Covid-19, The Lancet, Véran, HCSP, ANSM, décrets, Conseil d’État, loi… Alors, dans les faits, l’hydroxychloroquine interdite ou pas ?
Revue de presse/web.

Flash info.
Vendredi 29 mai 2020, un titre de La Croix interpelle : « Chloroquine : interdite mais toujours prescrite »[1]. Sur beaucoup de sujets on pourrait se demander si tout n’est pas fait pour embrouiller sur fond d’habillage officiel[2]. Le c… serait-il celui qui respecterait les consignes ? On peut s’interroger.
L’article cité se positionne dans la foulée de l’étude publiée dans The Lancet le 22 mai 2020 sur l’hydroxychloroquine ou la chloroquine dans le traitement du Covid-19[*][3][4][5][6]. Suite à cette étude Olivier Véran a saisi le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) en moins de 24 h[3]. Très rapidement les décisions s’enchaînent : « Le gouvernement a abrogé mercredi les dispositions dérogatoires autorisant la prescription de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 à l'hôpital en France »[7]. « l'Agence du médicament (ANSM) a annoncé avoir "lancé" la procédure de suspension "par précaution" des essais cliniques évaluant l'hydroxychloroquine chez les patients atteints de Covid-19 » [7]. Même « le CHU d'Angers suspend son étude sur la chloroquine »[8]. Pourtant cette étude (Hycovid) avait été lancée « afin de "clore le débat" sur l'efficacité d'un dérivé de la chloroquine » [8]. Tout serait devenu à ce point dangereux en l’espace de quelques jours, pour une molécule utilisée depuis des dizaines d’années par des millions pour ne pas dire des milliards de personnes ? On peut trouver bien étrange qu’une étude « "aux standards scientifiques et méthodologiques les plus élevés" » [8] soit suspendue aussi promptement.
L’étude parue dans The Lancet a été très rapidement critiquée[3][9]. Durant la semaine, en quelques jours seulement, concernant cette étude on peut lire : « des scientifiques demandent l'accès aux données »[10], il y a des « inquiétudes »[11], elle est « largement critiquée »[12]… Les critiques en effet se multiplient[13][14][15][16], les lettres ouvertes rassemblant des dizaines voire des centaines de médecins à travers le monde apparaissent[17][18][19][20]…
Revenons à l’article paru le 29 mai 2020[1]. Un paragraphe intrigue : « Depuis le 27 mai, le recours à l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19 est interdit par le ministère de la Santé. Dans les faits toutefois, les médecins pourront continuer à délivrer des ordonnances, au nom de leur liberté de prescription. ». Il est précisé : « Le code de la santé publique, dans son article 8, indique en effet que « le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. » ». De ce fait, « tant que les molécules prescrites bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) », même pour une autre indication, « un médecin peut les prescrire, y compris hors de cette indication ». Dans ce cas, le médecin peut le faire moyennant certaines conditions et engage alors sa responsabilité. L’article conclut fort pertinemment : « Si elle n’est pas contraignante, quelle est alors l’utilité de cette décision du ministère de la Santé ? Unanimement, les professionnels estiment qu’il s’agit d’une manière de « déresponsabiliser l’État » » [1]. En période d’urgence sanitaire, serait-ce la priorité ?
Cette concession exprimée à l’interdiction de prescrire, présentée ainsi, semble tellement évidente. Toutefois il faut remarquer que la liberté de prescription n’a pas été souvent rappelée en ces termes depuis fin mars, concernant les décrets relatifs à l’interdiction de la prescription de l’hydroxychloroquine, en médecine de ville hors AMM[21]…
À ce sujet, une « requête en référé suspension » avait été déposée au Conseil d’État par Maître Krikorian[22][23][24]. Au passage, récemment on se souvient avoir lu : « Yves Lévy, scientifique et époux d’Agnès Buzyn, quitte le Conseil d’État »[25]. Concernant le Conseil d’État, Paul Cassia (Professeur des Universités en droit) annonçait la couleur en écrivant : « le Conseil d’Etat est un organe de labellisation juridictionnelle des décisions prises par le Premier ministre, lui-même membre de cette institution. »[26].
