caractéristique rare : en dehors de lui, personne n'a le droit de rouler dessus. Prévue au départ comme une route simple à une seule voie, elle a été élargie par Kim Jong Il à neuf mètres... avec toujours la même étonnante restriction d'usage.
Le soin étrange porté à cette route, d'une certaine manière, s'explique : lors de la mort de Kim Il Sung, son fils, Kim Jong Il n'avait pu recueiilir le dernier souffle de son père à cause du mauvais état de cette route, alors en voie d'établissement. Depuis ; elle demeure nickel : elle ne s'use pas, puisque personne ne roule dessus ! Bien entendu, comme le fils souhaitait rouler plus vite et que la route initiale était trop sinueuse et trop lente, une armée de bulldozers dépêchée dans la région a rasé quelques villages qui avaient eu l'outrecuidance de s'installer sur le nouveau tracé plus rectiligne, leurs habitants étant chassés sans aucune indemnité bien entendu. Durant neuf ans, la construction de cette autoroute à usage unique a bien entendu aussi grevé le budget du pays. En Corée du Nord, d'autres autoroutes désertes sillonnent le pays, comme le montre cette photo ici à droite de celle reliant Pyongyang à Kaesong, ouverte en 1992. Celle ouverte en 1995 menant à Myohyang a été terminée, ce qui n'est pas le cas de celle destinée au départ à rejoindre la capitale à la ville de Huichon, dans la Province de Jagang. L'autroute s'arrête brusquement à Hyangsan, juste avant l'entrée dans la chaîne de montagne du Myohyang : en Corée du Nord, on ne peut parler de plan de développement autoroutier : il se résumait en effet aux seules lubies de celui qui dirigeait le pays. Même chose pour le train : s'il existe bien des lignes, le manque de matériel fait qu'un bon nombre de voies pourtant construites sont parfois inutilisées : des touristes (les rares ayant obtenu un visa) sont parfois revenus avec ses étonnnants clichés de piétons empruntant des voies ferrées pour traverser un fleuve, notamment.
Quel pouvait être son passe-temps favori, lui qui faisait croire qu'il travaillait tout le temps ? Faire du cheval et chasser, surtout à l'approche de l'hiver nous dit notre mine de renseignements (*) : "le passe-temps favoris de Kim Jong Il sont ses fusils, la chasse et l'équitation. Selon ceux qui vivaient dans les zones de chasse privée de Kim Jong Il, sa chasse commençait habituellement à la première neige de début de l'hiver". Cela on ne l'a su que récemment encore, grâce à un évadé du pays. "Récemment, un transfuge qui a travaillé comme membre du Bureau d'escorte, et plusieurs autres transfuges qui avaient été témoins des zones de Kim Jong Il chasse privée, a témoigné que ces zones de chasse se trouvent à travers la Corée du Nord. "Heo Chil Soo (55 ans, un pseudonyme pour sa protection), un ancien membre du bureau d'escortes, a témoigné que les zones de chasse les plus remarquables étaient proches du village de Yonghwa, près de Parkcheon, et l'autre près du village d' Obong à Yongbyun,qui sont tous deux dans la province Nord de Pyongan, et aussi dans les environs de la Villa de Kim Jong Il à Anju, la province de Pyongan Sud. Il affirme : « Je ne sais pas exactement de quand ces lieux ont commencé à être des zones de chasse privée de Kim Jong Il ,mais je pense aux années 70 quand les gens hostiles ont été expulsés vers d'autres lieux. Ce fut le moment où ils ont commencé à être utilisés par Kim Jong Il pour la chasse." De retraité de la Riviera ; le voici gentleman-farmer ou un Giscard à faucille et marteau ! Imaginez notre ébouriffé jouant aux cow-boys est assez surprenant, somme toute !
