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Accueil du site > Tribune Libre > Crises et châtiments : une critique du sarkozysme

Crises et châtiments : une critique du sarkozysme

Quand la crise se prolonge et qu’elle nous semble trop complexe pour être dénouée, elle nous rend impuissants. La tentation alors peut être grande de céder à un élan réactif de toute-puissance prétendant tout régler. Par simplisme. Par pragmatisme, dit-on dans la France sarkozyste. C’est alors la vindicte sociale et la désignation de boucs émissaires jugés responsables de toutes les crises : celle du travail, de l’emploi, de l’éducation, des valeurs. Une fois ces « criminels » identifiés, il ne reste plus qu’à leur infliger les peines qu’ils « méritent »... C’est le sens de la loi sur la prévention de la délinquance des mineurs.

Un groupe de travail au sein de l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) s’est réuni fin mars et a formulé un ensemble de critiques et propositions sous le titre « Crises et châtiments, quelle justice pour quels jeunes ? »

Il relève très justement que ce qui pointe aujourd’hui c’est une crise d’ascendance : les adultes ne parviennent plus à assumer leurs devoirs d’ascendants. L’ascendance étant l’autorité mais aussi la transmission des valeurs, la protection. Je dirai que cette crise entache toute autorité de nos jours : non seulement celle des parents mais aussi celle de l’Etat, des religions, des philosophies. Si l’ascendance ne se fait plus, il y a désaffiliation. Or, on voit par exemple que l’Etat est défaillant dans son rôle d’ascendant protecteur : il protège mal les victimes contre la délinquance, en particulier dans les zones très sensibles où il est peu présent. La justice fonctionne à moyens très réduits, le système pénitentiaire est négligé. La PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) est au bord de la faillite. Contrairement aux intentions proclamées à grands coups de communication lors de la campagne par le candidat Sarkozy, l’Etat protecteur ne joue pas son rôle et n’entend pas le jouer.

La énième réforme de l’ordonnance de 1945 laisse les professionnels très perplexes quant à son véritable impact sur la prévention de la délinquance. Il s’agit d’un assemblage très disparate de mesures sans cohérence globale et, qui plus est, ce sont des mesures qui n’auront pas grande efficacité. L’abaissement de la majorité pénale à 16 ans ne sera pas décidée car elle aurait porté atteinte à la Convention internationale des droits de l’enfant. Que reste-t-il comme mesures-phares ? La suppression de l’excuse de minorité ? Elle n’a pu être votée non plus ; les parlementaires ont opté pour un compromis en retirant à la dérogation légale à l’excuse de minorité, pour les mineurs de plus de 16 ans, son « caractère exceptionnel ». Quoi d’autre ? La procédure de « présentation immédiate » ? Cette procédure remplace la précédente dite de « jugement à bref délai » qui remplaçait elle-même celle dite de « comparution immédiate ». On voit donc que l’on n’est pas ici au premier coup d’essai et l’on se heurtera aux mêmes difficultés d’application dont le manque criant de moyens de la justice et la complication du travail de cette dernière.

Pour l’AFMJF, on fait fausse route en faisant reposer la philosophie de la prévention de la délinquance des jeunes sur la seule sanction pénale. Au nom du pragmatisme, on exige des résultats au détriment du travail éducatif qui est plus lent et moins spectaculaire. Par défaut d’approche globale de la situation du mineur, on sanctionne au coup par coup, et même de manière mécanique puisque la possible instauration prochaine de peines-planchers pour les récidivistes ôtera au juge son pouvoir d’aménager la peine en fonction de la personnalité du délinquant et de prendre en compte les efforts réels d’insertion et d’amendement réalisés entre deux procès. L’AFMJF propose de revenir à l’esprit de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, à savoir l’application du principe du traitement collectif de la délinquance, principe contenu dans le préambule de l’ordonnance 45 et jamais appliqué : mobiliser les collectivités territoriales les plus proches en amont, pour un travail de déminage, et en aval assurer l’effectivité des poursuites pénales mais aussi de la réinsertion des mineurs. L’AFMJF incite au renforcement de l’actuel centre de formation de Vaucresson et propose d’y adjoindre une unité de recherches pluridisciplinaires rattachées au CNRS. Sur le premier point, la réforme du 5 mars 2007 répond en partie en faisant du maire l’homme-orchestre de la prévention de la délinquance.

