Court entretien avec une militante distribuant des tracts pour Macron
Vous connaissez déjà largement les débats qui sévissent en cet entre-deux tours, et je ne compte pas y ajouter ma contribution. Je ne compte d'ailleurs convaincre personne de voter blanc ou non. Pour moi, le vote blanc se présente comme une évidence. Toute autre alternative ne m'inspire que dégoût. Et pourtant, il me faut bien continuer à circuler dans l'espace public et souffrir de cette campagne électorale qui ose me prendre, non pas pour un imbécile, mais pour beaucoup plus misérable encore. Tous les mots qui me viennent à l'esprit sont trop légers alors autant me servir d'une image. J'ai l'impression que l'on cherche à m'entasser dans un train bondé pour me faire parvenir à un camp d'extermination moderne. Au moins, en temps de guerre, on vous faisait grâce à cette occasion d'exiger un sourire ! Mais le progrès a atteint aujourd'hui ce niveau de cynisme.
Sans doute Macron pense ainsi le salut pour notre France occupée par la finance : pour un million de travailleurs français volontaires dans nos camps, nous rendrons à la France un milliardaire exilé ! Même dans une France occupée et totalement soumise dans les années 40, on ne négligeait pas la propagande.
Sur le marché, ma route croise une militante de Macron distribuant ses tracts. A ce moment je me suis dit : « Certes, tu détestes du plus profond de toi-même les idées véhiculées par ce triste sire, mais tu sais par ailleurs qu'il existera toujours sur notre planète des individus de ce genre et d'autres pour le soutenir, car ils en retirent un profit si considérable qu'il mérite d'en oublier toutes les conséquences. Il s'agit d'une attitude qui existera toujours, et il faut la combattre vaillamment et inlassablement, voilà tout. Il s'agit du mal sur Terre, Mal personnifié en somme, rusé, tentateur, attaché au bien matériel et au pouvoir d'achat, existant manifestement en chair et en os et non seulement dans l'imagination de mystiques religieux autoproclamés. Ton rôle, et assume-le fièrement, consiste à combattre ces individus, et cela commence par s'écarter de cette sordide propagande. »
Mais mon pas s'approche d'elle et cette nouvelle idée jaillit en moi : « Mais elle, elle semble manifestement n'être qu'une simple citoyenne comme moi, pourquoi fait-elle cela ? ». Voilà la question qui me fit m'arrêter, et il m'a cru bon de partager le semblant de réponse que j'en ai obtenu avec l'ensemble des lecteurs présents sur ce média citoyen.
Ainsi je m'arrête, et la dame d'un certain âge prit la première la parole. « Votez Macron ! » ou quelque chose comme cela, sans importance. A la vue de mon regard, elle n'avait pas encore osé me tendre son tract mais elle avait pourtant bien senti que je m'étais délibérément approché d'elle.
Je répondis : « Jamais pour un banquier !
- Vous n'allez pas voter blanc, un jeune comme vous ! (c'est drôle, elle a tout de suite compris à raison que je ne voterais pas FN)
- Si.
- Mais c'est ridicule, il n'a travaillé que trois ans dans le secteur financier ! (la militante reconnaît donc cette disgrâce)
- Alors si je vends mon âme au diable pendant seulement trois ans, je peux espérer en être rapidement pardonné ? Si je commets un crime, est-ce si simplement réversible ?
- Mais c'est ridicule, il faut bien faire de la finance, il faut de la diversité !
- De la diversité ? Vous voulez dire qu'il faut de tout par principe. Par exemple, on veut des drogués dans notre pays, n'est-ce pas ? Car il faut de tout ?
- Écoutez, je suis professeur à la retraite, j'ai formé beaucoup de jeunes pour trouver du travail. Avec Macron, il y aura du travail.
- Mais on ne peut tout de même pas fonder la création d'emploi sur la base d'un système d'usure financière !
- Mais il faut bien manger !
- Ah non ! Cela, jamais ! Plutôt mourir que de devenir un financier ! »
Et je suis parti.
Évidemment, ce court dialogue a quelque chose de décousu et il aurait été pertinent de déployer ces concepts de finance, de travail et d'usure. Mais comment ces concepts s'articulent concrètement aujourd'hui, vous le savez tous très bien, et manifestement la militante de Macron également car elle n'a contesté à aucun moment le moindre de mes propos mais attendait seulement de ma part une attitude de soumission face à ces vérités. A aucun moment elle n'a tenté de me convaincre sur un plan rationnel, de me démontrer que j'étais en train de me tromper ! Car cela n'était évidemment pas le cas.
Non, il fallait me forcer à me résoudre à cette conclusion : « Tu te soumettras ou tu mourras ».
Je n'ai pas eu l'honneur de démontrer ma valeur au cours des années 40 en rejoignant à la première heure les résistants au péril de ma vie, dans un pays très largement collaborateur. Le combat actuel paraît beaucoup moins violent, il n'y a pas vraiment de mitraillettes de forces occupantes qui circulent dans la rue. Mais on vous menace de mort quand même, de mort économique, de mourir de faim j'imagine ? Je ne crois pas sincèrement que je sois exposé brutalement à ce type de mort, mais l'étranglement économique peut cela dit véritablement à court terme venir à moi. Cette brutalité-là peut poindre assez rapidement dans ma vie, et j'imagine dans celle de nombreux de mes concitoyens qui eux aussi font face à ce chantage à la survie.
Ma réponse est définitive. Je suis prêt à vivre dans la plus grande misère et ce jusqu'à la fin de ma vie pour ne jamais devenir un collaborateur de cette abjection. Et s'il faut mourir, il en sera ainsi.
Si vous vous affirmez être aussi des dissidents, ou devrions-nous dire aujourd'hui des résistants, je crois que vous avez la même résolution que moi.
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