Crise sanitaire : un pays de plus en plus divisé
A l’heure où la pandémie repart de plus belle avec le variant indien, la vaccination devient un sujet politique qui divise les Français. A tort ou à raison.
Quand la pandémie de Covid-19 a débuté en février 2020, beaucoup ont eu le sentiment qu’elle allait momentanément suspendre les tensions sociales. Pour une fois, notre adversaire n’était plus une émanation de notre humanité – finance déréglée ou idéologie mortifère -, mais une entité naturelle, un agent pathogène balayant toutes les distinctions de nations, de races, de sexes, de générations et de classes. Les scientifiques étaient formels : nous pouvions tous être touchés, même avec des différences individuelles de réaction et de guérison. Ce constat dressé, nous pouvions logiquement espérer, avec ou sans analogie militaire, un élan unanimiste pour le combattre. Une solidarité généralisée aurait pu s’ensuivre dans la société française. Hélas il n’en fut rien et les premières mesures restrictives, que justifiait cette situation exceptionnelle, furent rapidement sujettes à des polémiques politiciennes, souvent mal interprétées et mal suivies dans l’espace public. Ainsi l’obligation du port du masque sanitaire, sans générer les débordements violents qu’on vit aux USA l’an dernier, fut vécue par beaucoup comme une atteinte à la liberté personnelle, au mépris de l’enjeu collectif qu’elle représentait.
Le même phénomène est en train de gagner en puissance depuis l’injonction présidentielle à la vaccination de masse, lundi 12 juillet. Une majorité de Français, moins par choix personnel que par effet grégaire, y est favorable. Elle n’a pas toujours une confiance absolue dans les vaccins proposés mais admet qu’ils sont nécessaires pour enrayer des contaminations reparties à la hausse avec le variant indien. En mettant ses doutes en sourdine, elle espère ainsi pouvoir retrouver des conditions de vie normales – ce qui n’est pas qu’un mince bénéfice. Du reste, ce n’est qu’un vaccin de plus qui s’ajoute à la longue liste de tous ceux qui nous ont été injectés, sans problème particulier, depuis notre plus tendre enfance.
A l’opposé une minorité de nos compatriotes y est résolument hostile et le fait bruyamment savoir. Pour ceux-là, la vaccination obligatoire serait anti-démocratique et d’essence liberticide. Le week-end dernier, lors des manifestations organisées dans les grandes villes françaises, on a vu fleurir des associations – parfaitement caricaturales – avec le nazisme et le statut des Juifs durant l’Occupation. Elles ont été dénoncées par la plupart des partis politiques, à l’exception de la France Insoumise et du Rassemblement National, toujours dans l’opposition systématique à Macron. Comme si tout ce qui venait de l’état était forcément mauvais pour les citoyens. A la limite, on peut comprendre les réticences vis-à-vis du pass sanitaire dans les restaurants et les lieux culturels, car il pourrait constituer un manque à gagner pour des professionnels déjà durement éprouvés par les récents confinements. Mais la grogne des soignants est, en revanche, incompréhensible, tellement la vaccination est nécessaire à l’exercice de leurs activités, à quelque niveau que ce soit. La refuser, quand on est au contact quotidien de malades – donc d’organismes affaiblis - et risquer ainsi de les contaminer, voilà qui est non seulement stupide mais indigne. La métaphore du pompier pyromane s’applique parfaitement à ces réfractaires - à qui on ne peut que conseiller de changer de métier.
Nous ne dirons jamais assez que l’apparition des vaccins a été un facteur décisif dans l’accroissement de la démographie et de la longévité humaine au cours des deux derniers siècles. Et nous devrions bouder ceux contre le Covid-19 au motif qu’ils enrichissent l’industrie pharmaceutique ou qu’ils constituent un moyen de contrôle supplémentaire de l’état sur le citoyen ! A ceux qui colportent ce genre de poncifs, nous dirons volontiers qu’il faut sortir de cette rébellion adolescente et exercer davantage leur faculté de juger. La liberté qu’ils réclament à cor et à cri a toujours été, dans la société moderne, assortie de conditions. L’une d’elles, aujourd’hui, est la sécurité sanitaire pour tous. Et par elle – qui sait ? – nous pourrions retrouver un peu de cette valeur pour laquelle les Français ne manifestent jamais : la fraternité.
Jacques LUCCHESI
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