Jean-Pierre Rosencszveig, président du tribunal de Bobigny et président de Défense de l’enfant international, va encore plus loin. Pour lui, c’est le seuil de tolérance sociale abaissé à l’égard des actes massifs d’incivilités et de violence qui entraîne cette exigence de résultats immédiats. Cet empressement risque d’être contre-productif en plus d’être attentatoire à certains principes. Il cite l’exemple des Etats-Unis où le dispositif du « tout-carcéral » a conduit les juges à prononcer des relaxes dans un souci de justice plus humaine. Le même risque est à craindre en cas de peines planchers obligatoires. Face au manque de places dans les établissements pénitentiaires pour mineurs et dans les centres éducatifs fermés, les magistrats préféreront dans certains cas l’absence de peine à l’enfermement dans des prisons adultes jugées comme une mauvaise solution, comme l’école du crime et, en outre, surpeuplées.

L’exemple de cette réforme du 5 mars 2007 illustre à plus d’un titre les faiblesses du sarkozysme qui repose sur le pragmatisme, le simplisme, et la recherche de la surlégitimité. Surlégitimité d’abord parce que le candidat n’a pas hésité à gagner les faveurs de l’extrême droite pour obtenir le meilleur score possible. Rien ne l’y obligeait pourtant : il était donné gagnant par tous les sondeurs et le face-à-face du second tour des élections était annoncé comme le coup de grâce à son adversaire socialiste. Ce qui ne manqua pas de se produire d’ailleurs. Le président cherche aujourd’hui la plus forte vague bleue possible par tous moyens séduisants (ouverture, renoncements à certaines mesures impopulaires chez les syndicats et à l’Education nationale...). L’objectif reste le même : acquérir cette surlégitimité qui servira d’excuse pour tout oser. Ce qui, au passage, est antidémocratique puisque notre république fonctionne sur le fait majoritaire et cela quel que soit le score. Plus respectueux de la république (ou plus légitime ?), Chirac n’avait pas eu à user de ce stratagème. Deuxième point, le simplisme : Sarkozy veut réduire à son vouloir ce qui est irréductiblement complexe. La complexité est une règle de la nature, de la vie, de l’univers. Sans doute, notre homme ne fait-il pas la différence avec la complication qui est le résultat du cours anormal des choses ou le fruit de la pensée humaine et de ses contradictions. Simplifier là où c’est compliqué est louable (cf. la bureaucratie) mais prétendre simplifier les choses quand elles sont complexes relève de l’audace irresponsable de l’apprenti sorcier. Enoncer de fausses vérités scientifiques, des postulats, déclarer par exemple que les pédophiles et les homosexuels naissent ainsi, participe de cette confusion d’approches. De même à vouloir fixer la "normalité" ou trier entre les bons immigrés et les mauvais immigrés. Enfin le simplisme semble être l’arme la plus absolue du sarkozysme. Le slogan « Avec Sarkozy tout devient possible » peut être entendu comme la proclamation de l’évidente simplicité des choses. On sait qu’il n’en est rien. Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, des cultes et de l’aménagement du territoire, Sarkozy s’est heurté à de multiples difficultés qu’il avait résolument écartées de ses prévisions. D’où des promesses non tenues et des résultats décevants.

Persévérer avec cette vision courte de toutes choses, certes dégagée de tout dogmatisme mais aussi dénuée de toute affiliation philosophique, historique et au mépris des sciences y compris des sciences humaines, peut conduire à l’inéluctable : la crise avec le pays et le châtiment de l’homme qui en sera le responsable.


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21 réactions à cet article    


  • Bulgroz 25 mai 2007 12:24

    La violence de Sarkozy et sa victoire ne sont pas plus légitimes que la violence de ces jeunes (*) Sa victoire a été remportée par tricherie, manipulation, mensonge et pressions sur les médias et sur les personnes. Personnellement, je récuse la légitimité de son onction populaire.

    (*) NDLR : dans les manifs de rue au soir et au lendemain de l’élection de NS

    In les « Oeuvres complètes » de Poète des tavernes, grand rédacteur à Agroravox, le 9 mai 2007 à 12H00


    • La Taverne des Poètes 25 mai 2007 12:44

      Bulgroz et ses « copiés-collés », un artiste quelque part ! Je ne vais évidemment pas répondre à mes propres commentaires ici reproduits ! smiley


    • Bulgroz 25 mai 2007 13:11

      Poète des tarverne a mis un « moins » sur mon commentaire qui reprend texto un commentaire d’icelui même.

      C’est un gros gros acte citoyen de sa part.


