Crise Grecque : Michel Onfray prémonitoire...
Il est clair que Tsipras a craqué sous le joug du terrorisme de la troïka (les agents du capital) qui l'ont balayé. Que pouvait-il faire, les banquiers ayant pris le pouvoir depuis longtemps sinon sortir de la monnaie l'Euro ? Il a manqué de clarté dans son message référendaire. Il a mal apprécié la vacuité de sa communication en demandant naïvement si OUI ou NON son gouvernement devait accepter un nouveau plan d'austérité.
Pourquoi a-t-il flanché ? mais il n'a pas flanché à proprement dit. C'est juste qu'il n'a pas été au combat avec les armes nécessaires. Il est intellectuellement victime des dogmes en pré-supposés qui sont régulièrement débités (avec acharnement thérapeutique dans le cas grec) dans le débat sur la sortie de l'euro.
Il a fait de "l'Economie politique" au lieu et place de la "Politique économique".
1- RAPPEL DU SCENARIO
Au préalable (mais Tsipras n'était pas dans cette démarche) il eut été plus judicieux d'associer les électeurs aux conséquences du NON c'est à dire "une probabilité" d'une sortie de la monnaie avec retour à la drachme ; ainsi les gens auraient choisi la voie en toute responsabilité, le peuple choisissant son destin. Et son dessein OUI/NON.
Stratégiquement il n'y avait pas d'autre choix efficient, et Tsipras le savait intimement, et il savait que les autres savaient. Car, demander si on est POUR ou CONTRE une nouvelle austérité... il va de soit que des gens "normaux" déjà appauvris singulièrement depuis 5 ans, un salaire minimum diminué de 30 %, idem pour les pensions de retraites, un chômage supérieur à 25%, plus de 50 % chez les jeunes, un PIB qui s'écroule, une dette de 180 %, les gens ne vont pas dire oui, OK, c'est d'accord MM Merkel et Hollande, ont vous fait confiance "on en remet une p'tite couche". Donc 61 % de NON bien sûr mais ...qu'est ce que cela vaut ?!
Tsipras a rêvé, il a cru que l'euro-groupe aurait peur de son soutien, de son plébiscite populaire. Mais les eurocrates de Bruxelles savaient que cela était seulement démagogique. Eux ce sont des vieux briscards de la politique, trente ans de métier minimum au compteur. Et avec le président des "paradis fiscaux européens" comme président de l'Eurogroupe, monsieur Junker, qui vous étreint dans ses bras, him self dans le rôle principal d'un film d'horreur hors compétition au festival d' Avoriaz. Un vrai cauchemar. Alors ces derniers ont joué l'attaque plutôt que la défense. Les allemands (adoubés par tous les autres gouvernements il faut le rappeler) lui ont dit :
" OK nous on est prêts pour le Grexit, alors... tu dis quoi ?"..
Sauf que lui n'avait pas vraiment les cartes pour tenter de déstabiliser les mandataires de la zone euro. En réalité il a bluffé. Il n'était prêt en rien (les eurocrates savaient que les machines à fabriquer la drachme avaient été démontées depuis des années). Un petit indice : On a TOUS été surpris qu'au soir du succès du NON avec 61%, paradoxalement Varoufakis, lui le battant idéologue, donne sa démission.. Personne ne comprenait cela. Varoufakis savait que Tsipras ne pouvait rien avec ce résultat ; il a dû dire à peu près cela :
"Stop pour moi, fin du match. Si tu n'inclus pas le challenge de la sortie de la monnaie, on le sait, tu ne leur feras "même pas peur" avec ton référendum, ils ont l'émission systémique de la monnaie, les crédits, les taux, l'appui du FMI, ils sont 27 nations, alors que nous, on n'a même pas les cylindres !..il n'y a plus de salles de machines à imprimer, il aurait fallu créer une monnaie intermédiaire et le temps presse dans 48 h c'est cuit, les distributeurs sont déjà à sec"...
Enfin quelque chose comme ça. Alors, peur d'un embrasement ? d'un scénario à la Allende ? le souvenir qu'il avait de la prise de pouvoir par les Colonels fin des années 60 ? Peur d'être isolé sur la scène internationale ? peur d'avoir à d'écrire l'histoire ? Peur d'envoyer le peuple grec au clash ? Lui seul le sait vraiment. Moralité question mal posée donne... C'était trop tard...en réalité c'était déjà joué, les cours de la bourse ré-augmentaient le vendredi soir avant la fameuse nuit du dimanche du 13 juillet. Fin d'une belle histoire. Qui n'a jamais primitivement existé.
2- LE CHOIX ICONOCLASTE
On imagine bien que c'est une responsabilité que de quitter l'Euro ; sauf que si les gens, les citoyens, acceptent le chalenge ils deviennent les acteurs et alors il faut lancer le plan (le véritable B). Il y a nombre d'économistes de renommés qui sont sur cette position, avec des simulations de calculs qui s'appuient sur une relance de l'économie provenant d'une hausse du pouvoir d'achat, une dévaluation compétitive, une dépréciation mécanique de la dette, donc des intérêts. Bien entendu il y avait à mettre en place des mesures de salubrités, celles-ci impopulaires pour le grand capital, et non pour les classes populaires (pour une fois).