Un dictateur ayant interdit dans son pays les animaux de compagnie, car jugés trop "décadents" et des "biens de luxe" et qui lui-même s'entourait d'animaux familiers dans ses diverses villas ou chalets. C'est ce que raconte en tout cas un poète, Jang Jin Sung, autrefois invité dans l'une des villas (et échappé du pays en 2004) : "Tout d'un coup un petit chiot blanc est apparu, ce qui m'a fait m'interroger, et alors, Kim Jong Il entra dans la salle derrière lui", a déclaré Jang. "Pendant que Kim était en train de dîner, le chiot se promenait sans restriction. Quand il approché Kim, celui-ici l'a caressé de nombreuses fois. " La source anonyme a déclaré que Kim est toujours accompagné par des chiens à ses inspections sur place, ajoutant que leur nourriture et le shampoing étaient importés, de France dans le cas du shampooing. Lorsque les animaux tombaient malades, des vétérinaires de qualité supérieure provenant de pays étrangers étaient invités àPyongyang ou les animaux étaient conduits à l'étranger pour traitement, a dit cette source, en ajoutant : "La raison pour laquelle ils circulaient en avion était pour la facilité du dédouanement."
Le tyran et le culte de sa famille, qui ont coûté et coûtent toujours une fortune à leur pays : "selon la publication de quotidien américain,« Christian Science », la gestion de l'image du père de Kim et tout l'attirail de propagande du fils dévore jusqu'à 40% du budget national de la Corée du Nord. La structure la plus représentative du pays de l'idolâtrie est située sur le mont Keumsoo, avec le Mémorial qui consacre les restes de Kim Il Sung. Sa construction a été chiffrée à 890 000 000 dollars. Pour les plusieurs millions de personnes qui sont mortes de faim en Corée du Nord dans le milieu des années 1990, cet argent aurait apporté 6 millions de tonnes de maïs". Un palais funéraire où repose le corps de son père Kim Il Sung, sous un sarcophage de verre comme celui dans lequel il vient d'être exposé, un endroit ou ce dernier ne se rendait pas souvent : en 2008 on reportait ainsi qu'il l'avait visité le 8 juillet, sa première visite depuis trois ans. A l'entrée du mausolée figure une énorme statue peinte couleur or : faite de bronze, elle doit être repeinte tous les deux ans avec un matériau très onéreux venant de l'ex allemagne de l'Est. Une statue contamment éclairée la nuit pour éviter les dégradations possibles et faciliter sa surveillance. Des statues, il doit y en avoir environ 30 000 dans le pays, et près de 140 000 dédiées à l'ensemble du culte de la famille Sung, mais une seule paraît-il au nom de Kim Jong Il. Ça ne devrait pas tarder à fleurir dans les années à venir ! Des statues tellement choyées qu'on a même prévu auprès des principales un bunker pour les mettre à l'abri au cas où !
Des bunkers personnels, il y en a d'autres, certains liés directement aux lieux de villégiature, comme àYoungsung : "dans le cas où une guerre éclaterait, le commandant suprême de l'unité, les département bureaucratiques, le commandant du département, du parti ouvrier et les autres ministères doivent être stationnés ensemble à cet endroit. Dans le cas d'une guerre nucléaire, les murs construits avec des barres de fer et de béton recouverte de plomb sont faits pour protéger le siège du gouvernement. Les installations ont été achevées en 1983 (...) il y a suffisamment de fournitures au quartier général pour survivre pendant dix ans sans aucun contact extérieur. Le complexe est relié au quartier général et aux chalets grâce à un métro particulier, tous étant liés à des tunnels souterrains. Il est également relié au chalet de Montagne de Jamo Sunchun-gun, qui est situé à environ 40 kilomètres de Pyongyang." Cette manie des tunnnels ; on la retrouve auprès d'un autre chalet, celui de Changsung, qui n'est pas sans rappeler celui d'Hitler. Dans son jardin trône une antenne satellite similaire à celle qui équipait la villa dite de Ben Laden au Pakistan. Objet interdit dans le pays, bien entendu. "C'est le chalet avec pignon (et un toit en pente de tuiles) (...) Le chalet est situé au bord du lac Supung, un bon endroit pour le ski de pêche et le jet-ski. Il est connu qu'il existe un passage souterrain sous le fleuve Yalu connecté au chalet, qui se connecte lui-même à un tunnel de métro tous ces chemin menant au final... vers la Chine".