    • La Taverne des Poètes 25 mai 2007 13:21

      Non je m’étais abstenu de le faire mais là c’est fait ! Vous êtes un sacré pitre ! smiley


    • La Taverne des Poètes 25 mai 2007 13:22

      Oui, Calmos, je suis sûr que Sarkozy est en train de trembler en ce moment même !


    • La Taverne des Poètes 25 mai 2007 14:20

      Vous voilà vous aussi dans la préconisation du châtiment expiatoire : puisque les politiques précédentes ont (relativement) échoué, faisons trinquer les enfants ! Je vous ai connu plus humain dans vos commentaires...

      Il y a bien un problème de moyens. Ce n’est pas pour rien que Bayrou proposait le doublement du budget de la justice, lui par ailleurs si regardant sur les dépenses et soucieux de la dette du pays. La PJJ fait faillite. Le juge Rosenczveig fait remarquer qu’en Seine-saint-Denis, il a fallu attendre 2004 pour rattraper les moyens de...1987 ! La justice fonctionne à moyens constants depuis longtemps mais on la charge de plus en plus. La loi du 5 mars ne fera que la charger davantage aussi. Et bien sûr, faute de moyens, elle s’appliquera mal.


    • La Taverne des Poètes 26 mai 2007 10:35

      Vous pensez donc que le doublement du budget de la justice qui était proposé par Bayrou et Royal et qui reposait sur un diagnostic fait par les experts des deux candidats, était une simple fantaisie coûteuse ?


    • tvargentine.com lerma 25 mai 2007 13:49

      Vous nous dites

      « J’ai publié plus de 70 articles sur Agoravox. »

      J’en informe Nicolas Sarkozy sur le champ

      http://www.delation-gouv.fr

      Ensuite,c’est l’argumentation que vous developper qui est complétement déconnecté de la réalité et votre TSS est trop simpliste comme argument de campagne électorale


      • Nicolas Nicolas 25 mai 2007 14:02

        Il n’y a aucune crise.. a droite !

        Par contre le modéle 68art de gauche est en pleine déroute, ca oui.

        Donc, nous on sait faire, et on va faire.


        • La Taverne des Poètes 25 mai 2007 16:35

          Vous ne savez rien faire du tout ! Ceux qui savent faire sont sont des gens venus d’autres horizons : Borloo, Kouchner, Morin, Hirsch, Jouyet...


        • Nicolas Nicolas 25 mai 2007 20:53

          Oui, aux ordres...

          Vous voyez, même des types de gauche sont obligé de reconnaitre leur erreur (du coup la gauche les excommunies, dur pour eux, mais bon, la gauche à l’habitude de faire n’importe quoi). Par contre, ce qui m’inquiéte, c’est que des gens qui se sont aussi lourdement trompé nous rejoignent. Je veux dire, un fanatique, quelque soit l’idéologie qu’il prétend défendre, est avant tous un fanatique. Ces types vont ils se servir dans la caisse ?

          Le socialisme est enfin mort dans ce pays ! C’est pas si mal d’avoir survécu si longtemps. Merde 1992-2007, ca à pris du temps. Il faut dire que « certains » (suivez mon regard) on défendu avec vigueur leur fromage. Forcément, se faire payer des trucs par les autres, ca motive les parasites sociaux !

          Place à la Morale. Place à la Raison. Place à la Science Economique. Place au Capitalisme. Place à l’avenir.

          (Et puis ne vous ne faites pas, la gauche inventera bien une nouvelle connerie pour « donner de l’espoir » aux frustrés et autre toccards fénéants. Bref, si le socialisme, la sociale démocratie est mort, la démagogie a encore de beau jour devant elle !)


        • Nicolas Nicolas 25 mai 2007 20:53

          Oui, aux ordres...

          Vous voyez, même des types de gauche sont obligé de reconnaitre leur erreur (du coup la gauche les excommunies, dur pour eux, mais bon, la gauche à l’habitude de faire n’importe quoi). Par contre, ce qui m’inquiéte, c’est que des gens qui se sont aussi lourdement trompé nous rejoignent. Je veux dire, un fanatique, quelque soit l’idéologie qu’il prétend défendre, est avant tous un fanatique. Ces types vont ils se servir dans la caisse ?

          Le socialisme est enfin mort dans ce pays ! C’est pas si mal d’avoir survécu si longtemps. Merde 1992-2007, ca à pris du temps. Il faut dire que « certains » (suivez mon regard) on défendu avec vigueur leur fromage. Forcément, se faire payer des trucs par les autres, ca motive les parasites sociaux !

          Place à la Morale. Place à la Raison. Place à la Science Economique. Place au Capitalisme. Place à l’avenir.

