CPE : sans fleurs ni couronnes
« Gouverner, c’est prévoir », disait Georges Pompidou. Jacques Chirac,
qui a commencé sa carrière avec lui en 1967, aurait été bien inspiré de
s’en faire une raison d’Etat. Après plus de douze semaines de
cafouillages, et d’embrouilles, l’aventure du CPE se solde par cette sentence : « Quel gâchis ! » Sur ce point, François Bayrou résume bien l’opinion générale.
L’ergotage de deux coqs dans leur basse-cour électorale, mus par un ego démesuré, a pris l’avenir de la jeunesse en otage, et amené le pays au bord d’une crise de régime. Pour Dominique de Villepin, le contrat première embauche était moins une réforme qu’un viatique destiné à assurer sa suprématie sur son ministre de l’Intérieur. Finalement, il se sera révélé le plus sûr moyen d’assurer le tremplin de Nicolas Sarkozy pour porter les couleurs de l’UMP à la prochaine présidentielle.
Si les jeux personnels ont été sanctionnés, le Waterloo du Premier ministre célèbre, également, la victoire de l’unité syndicale et des partis d’opposition.
Pour autant, la dynamique créée en sa faveur n’emporte pas la certitude d’une victoire de la gauche en 2007. Il lui reste à montrer sa capacité à maintenir une nécessaire union autour d’un projet clairement alternatif à celui soutenu par la droite. Plus que jamais, l’heure de sa crédibilité a sonné, face à un électorat dubitatif devant sa capacité à proposer, et à mettre en oeuvre les mutations devenues aussi indispensables qu’urgentes. Dans un sondage LH2, paru lundi dans Libération, 63 % des personnes interrogées considèrent qu’en matière de chômage des jeunes, « la gauche n’a pas de meilleures idées à proposer que la droite. »
Par une alchimie perverse, en célébrant les vertus intangibles de la loi, pour la défaire dans la seconde suivante, en déléguant les prérogatives du gouvernement à sa majorité, et à son parti dominant, au nom duquel une proposition de loi modificative est présentée aujourd’hui à l’Assemblée nationale, en enjoignant les parlementaires à renier ce qu’ils ont défendu, et approuvé, il y a quelques semaines, le président de la République englue notre Constitution dans une bouillie institutionnelle qui jette le discrédit sur tout le personnel politique. Le président de l’UMP ne s’y est pas trompé en essayant dans une interview, sans cesse reportée, du Figaro, de sauver les meubles, à son unique profit.
Les multiples prétendants socialistes à la candidature devraient y songer sérieusement, car il n’est pas démontré qu’il suffise d’être animé d’un désir d’avenir pour emporter les suffrages.
Pendant ce temps-là, Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers engrangent les adhésions, et au bout du compte, c’est bien la démocratie qui risque de sortir perdante des urnes.
La précarité des moins de 25 ans reste, elle, toujours à endiguer. L’homme n’existe que par son projet. Nos hommes (et femmes) politiques seraient bien inspirés de relire Sartre.
Photo : AFP
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON