L’Assemblée nationale s’apprête à discuter du projet de loi dit « Création et Internet » après que le Sénat l’eut adopté en première lecture (y compris avec l’appui des sénateurs socialistes).
L’état actuel de ce projet appelle plusieurs remarques de bon sens.
Tout d’abord la procédure adoptée, l’urgence déclarée par le gouvernement qui induit une seule lecture par les deux chambres. Cette majorité nous avait déjà fait le coup avec la non moins célèbre « loi DADVSI » dont on sait aujourd’hui ce qu’il en est advenue : Rien.
Nous attendons tous encore le rapport d’évaluation de l’application de ce texte que devait nous faire le Ministère de la culture, il aurait pu éclairer le présent débat sur la « riposte dite graduée » à l’encontre des pirates.
Sur cette question si difficile qui devrait traiter prioritairement de « la création, quel avenir à l’ère du numérique ? » il eût été pour le moins précieux d’y passer un peu de temps entre parlementaires et de précéder cette action d’une concertation digne de ce nom. Et ce n’est certainement pas la mission Olivennes et les fameux accords dits de « l’Elysée » qui peuvent être considérés comme tel tant ce travail a été mené « à l’arrache » dans un temps record, faisant fi de toutes les parties qui ne se reconnaissaient pas dans une feuille de route trop marquée par l’ingérence des industriels de la musique et de l’audiovisuel.
Rappelons au passage que la loi de 1985 dite « loi Lang » sur l’instauration des droits voisins au droits d’auteurs et qui a mis en place le dispositif de la copie privée, pour faire face au « piratage » de l’époque : les cassettes « son » et les cassettes « VHS » pour l’audiovisuel, a nécessité deux années de concertation, des allers retours entre les deux chambres pendant une année, pour aboutir à une adoption à l’unanimité soutenue par l’ensemble des acteurs de la filière.
Il est donc bien nécessaire d’insister fortement sur cet aspect à un moment où la violence de l’évolution technologiques bouleverse à ce point les circuits économiques mais aussi les pratiques des usagers et laissent les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs dans un embarras total.
L’Internet est devenu une sorte « d’écosystème technologique » qu’il convient d’étudier attentivement plutôt que d’y attenter violement comme le gouvernement s’apprête à le faire.
Les discussions déjà engagées sur ces questions traversent toutes les composantes de la société par delà les clivages traditionnels et plus particulièrement celui de la droite et de la gauche.
Comme au bon temps de la loi DADVSI Jack Lang vient de prendre position en faveur de la loi Création et Internet alors que l’ensemble du groupe socialiste s’apprête à livrer bataille y compris avec quelques parlementaires UMP.
Outre l’urgence qui n’est pas bonne conseillère, mais nous sommes sous une présidence « pressée », l’intitulé du texte est choquant intellectuellement.
Rappelons pour la petite histoire qu’il devait s’intituler HADOPI (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), et c’était bien le mot code employé par les uns et les autres. Mais la Ministre de la Culture trouvant cette appellation bien barbare et trop technique a décidé d’introduire de l’élégance en la rebaptisant « Création et Internet ».
Mais il y a de toute évidence tromperie sur la marchandise.
Où est-il question dans ce texte de la Création ? Aux dires mêmes de Madame Albanel « l’accord prévoit la mise en place d’une autorité administrative indépendante qui sera chargée de prévenir et en cas de multiples réitérations après avertissement, de sanctionner le piratage des films et de la musique sur Internet ».
Ce texte et les propos qui l’accompagnent eussent été bien utiles il y a sept ou huit ans, au moment de l’émergence de l’Internet dans les foyers (aujourd’hui ce sont 17,1 millions d’accès à Internet en haut débit qui existent dans l’hexagone), cette pédagogie aurait sans doute eu un impact et aurait peut être pu mieux orienter les usages naissants.