          (Et puis ne vous ne faites pas, la gauche inventera bien une nouvelle connerie pour « donner de l’espoir » aux frustrés et autre toccards fénéants. Bref, si le socialisme, la sociale démocratie est mort, la démagogie a encore de beau jour devant elle !)


        • Nicolas Nicolas 25 mai 2007 20:57

          Oui, aux ordres...

          Vous voyez, même des types de gauche sont obligé de reconnaitre leur erreur (du coup la gauche les excommunies, dur pour eux, mais bon, la gauche à l’habitude de faire n’importe quoi). Par contre, ce qui m’inquiéte, c’est que des gens qui se sont aussi lourdement trompé nous rejoignent. Je veux dire, un fanatique, quelque soit l’idéologie qu’il prétend défendre, est avant tous un fanatique. Ces types vont ils se servir dans la caisse ?

          Le socialisme est enfin mort dans ce pays ! C’est pas si mal d’avoir survécu si longtemps. Merde 1992-2007, ca à pris du temps. Il faut dire que « certains » (suivez mon regard) on défendu avec vigueur leur fromage. Forcément, se faire payer des trucs par les autres, ca motive les parasites sociaux !

          Place à la Morale. Place à la Raison. Place à la Science Economique. Place au Capitalisme. Place à l’avenir.

          (Et puis ne vous ne faites pas, la gauche inventera bien une nouvelle connerie pour « donner de l’espoir » aux frustrés et autre toccards fénéants. Bref, si le socialisme, la sociale démocratie est mort, la démagogie a encore de beau jour devant elle !)


        • La Taverne des Poètes 26 mai 2007 10:36

          Nicolas, sous seriez aimable de ne pas polluer ce fil par la répétition propagandiste de vos messages insanes.


        • La Taverne des Poètes 25 mai 2007 15:10

          Pour compléter mon article, je précise que l’ANAS, l’association nationale des assistants sociaux, a publié une liste de préconisation à l’intention des professionnels du social et visant à limiter les dégâts prévisibles liés à l’application de la loi du 5 mars 2007 et, notamment, du fait de la mise en oeuvre du secret partagé. Le communiqué de l’ANAS trouve nombre d’arguments dans la décision du Conseil constitutionnel du 3 mars 2007. Pour le reste, il se réfère à la déontologie habituelle.


          • benedicte_gab 25 mai 2007 16:33

            Le simplisme ça fait 30 ans qu’on en fait, à gauche comme à droite. Le simplisme face à un problème complexe, c’est dangereux et ça aggrave dans le temps le problème que l’on prétendait savoir résoudre ... concernant la délinquance et les banlieues ça fait plus de 20 ans qu’on travaille à rendre ces problèmes explosifs, qu’on les laisse pourrir et avant la « racaille » de Sarkozy, il y a eu les « sauvageons » de Chevénement. Et vu comme c’est parti, ça va encore empirer pendant 5 ans et ça va exploser de partout. Et la désinformation ce n’est pas seulement sur ce qu’il se passe en France, il faut arrêter de prétendre appliquer les méthodes des USA, la violence ne cesse de croître aux USA, elle est omniprésente et gangrène la société ... nous ferions mieux d’apprendre à faire autre chose que de les suivre bêtement dans l’erreur.

            Albert Einstein disait fort justement « La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent. » ... c’est ce qu’une légère majorité des français ont choisi, il ne s’écoulera pas plus de quelques mois pour qu’une partie d’entre eux comprennent à quel point ils ont été aveugles.


            • Nicolas Nicolas 25 mai 2007 21:06

              Bon, il faut rétablir la peine de mort, comme on l’a déja fait deux fois. Car les causes de la délinquance, qu’elle soit sociale ou génétique, a dire vrai, on s’en tape complétement.


              • Nicolas Nicolas 25 mai 2007 21:06

                Bon, il faut rétablir la peine de mort, comme on l’a déja fait deux fois. Car les causes de la délinquance, qu’elle soit sociale ou génétique, a dire vrai, on s’en tape complétement.


                • La Taverne des Poètes 26 mai 2007 00:43

                  L’UMP a inscrit solennellement l’abolition de la peine de mort dans la constitution française par la loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 !


                • Foudebassan Foudebassan 26 mai 2007 00:35

                  En matière sociale...

                  Le gauche constate un problème, se réunit pour l’analyser, débat pour comprendre pourquoi, analyse ses analyses, soumet un plan d’action....et les années passent.

                  La droite constate un problème, propose et met en place ses solutions.

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