Cyclone Irma, au-delà de la compassion, quelle réalité ?
Président de la République, Premier Ministre, membres du Gouvernement, médias, associations, pouvoirs publics et particuliers, tous se mobilisent et déploient toutes leur énergie pour porter secours et démontrer l’empathie légitime dont ils font preuve à l’égard des victimes du terrible ouragan Irma qui détruit tout sur son passage, semant sang et désespoir, en particulier chez les populations les plus fragiles. Mais au-delà de la compassion justifiée et légitime en ces circonstances, ne devrait-on pas aussi se pencher sur les revers subis par les actions préventives successives, si tant est qu’il y en ait eu et prendre des mesures autres, sachant que le pire est à venir ?
Les cyclones, phénomènes naturels, mais de plus en plus fréquents et de plus en plus forts en intensité
Depuis la nuit des temps les cyclones tropicaux sont les phénomènes météorologiques les plus dévastateurs de la planète, de par l’intensité des vents qu’ils engendrent et la taille des domaines qu’ils dévastent. Les tornades, elles, peuvent atteindre des vents parfois aussi forts, mais sur des zones de quelques dizaines de mètres seulement.
Avec des intensités variables, chaque année, tempêtes et cyclones affectent des dizaines de pays dans le monde. Les pertes en vies humaines et les dégâts matériels sont importants en raison des vents violents, des pluies intenses, des fortes houles et des marées de tempête. Les phénomènes dangereux ne sont pas uniquement localisés sur les îles et les côtes. Même atténués, les cyclones provoquent souvent des dommages à l’intérieur des terres, par des inondations et des glissements de terrain, parfois à des centaines de kilomètres de l’océan, rappelons nous la tempête de Décembre 1999 en France.
Nous savons que l’humidité prélevée par le vent à la surface de l’océan condense pour former des précipitations. Dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de l’œil, le cumul est d’une dizaine de centimètres par jour, mais des valeurs cinq à dix fois plus fortes ne sont pas rares pour des évènements intenses, et dans certaines régions comme le mur de l’œil ou sur des zones montagneuses. L’arrivée sur des terres émergées, dont la surface est plus rugueuse que celle de l’océan, provoque un ralentissement du vent et une forte convergence dans la partie du cyclone qui aborde la côte. Cela rend plus intenses les mouvements ascendants, accélère la condensation de l’humidité et renforce les précipitations. En général, le mur de l’œil s’atténue assez vite lors de l’arrivée d’un cyclone sur une surface émergée. En revanche, les bandes externes résistent mieux à la transition et sont souvent responsables de fortes pluies à l’intérieur des terres.
Prévoir la trajectoire et l’évolution des cyclones est la tâche principale des cinq « Centres Météorologiques Régionaux Spécialisés » (CMRS), Miami, New Delhi, Tokyo, Nandi (Fidji), Honolulu, en plus de celui La Réunion, sous la responsabilité de Météo-France. Grâce à l’amélioration des observations et des modèles numériques, l’erreur statistique moyenne a diminué d’environ 1% par an au cours des dernières décennies. L’incertitude sur la position du centre d’un cyclone, déduite d’images satellite, est de quelques dizaines de kilomètres. En ce qui concerne les prévisions, l’incertitude croît d’une centaine de kilomètres par jour d’échéance. On ne prévoit donc la position d’un cyclone à 24, 48 ou 72 heures que dans des marges d’environ 100, 200 ou 300 kilomètres. Ce ne sont là que des valeurs moyennes et la fiabilité des prévisions varie selon les cyclones et leur environnement. Les progrès concernant la prévision d’intensité des cyclones, puissance des vents, quantité de précipitations, amplitude de la houle et de la marée sont plus limités en raison de la complexité des processus internes et des interactions avec l’environnement.
Baisse en perte de vies humaines dans les pays riches grâce aux prévisions, mais de plus en plus de dégâts matériels et de victimes du à la croissance démographique par ailleurs.