Je passe très vite sur les critiques formulées ici et là sur le problème que l’on substitue à l’autorité judicaire une autorité administrative (les parlementaires européens sont vent debout contre cette idée), que la suspension de l’accès à Internet s’oppose à une impossibilité technique de ne pas être en mesure de couper en même temps le téléphone et l’accès aux chaines de télévisons, les coûts faramineux engendrés par cet texte : 7 millions d’euros pour la mise en route de l’HADOPI à la charge du Ministère de la culture et 10 millions d’euros au bas mot pour les FAI afin qu’il se mettent techniquement en position d’en adopter les dispositions de suspensions, sans compter les frais à la charge des sociétés civiles (‘SACEM, SACD SCAM etc..) qui devront traquer les contrevenants sur les réseaux.. Les aspects liberticides consistant à établir des fichiers de contrevenants, l’idée farfelue du rapporteur de proposer dans un amendement d’agir sur les moteurs de recherche pour favoriser la montée en première ligne des sites de ventes légales etc….la liste est longue des « errances intellectuelles » que ce texte suscite.
Mais enfin aujourd’hui c’est le problème de la rémunération des acteurs de la filière qui se pose au regard des usages irréversibles des consommateurs via Internet. Même la SACEM par la bouche de son président et de son Directeur Général Bernard Miyet a réclamé lors du dernier Midem (en janvier) une contribution des FAI (Fournisseur d’accès) en compensation de pertes occasionnées par ces nouveaux usages.
Sachant que la propension connue à payer des consommateurs pour accéder librement aux œuvres sur Internet est de 7 euros, si ce principe était adopté cela représenterait un milliard quatre cent millions d’euros par an (pour mémoire le chiffre d’affaire de l’industrie du disque est tombé à 606 millions d’euros en 2008)
Et surtout quel aveuglement sur la réalité du terrain, les jeunes (et moins jeunes) adeptes du piratage sont passés à autre chose : le streaming (lecture directe dans un navigateur web), à savoir l’accès en direct à toute la musique (Deezer) mais aussi aux films et séries américaines via des sites qui se sont multipliés ces derniers mois et qui les proposent en streaming : (http://maxiseriestv.over-blog.com/). De l’univers physique des supports nous sommes passés à un univers des fluides.
S’il y avait urgence c’était bien de reconsidérer les éléments du puzzle infernal qu’est devenue la propriété intellectuelle dans l’ère numérique...
Pour une fois des Assises Nationales et régionales sur cette question précédant l’élaboration d’une grande loi qui pourrait s’appeler « La Création à l’ère numérique » auraient sans aucun doute répondu aux aspirations des uns et des autres. Les intérêts de ceux-ci sont suffisamment contradictoires à l’ère actuelle pour justifier une mise à plat générale.
Cette concertation se doit d’être attentive à toutes les parties y compris celles qui dérangent le plus en provenance du monde des consommateurs, des audionautes : la quadrature du cercle, ou des personnalités reconnues comme Philipe Aigrain, des juristes comme Gilles Werken, Olivier Iteanu ou certains professeurs de droits comme Jean Martin, des auteurs comme Marc Le Glatin (Un séisme dans la culture, Editions de l’Attribut, 2007), Alba Martin (L’äge de peer, édition Village mondial, 2006) doivent être entendus et écoutés.
Des sociétés comme l’Adami ou la Spedidam qui représentent la totalité des artistes interprètes : comédiens, musiciens, chanteurs, soliste de la musique doivent pouvoir faire entendre leur voix au delà des « artistes de renom » car ils représentent une population qui fait la culture au jour le jour.
C’est l’appel un peu solennel que je lance à Madame Albanel qui ne saurait rester insensible à la situation de plus en plus précaire des artistes, dont les revenus s’étiolent au fil du temps.
Madame la Ministre, au nom de vos responsabilités, de l’héritage qu’André Malraux nous a laissé il y a juste 50 ans prenez l’initiative de lancer cette négociation, ce Grenelle de l’économie numérique sous formes d’Assises régionales, puis nationales.
En son temps et sous d’autres autorités politiques, Bernard Kouchner avait utilement fonctionné de cette manière pour préparer sa grande loi sur le statut des malades à l’hôpital.
