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Accueil du site > Tribune Libre > Culture, cette grande absente de la campagne présidentielle

Culture, cette grande absente de la campagne présidentielle

A quelques jours du premier tour des élections présidentielles, force est de constater que la culture est une des grandes absentes de la campagne. Chaque candidat y est allé de son discours ou de ses déclarations publiques, mais le vrai débat, celui qui porte sur les enjeux de la culture, de sa diversité et de son industrie à l’heure de la mondialisation et de la société de l’information n’a pas vraiment eu lieu.

C’est un débat qui divise la France et les Français, comme l’a montré en 2006 la discussion de la loi DADVSI à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi il vaut mieux l’éluder un petit peu à la veille de cette élection. Et ne pas prendre le risque, sur un sujet aussi « délicat », de se mettre à dos une partie de l’électorat.

Les candidats qui peuvent prétendre accéder au second tour s’en tiennent à quelques grands principes de circonstance, sur “la” vision politique de la culture qui sera celle du ou de la future présidente.

Tous donnent ici et là quelques assurances. Par exemple, celle de reconnaître la loi DADVSI et de se pencher sur l’aménagement d’une riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illégal, ou à l’inverse, celle d’une complète remise à plat du texte, de sa révision voire de son abrogation pure et simple.

Mais d’une manière générale, personne ne vient souffler sur les braises de la DADVSI. Pas question d’aborder ces questions sur le fond durant la campagne.

Deux visions politiques

Le citoyen électeur qui voudrait savoir à quelle sauce la culture va être mangée, en fonction de celle ou celui qui sera élu, en est grosso modo réduit à se reporter au discours de Nicolas Sarkozy sur ses engagements en la matière, le 4 avril dernier au Showcase Paris, et au rapport de Michel Rocard sur la République 2.0 remis à Ségolène Royal le 5 avril.

Ils suffisent à dresser la carte des deux visions politiques qui s’opposent globalement, aujourd’hui en France, en matière de culture.

L’une, dont est porteuse le discours de Nicolas Sarkozy, se crispe sur un certain nombre de préceptes et met en exergue le patrimoine, l’identité nationale, l’intérêt des industriels, un certain protectionnisme, l’autorité, l’éducation, la “transmission” du savoir et des connaissances, et le marché dans sa forme classique, celle qu’il a connue au XXe siècle : ce qui donne une conception de la culture somme toute assez vieillotte, un peu vintage, qui revendique sans complexe des racines catholiques et mélange allègrement des accents de 14, de 39 et de 45.

Cette vision un peu cocardière de la culture est rassurante pour les industriels concernés. Internet a semé le désordre sur les marchés. Il est temps de rétablir l’ordre, de protéger la propriété intellectuelle, de fliquer les pratiques d’échanges “non rivaux”, de sanctionner les contrevenants, de recréer les conditions d’un marché contrôlé, territorialisé et prospère.

C’est une vision qui se préoccupe de culture sur fond de repli identitaire, mais aussi d’industrie et d’intérêts privés qui y trouvent leur compte.

L’autre vision, qui transparaît dans le rapport de Michel Rocard, s’approprie de manière un peu unilatérale la révolution Internet et est foncièrement non-industrielle. Elle met en avant la culture populaire, non marchande, et les nouvelles pratiques d’échange qui se développent.

Elle ne promeut pas tant la “transmission” que le “partage” du savoir et des connaissances, dans une quête d’intelligence et de création de valeur ou de biens collectifs.

C’est une vision “sociale” et non pas “nationale” de la culture. Elle emprunte largement et de manière parfois un petit peu puérile à l’idéologie libertaire et participative d’Internet. Elle est porteuse d’une forme de communisme moderne qu’incarnent avec bonheur des mouvements comme le logiciel libre ou la musique libre.

Mais elle cède aussi parfois à la “maladie infantile” de ce nouveau communisme - à son gauchisme : la préconisation du règne absolu de la gratuité, de la solidarité, de la communauté, du partage. Et une absence totale de marché.

Une chose est sûre, des verrous doivent sauter, dans l’esprit des uns comme des autres. D’un côté, ce n’est pas en favorisant la concentration, en assurant des positions déjà dominantes sous la pression de leurs lobbies et en bridant l’innovation, qui passe par l’invention et le partage de nouveaux usages, que l’on résoudra les problèmes d’une industrie en crise et frappée d’immobilisme. Tout au plus la maintiendra-t-on sous perfusion grâce à des aides.

Une nouvelle culture

D’un autre côté, ce n’est pas en se reposant d’un bout à l’autre sur le Deux ex Machina de la “mutualisation” (redevances, licences légales, licence globale, etc.) que l’on parviendra à un meilleur résultat.