Un contrôle des mouvements en devises, des capitaux flottants, une nationalisation des banques et des secteurs clés, les banques devenant un instrument au service de l'Etat et des citoyens. Autre éventualité était de faire un défaut sec pendant une période transitoire (moratoire). Mais ceci suppose une volonté politique. Avec la fonction régalienne de battre monnaie.
C'est ce que font la majorité des Etats dans le monde, et en tout premier lieu, les américains, les anglais, les russes, les chinois. Les chinois tiens...ne sont-ils pas cités comme une "grande puissance économique" malgré une monnaie dont la contre valeur est dérisoire (parité) ? Au contraire, ils en jouent comme un avantage compétitif. Donc ces différents leviers pouvaient êtres des avantages par un changement de paradigme. Il faut choisir sa "clientèle" amigo. Un paradigme légitime si le peuple en donne mandat. En s'appuyant sur un élan populaire et citoyen de la citadelle assiégée avec : un cadastre, une TVA normalisée et respectée, un impôt réquisitionné sur les armateurs et sur le foncier de l'église orthodoxe ainsi que des leviers contraignants contre la fraude fiscale et autres optimisations en exonérations d'impôts locaux ou sectoriels. C'est bien là un exercice démocratique attendu si l'on se réfère au programme annoncé de Syriza de Janvier, non ?
C'est le courage politique minimum, ce qui diffère évidemment du passé. Ce n'est pas en désignant éternellement "la pression de l'Allemagne" les méchants, ou de la B.C.E. sur la Grèce. Si les grecs veulent se prendre en mains ils doivent d'abord compter sur une volonté politique dans l'esprit du CNR à la libération en France. Ainsi Tsipras s'est mis tout seul dans une impasse, sans réel pouvoir de négociation ; même son plan B à lui -qui était une renégociation du montant de la dette- a été royalement rejeté. Rien à voir, circulez ! Dans l'hexagone il y avait Meluch qui piaffait sur le 61 % (un rêve) mais il est lui aussi sur la ligne de Tsipras (ou Iglesias de Podemos) il s'accroche à l'Euro depuis toujours, il est inaudible. Il a pourtant eu le "test" grandeur nature qu'un référendum qui dit NON, après celui de 2005 en France, n'inverse pas un rapport de force. Il ne suffit pas de critiquer l'Allemagne le croque mitaine..
Le diagnostic ne suffit pas : il faut les moyens. Ils ont vérifié "en live" que l'on ne tord pas le bras aux allemands par des référendums, sachant que le Parlement européen est "à droite toutes" avec le PPE majoritaire et pour longtemps. L'Europe à pour matrice le libéralisme et la compétitivité, c'est dans le marbre de l'accord de Lisbonne et du dernier traité budgétaire avec zéro déficit. En France ce n'est ni la droite, ni le PS ni le centre, ni les écolos, ni le FDG, ni même le NPA. qui ont cette volonté économique de revenir au Franc pour prendre le problème à bras le corps. Et on sait que les classes populaires sont dégoûtées par des élections qui ne changent la vie en rien.
Le "changement" ah oui, on l'avait oublié c'est quand déjà ? Celui-ci, s'il a un sens, doit se donner les moyens économiques révolutionnaires -et non pas réformistes- adaptés aux enjeux en renversant ce carcan européen qui étouffe les peuples. "Le changement" ce n'est pas le problème de l'impôt à la source ; si c'est pour continuer sur des exonérations ou laisser la fraude fiscale prospérer. Ce n'est pas en ouvrant des lignes d'autocars ou sept dimanche par an. Ce n'est pas en taxant le l'activité de trading des banques de dépôt jusqu'à..0,5 % des flux. C'est en quittant cette monnaie féodale et sa bureaucratie, ces barons de l'entre soi bruxellois et des lobbys des affaires infiltrés à Strasbourg, qui préparent le TAFTA. Cela commence comme ça.
Le manque de maturité de Tsipras dans cette guerre économique d'aujourd'hui doit servir de leçon à tous les progressistes qui veulent retrouver la souveraineté d'un Etat/nation, libre parce que indépendant et non aligné. Et il faut accepter de casser des oeufs pour faire une omelette. On peut toujours s'en remettre au saint esprit, en ce moment ça redevient à la mode.
Sinon il faudra attendre la catastrophe systémique des marchés qui finira par poindre. Le boulot de nettoyage, le collapse de l'Euro, sera produit par les artificiers eux mêmes, les apprentis sorciers. Beau bordel en perspective.
Voir la vidéo 3 jours avant le référendum
La veille du référendum en Grèce Onfray avait déjà anticipé le scénario ... http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/michel-onfray-face-a-ruth-elkrief-578084.html
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