« Si nous continuons dans cette voie, si nous ne faisons rien pour enrayer l'accroissement de la population, nous allons en payer le prix, nous allons nous retrouver dans un monde surpeuplé. La démographie a un impact sur le développement économique, sur l'environnement et sur les ressources de la Terre qui sont limitées. »
Kofi ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies de 1997 à 2006
Au cours des 50 dernières années, près d’un million de personnes ont péri lors du passage de cyclones tropicaux. La cause en est l’accroissement des populations dans les zones exposées, en raison de l’attrait du soleil dans les pays riches, de la croissance démographique ailleurs. Dans les pays développés, les pertes en vies humaines ont beaucoup diminué grâce au progrès des prévisions. Mais, dans le même temps, le coût moyen des dévastations a fortement progressé. Le record est détenu par l’ouragan Katrina, dont le passage a laissé une ardoise d’au moins cent milliards d’euros. En terme de vies humaines, les régions les plus touchées ont été le Bangladesh avec les deux cyclones de novembre 1970 et d’avril 1991 qui firent chacun plus de deux cent mille victimes, le Honduras et le Nicaragua avec Mitch en octobre 1998, la Birmanie en 2008 avec Nargis qui ravagea le delta de l’Irrawaddy, les Philippines avec Hayan en 2013, causant à chaque fois des dizaines de milliers de morts.
En raison de la médiatisation de l'évolution climatique et des changements attendus la question récurrente qui se pose : Y aura-t-il plus de cyclones et seront-ils plus intenses dans les années à venir en raison du réchauffement avéré de notre planète, réchauffement dû notamment à la poursuite de l'émission massive des gaz à effet de serre ? Cette question essentielle pour les futures générations a suscité et suscite encore de nombreuses études, dont les résultats ne sont pas tous concordants.
Comme le souligne Météo France, on ne peut, actuellement, que se baser sur quelques simulations du climat actuel à partir d'hypothèses. Les équipes de Météo-France ont pour leur part développé un modèle climatique (appelé Arpège - Climat), ayant pour but de bien décrire le climat sur le globe et de pouvoir le faire évoluer à partir de simulations prenant en compte divers changements dans les données de départ. Les résultats de ce modèle sont en très bonne concordances avec ceux des autres modèles climatiques européens et américains.
En ce qui concerne l'activité cyclonique et la fréquence des cyclones tropicaux, on retrouve les partisans du scénario catastrophe, dont la majorité de la communauté scientifique et ceux qui pensent, à l’instar des « climato-septiques », que quels que soient les changements observés, la nature et la science limitera, voire compensera leurs effets et que les bouleversements promis ne se produiront pas forcément…
Le doublement du CO2 pour les prochaines décennies apparait comme une certitude
L’hypothèse étudiée qui apparait être une certitude est celle concernant le doublement du gaz carbonique (CO2) dans l'atmosphère durant les prochaines décennies. Cette hypothèse est généralement acceptée un peu partout dans le monde par les climatologues, car elle est vraisemblable et réaliste, c’est celle qui est étudiée parmi d’autres scénarios par les experts du Groupe d’experts Inter gouvernemental sur l’Evolution du Climat(GIEC) dont le rôle est d'évaluer l'information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique. En effet l'émission de ces gaz, dits à effet de serre parce qu'ils limitent le rayonnement terrestre de retour vers l'atmosphère, semble non seulement persister mais s'accroître, malgré les recommandations des fameuses conférences mondiales de Rio (1992) et Kyoto (1997) et leurs suivantes. Le réchauffement de la Terre observé depuis le début du XXème siècle devrait alors continuer et s’amplifier durant le XXIème siècle, et avec lui ce sont les océans qui devraient voir leur température de surface augmenter.
Il n'en faut pas plus pour imaginer que les mers plus chaudes vont alors favoriser l'activité cyclonique, voire l'intensité des phénomènes sur toutes les régions intertropicales. Mais n’est-ce pas oublier que ce réchauffement global avéré va probablement être accompagné de modifications d'autres paramètres climatiques tout aussi influents sur la formation des cyclones, leurs fréquences et leur intensité, du en particulier aux effets de la bombe démographique…
La croissance démographique et l’activité humaine qui en découle, principale cause incontestable de la fréquence et de l’intensité des cyclones
En raison du nombre sans cesse croissant de la population et de l'activité humaine, les émissions de Dioxyde carbone (CO2) dans l'atmosphère, d’une durée de 200 ans, dépassent le stockage naturel du CO2 (dans les océans et la biomasse). De ce fait, l’équilibre naturel du cycle carbone est dangereusement perturbé. Sans oublier les rejets de Méthane (CH4), dont la durée dans l’atmosphère n’est que de 12 ans, mais il est 23 fois plus puissant que le CO2. Toutefois, selon les statistiques du GIEC, les quantités déversées dans l’atmosphère sont très nettement inférieures à celles du CO2. Ces concentrations accrues de gaz à effet de serre dans l'atmosphère renforcent l'effet de serre naturel et on appelle cela « l’effet de serre anthropique ou additionnel. Etant donné l'effet isolant thermique de l'atmosphère, on obtient une augmentation de la température moyenne de la Terre et un changement climatique mondial.
