Cotignac juillet 2008 : un salon du livre minable !
Ça sent la pisse, il n’y a personne à part les mouches !

Dimanche 6 juillet 2008, comme en octobre 2007, je pars vers 6 heures. Le temps de passer prendre le stock de livres et mon éditrice (histoire de partager les frais de route... par les temps qui courent, on finit par tout compter), et nous voilà partis à la fraîche.
Elle m’avait prévenu : "Attention, ce n’est pas le même salon qu’en octobre… ni la même association qui organise. Mais, en été, il devrait y avoir beaucoup de monde", enfin, c’est ce qu’elle espérait.
En octobre, le salon était axé sur les éditeurs indépendants avec "Caractères", une association axée sur le littéraire, un programme chargé, riche. Tout s’était très bien passé.
Donc, 6 h 30, à Orange, l’orage gronde, quelques gouttes, pourvu qu’il fasse beau à Cotignac.
Plus loin sur la route, nous croisons un mistral léger puis un ciel bas, chargé d’angoisses pour la journée.
En octobre, le soleil se lève plus tard sur les bancs de brume glacée, quand la gelée blanche engourdit les vallées.
Sortis de l’autoroute, lorsque nous prenons la direction de Cotignac, en octobre, encore, nous avions été accueillis par avance avec des affiches sur le bord de la route, aux croisements. Je me sentais attendu.
Ce matin, rien !
Pas une affiche !
Enfin, si, des affiches pour la semaine d’avant, celle d’après, mais pour cette journée... aucune.
Arrivés dans la clandestinité totale au sujet du salon, l’organisateur nous emmène à notre place de stand. Manque de pot, nous sommes dans la rue, au ras des pots d’échappement, des scooters qui rivalisent de témérité en roulant sur une roue... pas sur la place, là-haut, là où les gens flânent...
Est-elle réservée aux proches ? Nous qui venons de loin, avons-nous droit au second choix ?
Ne soyons pas pessimistes, attendons de voir.
Notre hôte n’est pas loquace. En guise d’accueil, de bienvenue, il se contente d’un "c’est là", nous montrant les tables réservées.
Je ne peux m’empêcher. Instinctivement, je lâche : "Ça sent la pisse !"
J’imaginais que la veille au soir — le samedi — une bande de saoulards s’était soulagée, déversant sans attendre un lieu propice, leurs litres de bière sur le bas-côté. Il n’en était rien. Ce n’était pas juste là, mais sur le cours entier que ça sentait l’urine de cheval et de taureau. Une cavalcade avait eu lieu une semaine auparavant.
Depuis, ni la pluie ni la mairie ne s’étaient donné la peine de nettoyer l’artère principale du village, lieu de prédilection à bader pour les locaux et les touristes. Je fais la réflexion à mon éditrice : "lorsque j’ai des invités, je nettoie ma maison. Ici, cela n’a pas l’air d’être la coutume !"
Nous nous installons tranquillement, à 8 h 30, pas un chat dans les rues.
Dès que le soleil commence à chauffer, les mouches viennent nous agacer, se poser sur les livres, au risque de les tacher. N’étant pas occupés par les visiteurs, nous avons tout le temps pour les chasser, et les chasser, et les chasser encore ! Au moins, quelqu’un s’intéresse à nous, de près, avec constance et insistance.
Elles seront là toute la journée, de plus en plus nombreuses avec la chaleur et l’odeur âcre de l’urine.
La matinée nous permet de voir passer les locaux faire leurs courses, préférant les feuilles de laitues aux pages des livres. Les fidèles de la messe restent à deux mètres du stand pour ne pas risquer d’être happés par je ne sais quel mal ou je ne sais quel mot.
Midi, les terrasses de resto sont pleines, le stand est vide, nous faisons la pause. L’après-midi est un vrai désert. La rue est VIDE pendant des heures. Nous passons notre temps avec les gens des autres stands. Des réflexions viennent : "Mais qui est cet organisateur qui ne fait aucune communication ni animations culturelle ?", "Ça pue", "Ah, ces mouches !", "Je crois que je vais rentrer de bonne heure", "Pas un chat, ils se foutent de nous", "J’ai pas vendu un seul livre", "Moi non plus"... Ce n’est pas l’éternelle complainte du camelot, deux semaines avant, le salon de Sainte-Cécile-les-Vignes (84) avait été une vraie réussite, malgré le fait que ce soit la première édition.
A 17 heures, les haut-parleur diffusent un discours consensuel. Derrière le micro, chacun est fier d’avoir participé à une telle journée... Ça se congratule, se remercie, se promet de recommencer. Les applaudissements des fidèles — sûrement le conseil municipal et l’association — rythment les changements d’orateurs.
De toute la journée, nous n’avons eu que deux visites des organisateurs, une pour un café à 10 heures et un petit verre de rosé à midi. Après, personne.
Généralement, dans les salons, ils proposent de l’eau, viennent prendre des nouvelles, s’intéressent à notre activité.
L’organisateur du salon n’est même pas passé voir notre stand, ni s’inquiéter de notre journée.
Mais qu’aurait-il entendu ?
Se lever à 5 heures un dimanche en mettant de côté toute vie familiale méritée après une semaine de travail. Faire 400 km aller/retour à ses frais pour venir (essence, autoroute et inscription, environ 100 €). Être accueillis dans un village qui pue la pisse et dont les mouches sont plus nombreuses que les clients. Ne pas éveiller le moindre intérêt de la part des organisateurs. Ne profiter d’aucune communication pour faire venir le lecteur. Voir un village désert en Provence au mois de juillet !
Messieurs les organisateurs et monsieur le maire de Corignac, je ne vous félicite ni ne vous remercie !
Lorsque j’invite quelqu’un, je nettoie ma maison, je m’assure qu’il passe un moment agréable et, surtout, je m’arrange que le but du déplacement soit atteint.
Pour info, si la journée a commencé dans l’odeur de pisse, elle a fini avec car les cartons s’en sont imprégnés. 21 h 30, retour à la case départ, il faut d’urgence ranger les livres avant qu’ils ne prennent l’odeur. La moquette de ma voiture en est déjà chargée, j’en ai encore pour quelques jours, ma famille appréciera. 22 heures, enfin je suis chez moi, cela fait 17 heures que je suis debout...
Oui, c’est promis, je reviendrai, mais en octobre, avec l’autre association, pour un vrai salon de la petite édition.
Mais en juillet, si c’est pour servir de prétexte à une date culturelle supplémentaire sur le calendrier annuel municipal, pas question. Autant prévenir ceux qui risqueraient de s’y laisser prendre.
On compte en France de plus en plus de cas similaires.
Les municipalités cherchent à créer des événements pour attirer le touriste. Ce qu’elles oublient, c’est qu’un salon du livre est un RV entre les auteurs et les lecteurs, ce ne sont pas des palettes de yaourts qu’on aligne sur un trottoir sans éveiller le moindre intérêt littéraire.
Il y a eu les premiers vide-greniers, maintenant il y en a partout.
Aujourd’hui, chacun veut son "salon du livre", un bien grand mot pour des gens qui ne savent pas ce que c’est.
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