Sur cette initiative, si celle-ci n’y censure aucune voix, vous trouverez l’appui et le respect de tous.
Lire particulièrement le dernier numéro de la revue « Terminal, technologie de l’information, culture et société » sur le thème de la propriété intellectuelle emportée par le numérique ?
Cet article est très complet. Devant l’ignorance de beaucoup d’acteurs politiques il fallait bien ça.
Je vais me concentrer sur la musique parce que c’est ce que je connais de mieux
Aujourd’hui, on peu trouver sur des sites de musique en streaming une qualité de son bien supérieure au MP3 classique, qui parfois même égale celle des disques traditionnels (je pense à Jiwa notamment)...dans ce cas là, pourquoi déplorer une crise du disque alors qu’il y a de réels nouveaux débouchés offerts par internet. Si cette loi passe, ces nouveaux débouchés vont considérablement être restreints. Il ne faut pas limiter l’accès à internet. La tendance naturelle s’oriente vers de plus en plus de légalité sans pour autant faire payer les consommateurs.
Je me dis de plus en plus qu’il serait injuste de faire payer le consommateur. Internet est un média, tout comme la télé est un média. Or on ne paye pas la télé, ou du moins infiniment peu...dès lors pourquoi faire payer le consommateur qui veut écouter de la musique sur internet : un modèle économique est tout trouvé, comme pour la télé ou la radio, c’est la publicité qui est amenée a subventionner des sites comme Deezer et Jiwa. J’irais même jusqu’à transposer le modèle de la télé bien plus loin : aujourd’hui, si l’offre des chaînes TNT ne suffit pas, on peu toujours payer en plus pour regarder d’autres chaines. De même, les sites de musique en streaming pourront faire payer plus pour offrir une offre plus large et de meilleure qualité.
Cependant, si cette loi passe de telle sites ne pourront jamais aller jusque là
Merci pour ce coup de pouce qui va dans le même sens. Le pire dans cette majorité là est bien le fait que la concertation se limite toujours à ceux qui vont dans le sens gouvernemental, à savoir ceux qui justement ont "inspirè" la politique gouvernementale.
Arggg... j’ai trop de liens qui montrent l’abération et ce besoin de muselage et de contrôle du net qui FAIT PEUR.
Peur aux exploitants de la bétise humaine et ceci dans DEUX domaines que sont l’économie et la politique.
Lisez juste ce petit rapport d’une commission de l’Assemblée Nationale. Instructif à TOUT point de vue. Car il montre déjà que vouloir CERNER le net est une tâche plus que difficile.
La conclusion est particulièrement judicieuse. Elle regroupe la différence de vue entre intéressé et désintéressé. Ca vaut de l’or. http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i2891.asp
Hé oui, un exploitant économique est comme un politique : un média dont il n’a pas le contrôle lui fait peur.
Je sais maintenant pouvoir faire confiance à des collègues ingénieurs spécialisés en informatique.
Lorsque le dispositif qui va NOUS coûter 90 millions d’euros sur 3 ans (ALORS QU’IL DEFEND LES REVENUS DES "PRODUCTEURS") aura été piraté, nous irons mieux dans la démocratie.
Et nous éviterons aussi de payer pour ces vautours américains de l’informatique.
PAR AILLEURS : Ne confondons pas pirates de l’exploitation économique et Corsaires des Droits de l’Homme.
Pour rappel : depuis le début de la prise en compte du net dans la diffision de l’information, les droits d’auteur sont passés d’une durée de 50 ans A 70 ANS et MAINTENANT A 90 ANS
Je ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne choisis pas plutôt de rendre légal le téléchargement.
Après tout, cela n’as rien de dangereux, non ?
Au lieu de vendre uniquement les oeuvres sur des supports, en quoi cela est-il dommagable de les proposer aussi en téléchargement ? Bon, vous me direz, on n’auras plus la boite avec, mais bon...