C'est dans ce dernier chalet qu'il recevait parfois des chefs d'Etat. Complexé par sa petite taille (il ne mesurait que 1,65 cm, soit la même taille qu'Aristote Onassis ou Hiro Hito, et cinq de plus que Woody Allen !), le dictateur a longtemps été photographié lors de ses rencontres avec des chaussures à talonette géante. Plusieurs clichés en attestent, visibles lors des grands rendez-vous avec des dirigeants "amis", à savoir ceux de la Chine ou de la Russie, les deux seules nations ou presque à s'être rendues à ce genre de rendez-vous diplomatique. Sur certaines vues, c'est à se demander comment il pouvait marcher avec ce genre de chaussures aux pieds, tant elles étaient rehaussées d'un bonne dizaine de centimètres. Selon beaucoup d'observateurs, des chaussures qu'il avait du mal à endurer, à le voir croiser et décroiser les jambes lors de ces réunions, ou tentant de les montrer uniquement de face aux photographes pour qu'on ne puisse voir la taille de leur talon géant.
A partir de tout cet étalage de richesses volées à son propre peuple, on peut aussi se dire que d'apprendre sa mort dans des circonstances inattendues, avec un énorme mensonge sur l'endroit où celle-ci a pu avoir lieu, ainsi que la connaissance que nous avons de ses frasques notamment sexuelles, peuvent très bien laisser envisager que le tyran de la Corée aurait très bien pu avoir le même tour que Félix Faure, et que ses gardes, puis ses dignitaires, aient monté le bobard du "train de labeur" pour éviter de dévoiler un scandale qui ne nous surprendrait en rien, connaissant le personnage (dont j'ai déjà évoqué les penchants pour la gent féminine ici-même (**). Pour mieux masquer une fin graveleuse, rien de tel que des racontars. Déjà que l'on avait fait ingurgiter aux pauvres coréens qu'il était né sur un mont devenu en quelque sorte sacré depuis que le père de Kim Jong Il y avait établi son quartier général, voici ce soir que la propagande digne de la nuit des temps affirme déjà que le soir de sa mort des "phénomènes étranges" ce sont produits sur ce fameux mont. "Selon KCNA, la tempête de neige s'est arrêtée brusquement mardi matin, laissant le soleil levant illuminer le sommet enneigé. À ce moment, "la signature de Kim Jong-il est apparue sur la montagne, indiquant Mont Paektu, montagne sacrée de la révolution". On applaudit la performance ! A mon humble avis, c'est plus facile à gérer que les phrases historiques du genre : "le président a-il encore sa connaissance ? Non, elle vient de sortir par la porte dérobée"...
(*) : la mine de renseignements que devraient lire la profession journalistique pour étoffer leurs biographies du défunt tyran est ici : j'ai bien entendu emprunté tous mes exemples à cette lecture très enrichissante.
(**) "En Corée du Nord, le pays est tellement anesthésié, les gens tellement rendus inoffensifs par les privations, qu’il y a de fortes chances qu’on assiste à l’avènement d’une troisième génération de Kim Jong... et franchement, ce n’est pas à souhaiter. Les fistons sont à l’image de ceux d’un autre grand démocrate contemporain : Muammar Khadafi, dont le fils Motassim, surnommé Hannibal, passe son temps à ravager les hôtels d’Europe depuis des années en bénéficiant d’une rare immunité. S’appeler Hannibal prédispose, il est vrai, à transformer les moquettes de palaces les plus huppés en gazon nécessitant une tonte régulière, ou en chambres de sévices pour employés de maison. Où Hannibal passe, rien ne repousse, à part parfois les échanges de courriers diplomatiques, ses derniers exploits ayant quasiment entraîné des menaces de guerre helvète... au pays de la neutralité, on est parfois tenté d’appuyer aussi sur la gâchette avec pareil client. Un séjour hôtelier d’Hannibal, c’est un peu une tournée des Who de la bonne époque : les frais de réfection bouffent l’intégralité des bénéfices de celui qui prend le risque de l’héberger."
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