Coronavirus : être ou ne pas être chinois aujourd’hui à Paris…
A propos d’une actualité brulante, voici la confession d’un de mes amis qui souhaite garder l’anonymat :
"C'est étrange mais depuis l'annonce de l’arrivée en France de ce coronavirus je vois des chinois partout. J'en croise un, j'en vois mille. Pourtant, avant cette annonce, je ne les voyais pas dans mon quartier ni dans ma commune, là où ils sont supposés être ultra- minoritaires ; ce qu’ils sont dans les faits. N'empêche que maintenant je ne vois qu'eux.
Et bien qu’il puisse s’agir de Vietnamiens, de Cambodgiens ne change rien à l’affaire : le moindre signe d’une appartenance au continent asiatique suffit : « C’est un Chinois, pour sûr ! »
Dans le 13è arrondissement de Paris, là où la densité de Chinois au km2 est la plus élevée de la capitale et de la région, j'ai pu assister à un va-et-vient continu d'un trottoir à l'autre, celui de gauche puis celui de droite, de piétons chinois qui tentent d'échapper à un autre piéton chinois venant à sa rencontre ; confrontés à ce va-et-vient incessant de milliers de piétons chinois à un instant T, principalement dans l’avenue de Choisy, difficile de ne pas penser à une sorte de ballet à la chorégraphie certes minimaliste (d’inspiration contemporaine très certainement, faute d’une technique développée) de pauvres hères paniqués et désespérés d'impuissance, visages tendus, regards scrutateurs, avides, à la recherche d'un non-Chinois, d'un visage européen en l'occurrence... mais rien n'est moins vain, rien n'est moins rassurant, car cet européen que l’on croisera avec un soulagement... éphémère, hélas ! pourra très bien cacher un piéton de retour d'un séjour en Chine ! N'est-ce pas ?
J'ai fui. J'ai alors pris mes jambes à mon cou et j'ai fui sans demander mon reste.
Aujourd'hui, on ne compte plus les annulations de réservations dans les restaurant dits « chinois » pour la saint Valentin ; on a même vu des fumeurs renoncer à leur vice, oh combien répréhensible ! et d’autres encore, parcourir des kilomètres à pied, à cheval, en voiture, en train, jusqu'à la charrette à bras du siècle dernier pour les plus démunis, avec pour seul souci : ne pas avoir à franchir la porte d'un des nombreux bureaux de tabac parisiens tenus par cette communauté paisible ; et pour cette seule raison : communauté très sympathique.
Déjà, les associations anti-racistes se mobilisent ; elles donnent de la voix ; elles en appellent à la solidarité nationale selon le principe suivant : le risque d’une contamination doit être partagé équitablement par tous, quels que soient sa couleur de peau et ses origines ethniques !
Mais alors, quelle est la solution pour les premiers concernés d’entre nous tous, à savoir ces milliers de Chinois du 13è arrondissement de Paris ?
Dans ma commune le problème ne se pose pas puisque les Chinois se comptent sur les doigts des deux mains ; ils sont ultra-minoritaires ; aussi, il me suffit de les voir venir de loin pour m’empresser de changer de trottoir d’un pas nonchalant en sifflotant, mine de rien.
Qu'à cela ne tienne ! C'est alors que le questionnement suivant surgit, angoissant, menaçant : "Etre ou ne pas être chinois dans le 13e arrondissement de Paris aujourd’hui"... car telle est la question qui en appelle une seconde : comment ne plus être ce que l’on est pour soi et pour ceux que l’on croisera inévitablement ?
Sartre ( Jean-Paul) avait bel et bien raison ( une fois n’est pas coutume) : l’enfer, c’est vraiment l’autre, toujours !"
Telle fut la conclusion de cet ami maintenant souffreteux (fièvre et toux) dont j'ai dû dans l'urgence me séparer en composant le 15 à son insu.
Il en a pris pour 40 jours.
On n'est jamais trop prudent. Jamais.
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON