Courage, ne renonçons pas !
Réponse aux 21 qui veulent liquider la gauche française.
Alors que le fronde des parlementaires et des militants socialistes s’intensifie pour demander « une autre politique », une poignée de députés, 21 exactement, publie une tribune dans le Journal du Dimanche, intitulée "Courage, avançons !", pour soutenir le programme de « stabilité » du gouvernement et les 50 milliards d’euros d’économie qu’il constitue, pour financer le pacte de responsabilité. « Courage, avançons ! » nous disent-ils. « Avançons sur la voie de la réduction massive des dépenses publiques » faut-il entendre. Où est le courage ?
Sourds et aveugles.
N’entendent-ils rien ces 21 députés de la débâcle historique qu’a subi la gauche, et plus particulièrement les socialistes, lors des dernières élections municipales ? N’entendent-ils pas l’avertissement que nous a adressé notre électorat qui, lucide, constate une distance grandissante entre ses aspirations du mois de mai 2012, les engagements de François Hollande et les orientations politiques du gouvernement actuel. Ce que les français veulent ce n’est pas plus « de la clarté » ou de pédagogie. Ils comprennent parfaitement les réformes. Ce qu’ils veulent, ce n’est pas « que les efforts soient justement répartis et utiles » comme l’écrivent les 21 partisans du gel des prestations sociales et du point d’indice de la fonction publique. Ce qu’ils veulent c’est que le président de la République, et sa majorité, soient fidèles au mandat qui leur a été confié : une promesse de changement, de justice sociale et de progrès. Rompre avec cette promesse, c’est nourrir la résignation dans notre camp et prendre le risque d’éloigner durablement notre électorat de la gauche et du processus démocratique.
Ne voient-ils rien ces députés de l’impasse sociale et économique dans laquelle nous précipite l’orientation austéritaire du gouvernement emmené par Manuel Valls ? Ne voient-ils pas que partout où le dogme de l’équilibre des comptes publics a été érigé comme boussole politique, comme un horizon indépassable, s’en est suivi de profondes souffrances sociales, et une dégradation sans précédent de la situation économique ?
Ne voient-ils pas que dans un contexte de faible croissance et de quasi-déflation, une politique de réduction des cotisations sociales est inutile et dangereuse et ne permettra pas un inversement massif et durable de la courbe du chômage ? C’est en grande partie l’affaiblissement de la demande intérieure européenne, prise en ciseau entre les politiques de modération salariale, de hausses d’impôts et de baisse de la dépense publique, qui contribue à faire fondre les marges des entreprises, notamment françaises. N’entendent-ils pas les déclarations de Paul Krugman, prix Nobel d’économie qui exhorte la gauche européenne à initier une politique de relance économique pour endiguer la progression du chômage.
Vous avez dit courage ?
« Nous ne pouvons plus reculer » écrivent en cœur ces enfants de Thatcher pour se justifier, recyclant, avec une application touchante, le « There is no alternative » de leur maître. Mais où étaient-ils ces 21 députés lorsqu’à la tribune du Bourget, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, déclarait : « Il n'y a jamais, je dis bien jamais, une seule politique possible, quelle que soit la gravité de la situation ». C’est précisément parce qu’ils savent que cette feuille de route austéritaire n’est, ni naturelle, ni majoritaire à gauche qu’ils tentent de l’ériger comme une vérité indépassable.
Et comme pour rendre un peu plus inéluctable leur récitation de catéchisme, ils prennent soin d’invoquer la nécessaire discipline européenne. « Nous nous sommes engagé vis-à-vis de la Commission européenne » écrivent-ils pour justifier le plus grand plan d’austérité de la Ve République. Fin de l’histoire ?
Non, car le courage ce n’est pas d’être le bon élève, au premier rang des exigences libérales des technocrates européens. Le courage ce n’est pas de liquider les protections sociales « trop lourdes » ou les services publics « trop coûteux » pour satisfaire quelques agences de notation abritées dans de prestigieux immeubles New-Yorkais mais dépourvues de toute légitimité démocratique.
Le courage, ce n’est pas d’accepter servilement les contraintes, mais se donner les moyens de les dépasser en remettant en cause les fondements d’un système à bout de souffle tant économiquement que socialement et écologiquement.
Le courage, ce n’est pas de subir, mais de construire un rapport de force européen suffisant pour sortir de la sottise du constitutionalisme économique qui cloisonne la gauche dans un carcan austéritare au détriment de la relance, du soutien à la consommation et à l’investissement et donc de la baisse de la courbe du chômage.
Le courage, ce n’est pas de diviser la gauche et la majorité parlementaire en promettant du sang et des larmes aux salariés, mais de rassembler toutes les sensibilités de notre famille politique en restant fidèle aux aspirations de ceux qui nous ont porté au pouvoir. C’est là que bat le cœur d’une confiance renouvelée.
Le courage c’est François Mitterrand qui déclarait à Carmaux en hommage à Jean Jaurès : "Libre, à l'égard des forces de l'argent, que je défie, le regard clair"
Le courage, ce n’est pas vous.
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