L’enjeu n’est pas de collectiviser entièrement le financement de la culture. Ce serait faire injure à tous ces entrepreneurs culturels qui se retrouvent pour un grand nombre d’entre eux dans une situation économique extrêmement précaire aujourd’hui. Et ce serait renoncer à l’efficience des marchés pour créer des biens communs et de la valeur.

La “mutualisation” n’est pas la seule alternative à la publicité et au déclin des ventes physiques. Une multitude de nouveaux modèles économiques se développent ou sont encore à inventer. Une nouvelle ingénierie financière doit voir le jour et faire appel, pour financer la culture dans la société de l’information, à des mécanismes de marché plus proches de ceux qui ont cours depuis quinze ans dans l’économie d’Internet.

Avec Internet, le business de la culture change. Il se mondialise et se localise à la fois, se communautarise et se personnalise à la fois, il se dématérialise mais surtout il se démocratise, grâce aux nouveaux moyens de production, de marketing et de distribution à la portée de tous aujourd’hui.

C’est une nouvelle culture qui se développe, qui va bouleverser de fond en comble les marchés de la culture eux-mêmes, et leur offrir aussi de nombreux débouchés. A l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, participer à l’essor de cette nouvelle culture, à son financement, à sa diversité, sous toutes les formes possibles et imaginables, ce sera de plus en plus l’affaire de tous, de moins en moins celle du seul président de la République ou d’un quelconque gouvernement.


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8 réactions à cet article    


  • jcm jcm 19 avril 2007 14:24

    « ...tous ces entrepreneurs culturels qui se retrouvent pour un grand nombre d’entre eux dans une situation économique extrêmement précaire aujourd’hui... » : oui, et si cela est vrai dans la sphère Internet ça l’est aussi dans le travail associatif du secteur culturel en général.

    Ce sujet me semble rarement abordé et pourtant de très nombreuses structures en France souffrent d’un manque assez régulier de moyens bien qu’elle réalisent des actions dont on peut considérer qu’elles sont « d’intérêt général ».

    C’est le cas d’une association d’artistes plasticiens à laquelle je participe (voir mon site ci-dessous) : les différents aspects du modèle économique du secteur associatif auraient besoin d’être révisés, notamment pour que des systèmes de financement portant sur plusieurs années (qui permettraient des programmations sur le moyen terme, d’une année sur l’autre) soient possibles.

    Et que les subventions ne soient plus accordées ou refusées selon le plus ou moins bon vouloir des administrations en place...


    • arturh 19 avril 2007 18:00

      Tant mieux. La France a été une des grandes capitales culturelles du monde, parfois la plus grande. Puis le Ministère de la Culture a été créé. Après, ça été la dégringolade.


      • minijack minijack 19 avril 2007 18:17

        Vous exagérez... Le premier ministère de la Culture fut créé sous De Gaule et son ministre était Malraux. Il n’a pas fait que des âneries.

        C’est depuis Lang et surtout avec RDDV que ça s’est gâté.


      • arturh 20 avril 2007 11:28

        Merci de conforter ainsi ma réaction : dire d’un ministre qu’il « n’a pas fait que des ânneries », c’est tout dire.

        Il faudrait supprimer le ministère de la culture, le remplacer par un éventuel ministre du patrimoire artistique.


      • Senatus populusque (Courouve) Courouve 20 avril 2007 11:34

        Avec Jack Lang, le ministère de la culture est devenu celui du spectacle.


      • Blablabla 20 avril 2007 07:00

        « Culture, cette grande absente de la campagne présidentielle ».

        Non ! La grande absente de la présidentielle, c’est l’Europe.

        Car elle conditionne tout le reste. Rien ne peu être sans elle.

        Alors, cessez vos niaiseries qui ne veulent du mal à personne.

        La culture européenne n’est pas la culture française. A part la shoah (voir la dernière nouveauté de l’UE en la matière).

        Il y a culture et culture. En défendre les principes revient à défendre notre flamme française. Point barre.


        • arturh 20 avril 2007 11:31

          Il y a une culture européenne, et la culture française en est une part fondamentale. Nier la culture européenne est une tentative d’appauvrissement de la culture française. Le nationalisme est un appauvrissement culturel.


        • Kookaburra Kookaburra 20 avril 2007 10:09

          Faudrait peut-être commencer par définir ce mot passe-partout « culture ». De quoi est-ce que l’on parle ? « La culture francaise n’est pas la culture européenne ». Mais c’est quoi la culture européenne ? Vaste thème, mais commençons par définir nos concepts.

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