Critique du livre « La Laïcité, une exception menacée » de Jean-François Chalot
Critique du livre "La Laïcité, une exception menacée" de Jean-François Chalot
à l'heure où j'écris ces lignes on peut aisément parler d'un vent de folie qui s'empare des médias, en rapport avec l'affaire de Trappes (les menaces contre un professeur de philosophie dénonçant l'emprise de l'islamisme sur les élèves) et ses incidences diverses (position politique très schématique et manichéenne de JL Mélenchon, spectacle de clown du maire de Trappes, gros titres sur le séparatisme sur les écrans, chasse aux sorcières contre "l'extrême-gauche", etc.). On en arriverait presque à oublier le chaos gouvernemental sur le traitement de l'épidémie de COVID et les nombreuses atteintes, au nom de cette même épidémie, au droit du travail et aux acquis des travailleurs...
Dans ce contexte, le livre de JF. Chalot et co-auteurs, vient nous rappeler à juste titre, que le problème central aujourd'hui, le fil à plomb pourrait-on dire, n'est pas le "séparatisme" (vague concept évoquant tout et son contraire) mais bien le respect de la laïcité, ce bien incontournable et consubstantiel à nos valeurs républicaines, quel que soit notre camp politique. Dans ce sens, il est bon de revenir aux sources et de comprendre ce qu'est notre histoire et son enseignement démocratique, pouvant profiter à tous, aussi bien croyants que non-croyants. La conception du livre, par ailleurs aisé à lire, aux polices et au format agréables, découpé en chapitres clairs, repose sur l'écriture de textes à plusieurs voix, ce qui permet au lecteur critique de co-construire son propre point de vue à la lumière des consonances ou des dissonances des différents articles.
Car cet ouvrage collectif fait cohabiter des dissonances dans ce livre, volontaires cependant, mais elles sont intéressantes car elles conditionnent la réflexion et participent du nécessaire débat entre nous, les gens "de gauche", laïques, républicains et militants ouvriers ;
On sent bien, en parcourant les articles des uns et des autres, que le processus pour mieux comprendre et mieux agir, face à l'islamisme et à sa remise en cause de la laïcité, est lancé et que nous arrivons au point où nous devons confronter notre analyse avec le processus actif d'islamisation et de division qui se pose à l'ensemble de la société, au risque de nous mener vers la guerre civile.
J'ai beaucoup aimé ce livre, tout en en relevant deux positions de certains auteurs qui, pour moi, font débat :
- "l'islam n'est pas l'islamisme"... certes mais le lien est direct, l'affaire Samuel Paty et la récente affaire de Trappes nous le démontrent aisément, me semble-t-il. le "bon cœur" de mon camarade JF Chalot et sa positivité psychologique face aux musulmans dits "ordinaires" que je salue au passage ne doivent pas nous faire oublier que beaucoup de musulmans auraient tout à gagner à se dégager de l'emprise du salafisme et des thèses coraniques via le retrait du voile, symbole fort ; aider un musulman c'est d'abord l'aider à retirer ce signe vécu souvent comme une sorte de pénitence obligée (être conforme à sa "communauté"). Le voile chez les musulmans c'est un peu comme la tête de l'autruche dans le sable pour nos concitoyens non musulmans de la majorité française... Il ne s'agit pas de "changer" la tête des gens mais bien, par une position non ambigüe de l'Etat, de construire des rapports sociaux facilitant le dégagement individuel des tutelles morales, religieuses ou idéologiques.
- "les accompagnatrices scolaires peuvent être voilées". Comment souscrire à cette sorte de marché de dupes consistant à ne pas "stigmatiser" les mères musulmanes et à oublier que les enfants non musulmans sont encadrés par des personnes connotées religieusement. Ce débat du reste ne provient que du fait que l'on n'a jamais mis en avant la seule revendication qui permette d'empêcher le prosélytisme (fût-il inconscient) : les accompagnants scolaires devraient être des agents publics rémunérés et qualifiés à cet effet !
Jean-Marie Bonnemayre, à travers son article "la laïcité et le CNAFAL" se prononce pour l'interdiction du voile, contrairement à JF Chalot ou C. Fourest. Tous cohabitent dans un même esprit : défendre la laïcité, c'est là l'essentiel.
Guylain chevrier nous rappelle à juste titre, à propos de la curieuse complicité entre des féministes et des militants de l'islam politique, dont le refus de notre république est le seul lieu commun, qu'on "monte les uns contre les autres pour nous faire oublier que le conflit fondamental demeure celui entre le capital et le travail". Ce rappel est indispensable autant pour lutter contre la division sociale que pour la défense de la laïcité qui demeure un principe révolutionnaire.
On aura loisir, aussi, dans ce livre d'aller au-delà des "idées" et des "points de vue" pour réviser l'histoire et les textes relatifs à la "guerre scolaire" (Eddy Khaldi). D'autres articles seront aussi intéressants à découvrir (il y en a 18 !).
Ce livre, abordable en prix (15€) est une bonne référence pour un militant laïque intellectuellement honnête ; je vous le recommande !
Patrick Loiseau
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