Je suis d’avis que tout devrais être téléchargeable à volonté. Films, musiques, jeux, livres...cela se fait déjà, mais on devrait généraliser cette pratique. Cela ne rapporterait-il pas plus aux majors qui se plaignent des "pirates" ?
Nous vivons dans une société en pleine mutation.
Les idées, les créations ne procèdent plus de la même manière qu’avant.
Je confesse que je ne crois pas(plus) en l’idée originale : j’en ai jamais eu.
Par contre, l’échange, la communication au sein de forums, discussions, permet à tout un chacun de "piquer/copier/pirater/compiler" des pensées pré-existantes.
la somme de tout ce brouhaha permet l’émergence d’un consensus, d’une conscience collective qui nous réalimente.
Les droits d’auteur, et en particulier les droits voisins, ne sont plus en adéquation avec cette réalité.
Un exemple : les lettres d’injonction envoyée par les majors aux fansubs.
Il me semblait qu’ils étaient les meilleurs ambassadeurs d’une série, d’un manga, d’un film peu connu.
Je vous assure que plusieurs fansubs avaient bien accueilli l’arrivée de la VOD, et commençaient à débattre d’arrêter leurs activités au profit d’une offre légale (leur mission était remplie).
Quelle déception !
Qualité POURRIE, une offre légale 3 fois plus cher que les DVD, regardables que pendant une durée limitée.
Bien sur, le droit d’auteur et le droit voisin sont contre eux. les dialogues sont la propriété des ayants-droits.
Mais il y a un véritable travail (de très haut niveau) derrière tout ça. le succès même de l’œuvre procède en partie de ce travail.
les modes de création sont en mutation. Passons à la création 2.0 à l’analogie du Web 2.0 !
Vous posez assez justement le problème de l’offre légale dont tout à chacun peut constater qu’elle n’est toujours pas à la hauteur de ce que le public est en droit d’attendre.
Le texte qui va entrer en discussion ne prend pas suffisamment en compte cet aspect qui était pourtant dans les accords de l’Elysée.
Le chemin a parcourir est encore long est compliqué pour apporter une réponse juste et équilibrée aux attentes des ayants droits mais aussi des usagers.
Vous êtes en principe sensé savoir que votre "offre légale" mettrait les producteurs (exploiteurs) en concurrence. CE QU’ILS NE VEULENT SURTOUT PAS !!!!!
World Of Warcraft est un jeu qui utilise pour ses mises à jour le protocole P2P.
Des joueurs (qui auront payés leur licence) seront-ils incriminés ?
Plus grave :
Quelle entreprise peut garantir qu’aucun de ces logiciels métiers, souvent propriétaires, n’utilise pas ce genre de protocole.
Sera-t-elle privée de connexion ?
l’origine sera-t-elle détectée, ou un climat terrible de suspicion ira à l’encontre des employés ?
Imaginez le climat ! qui télécharge et mets en peril l’avenir de la société !
Doit-on ré-évaluer (au besoin ré-écrire) tout ces logiciels ?
Ce projet de loi a été écrit sur une nappe au restaurant ?
Je viens de télécharger quatre différentes interprétations d’un opéra de Mozart. Je ne vois pas pourquoi je devrais payer des droits aux interprètes, ils sont payé, tout comme l’ouvrier anonyme qui fait le travail que son patron lui commande de faire, c’est dans le prix de vente. J’ai aussi le droit de voir sur internet les différentes voitures et de télécharger les modèles sans payer. Pourquoi faudrait aussi payer les photos sous prétexte de droits dits « intellectuels » surtout s’il s’agit d’un chat ou d’un volcan ou la tour Effel. Alors que les bibliothèques mettent à notre disposition des chefs d’œuvres de littératures, même récents, gratuitement.
Si tous ces soi-disant intellectuels, ne veulent pas ce faire copier leurs soi-disant chefs d’œuvres, qu’ils ne les mettent pas en ligne, point barre. Et surtout que l’on arrête de nous parler de « piratage » pour des matériels dont on a déjà payé une taxe, pour copier en toute légalité. Tous le reste n’est qu’escroquerie, de la part des ayant-droits.