Une analyse des décrets parus fin mars concernant l’hydroxychloroquine a été présentée par Marcel Monin (Maître de conférences honoraire des Universités - Docteur d’État en droit)[27]. Dans son article il s’interroge sur l’habileté des rédacteurs de ces décrets. Il invoque les « dispositions de l’article L 5121-12-1 » du code de santé publique. Marcel Monin écrit qu’il n’est « pas nécessaire de déroger en quoi que ce soit à quoi que ce soit. Les médecins (TOUS les médecins) tiennent l’autorisation de prescrire une spécialité pharmaceutique non conforme à son AMM, directement de la loi elle-même. ». On comprend que les décrets publiés fin mars peuvent être vus comme « une dérogation à une loi » mais que « la loi ne prévoit pas qu’il puisse être dérogé à la loi par une simple mesure de nature réglementaire ». Que penser ?
La décision du Conseil d’État du 22 avril 2020 concernant la requête de Maître Krikorian est passée assez discrètement dans la presse et sur le web[22][23][24]. Des lectures différentes peuvent être trouvées[23][24][28].
La requête a été rejetée[29]. Toutefois, dans la rédaction même du rejet, Maître Krikorian voit le rétablissement pour les « médecins [de] leur droit de prescription, et ce à travers l’exposé des motifs. ». Ces motifs semblent rappeler l’article L 5121-12-1 cité ci-dessus. Il semblerait que : « « L'objet du litige se déplace, donc, du terrain de la légalité vers celui de la responsabilité, ce qui paraît cohérent, puisque c'est en conscience et responsabilité que le législateur demande au médecin de prescrire la spécialité pharmaceutique dans une autre indication que celle retenue pour la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché » précise Maître Krikorian. Un autre conflit pourra ainsi se déplacer entre la prescription du médecin et le refus de dispensation du pharmacien. Cela pourra se résoudre par l'intervention de leurs ordres respectifs. » [23].
La liberté de prescription malgré les décrets, telle que rappelée le 29 mai 2020[1], est bel et bien d’actualité depuis fin mars. Avec quel écho médiatique ?
Le sujet de conflits potentiels entre la liberté de prescrire et le refus de dispensation de la part du pharmacien semblerait bien réel. Concernant la prescription d’azithromycine dans le traitement du Covid-19, on pouvait lire dans les commentaires d’une récente contribution[22][30][31][32] : « « […] On attend la suite. Interdiction de prescrire de l'azithromycine et aux pharmaciens d'en délivrer ? » […] « Malheureusement c’est ce qui risque d’arriver. » […] « J'ai rencontré le problème suivant : les pharmacies me rappellent pour me dire qu'elles n'ont pas le droit de délivrer l'azithromycine au-delà des durées définies dans l'AMM, donc 5 jours » ». Pharmaciens contre médecins ? Serait-ce cela l’union nationale ?
Des joutes législatives qui traînent en longueur, des décrets qui ne seraient pas contraignants, de maigres éclaircissements médiatiques, des décisions prises en quelques jours… Tout ceci semble bien louche. On pourrait y voir un étrange usage des décrets et du Journal Officiel.
« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » ?
Fin de communication.
[*] Prescription du genre masculin au covid[2b]. En attente d’un décret d’interdiction par l’Académie française ?
Précédentes tribunes :
Covid-19 : et si la France faisait confiance à ses généralistes ?
Covid-19 : que penser des essais cliniques avec groupe placebo en période d’épidémie ?
Marre d’avoir peur du Covid-19
[2] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/covid-19-puisqu-il-n-y-a-jamais-eu-224707
[2b] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-covid-ou-la-covid-trois-mois-224674
[3] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/hydroxychloroquine-une-etude-224659
[4] https://stopcovid19.today/
[5] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31180-6/fulltext
[6] https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931180-6
[9] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/hydroxychloroquine-le-grand-224648
[13] https://stopcovid19.today/2020/05/26/des-conflits-dinteret-pour-loms/
[14] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ces-sept-petits-details-qui-tuent-224731
[16] https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/etude-anti-chloroquine-science-ou-224773
[18] https://zenodo.org/record/3862789#.XtF_gsDgr_X
[21] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/decret-rivotril-compassion-223015
[22] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-traitement-precoce-du-covid-19-224377
[27] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-mauvais-coups-de-l-223970
[29] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000041820848
[30] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-azithromycine-aurait-un-role-224216
38 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON