Coup de colère de Servier contre Le Monde dans l’affaire du Mediator
Coup de tonnerre sur les ondes. Lucy Vincent, la porte-parole officielle de Servier a levé la voix sur le plateau de BFM TV contre le journal Le Monde, dénonçant des pratiques pour le moins « limites » du quotidien.
Le scoop
Dans son article à la Une du Monde du 12 mai, Paul Benkimoun a révélé un « scoop » qui s’est ensuite propagé à toute allure dans la presse. Des documents internes de Servier datant de 1993 montrent que « Servier savait depuis 1995 ! »
« Le laboratoire Servier ne pouvait donc ignorer, au moins depuis 1995, que le Mediator pouvait être suspecté de produire lui aussi des effets secondaires graves. »
Effectivement, de telles révélations entraient en totale contradiction avec les dires de la firme et mettaient à mal sa défense.
Oui mais...
Selon Lucy Vincent, le document interne que s'est procuré le Monde montre simplement que Servier savait que le Mediator était métabolisé en norfenfluramine, un composé qui ne sera identifié comme toxique que plusieurs années plus tard.
Rien d’autre.
Le scoop du Monde tombe à plat lorsque Lucy Vincent explique que ces données étaient publiques depuis ... 1971. Un scoop sur des données publiques de 40 ans !
Et c'est ensuite toute la presse qui a repris en coeur, sans la moindre vérification, les dires du Monde.
Puis la classe politique et les avocats...
Des éléments qui accréditent l'accusation de " tromperie " pour le député socialiste Gérard Bapt comme pour l'avocat de victimes, Me Charles-Joseph Oudin.
Un article trop court
Plus grave, le journaliste explique certes que le Centre régional de pharmacovigilance de Besançon a été chargé en 1995 et 1998 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) d'instruire le dossier Mediator mais omet de signaler sa conclusion : pas de problème identifié avec le Mediator.
Pourquoi une telle omission ? Aux dires mêmes de l’auteur de l’article (voir vidéo) :... par manque de place !
Par manque de place...
Du grand journalisme !
Les aveux d'Irène Frachon
Lucy Vincent lit ensuite à haute voix une publication signée d’Irène Frachon, la pneumologue de Brest qui a attiré l’attention sur les dangers du Mediator et qui a dénoncé le comportement de Servier. Dans cette publication scientifique, Irène Frachon affirme en mars 2009 qu’à ce jour, contrairement à Isoméride et Pondéral, le Mediator n'a pas été associé à la survenue d'effets secondaires cardiaques plus fréquents.
"In contrast to fenfluramine and dexfenfluramine, to date, benfluorex has not been reported to be associated with frequent cardiovascular side-effects."
En d'autres termes, nous apprenons que celle par qui le scandale du Mediator est arrivé et qui reproche à Servier d'avoir commercialisé en toute connaissance de cause pendant plus de 30 ans un produit dangereux, a signé un article scientifique dans une publication internationale (certes en anglais) dans lequel elle reconnait clairement que jusqu'en 2009, le Mediator n'a pas été associé à la survenue d'effets cardiaques plus fréquents !
Il était là le scoop !
La publication originale est disponible ici.
Fenfluramine-like cardiovascular side-effects of benfluorex.
Boutet K, Frachon I, Jobic Y, Gut-Gobert C, Leroyer C, Carlhant-Kowalski D, Sitbon O, Simonneau G, Humbert M.
Eur Respir J. 2009 Mar ;33(3):684-8.
Sensationnalisme, omissions douteuses, des méthodes inhabituelles pour un grand quotidien comme Le Monde.
Quelle sera la réponse du quotidien face à ces accusations étayées ? Attaquera-t-il Servier pour diffamation, publiera-t-il un correctif ou enterrera-t-il l'affaire ?
La reprise tel quel de ces données, sans vérification, par les autres journaux sème un doute sur leur objectivité dans cette affaire qui mérite pourtant d’être traitée avec plus de sérieux.
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