Le dernier rapport du GIEC affirme avec force que le changement actuel du climat est un fait scientifique établi et ne peut plus être nié. Les scientifiques ont fixé un seuil critique qui fait que l'augmentation mondiale de la température doit rester sous les 2°C pour limiter le changement climatique.
Émissions moyennes de CO2 en tonnes par habitant de 1960 à 2013
D’après le centre d'analyse des informations relatives au dioxyde de carbone, division des sciences de l'environnement, Oak Ridge National Laboratory, Tennessee, États-Unis.
En 1960 ces émissions par habitant dans le monde étaient de 3,093, après une période de progression pour atteindre 4,504 en 1979, on enregistre une baisse jusqu’en 1983 avec 3,978 et une période en « dents de scie » jusqu’à 2002 avec 4,058 et depuis une progression constante pour atteindre 4,991 en 2013. Soit 4,991 x 7,1 milliards d’habitants = 35,436 milliards de tonnes de CO2 rejetées. Certes il y a une très grande inégalité des émissions CO 2 en tonnes par habitants suivant les pays.
Quelques chiffres entre 1960 et 2013.
Les USA sont passés de 16,0 à 16,4. La Chine de 1,2 à 7,6, quand l’Inde passe de 0,3 à 1,6 ou le Brésil passe de 0,6 à 2,5. L’Allemagne est à 9,4 en 2013 (pas de données en 1960), la Belgique est passée de 9,9 à 8,4. Le Royaume uni de 11,2 à 7,1, La France de 5,8 à 5,0, quand l’Espagne passe de 1,6 à 5,1. Globalement les pays de l’U.E. sont passés de 5,8 à 6,7. Parmi d’autres pays : Israël passe de 3,1 à 8,8, le Japon de 2,5 à 9,8 le Niger de 0,0 à 0,1 ou le Nigéria de 0,1 à 0,6. Des monarchies Arabo pétrolière du golfe explosent : l’Arabie Saoudite passe de 0,7 à 18,1. Bahreïn de 3,5 à 24,3. Les Emirat Arabes Unis de 0,1 à 18,8 Le Quatar de 3,7 à 37,8. Pour plus de détail : (https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC )
Autre phénomène tout aussi préoccupant : la déforestation a conduit à l'émission de 3,3 milliards de tonnes CO2. Au total, ce sont près de 39 milliards de tonnes du principal gaz à effet de serre émis en 2013 rejeté dans l'atmosphère par l'homme. Si on considère les rejets par habitant de 2013, avec l’augmentation de la population en 2017 qui a dépassé les 7,5 milliards, cette année nous avons rejeté plus 40 milliards de tonnes de CO2. A noter que les émissions de CO2 en 2014 sont supérieures de 65% à ce qu'elles étaient en 1990, malgré les promesses répétées de les faire baisser et la diversification des politiques énergétiques vers les énergies renouvelables.
Au vu des chiffres cités plus haut, Les Etats-Unis, devancent très largement ceux de l'Union européenne, mais la Chine se rapproche. Si la tendance actuelle se poursuit, la Chine pourrait émettre vers 2020 plus de CO2 que les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Inde combinés. Pour l'heure, les américains émettent toujours entre deux et trois fois plus d'émission par habitant. Dans d'autres zones, les émissions grimpent très rapidement comme en Inde avec une progression de 5,1%. A chaque fois, ces chiffres sont à mettre en corrélation avec la croissance économique.
Croissance démographique, vers les neuf milliards en 2030
En 1960 la population mondiale était de 3 milliards d’habitants quand elle est de 7,1 milliards en 2013 (plus du double) et dépasse les 7,5 milliards en 2017. A raison d’une augmentation de 800 000 à un million habitants par décennies, voire plus, sans pandémie grave, accident nucléaire majeur, collision (fort improbable d’ici là) avec un Astéroïde, on estime qu'elle se situera à 9 milliards en 2030. Même si les pays qui ont la plus forte croissance démographique ne sont pas les plus industrialisés, donc les plus gros émetteurs de CO2, cette augmentation de la population va avoir un impact sur la consommation mondiale des énergies fossiles à fort rejets de CO2 (pétrole, charbon, gaz), sans omettre que la transformation des métaux des terres rares indispensables à la révolution numérique et aux énergies « renouvelables » ont également un impact CO2 important, avec les conséquences que l’on peut imaginer du au réchauffement des mers et océans…
Certains pays, comme la Chine et l'Inde, qui représentent à elles deux environ près d’un tiers de la population mondiale, sont en plein développement économique. Leur expansion engendre une forte consommation d’énergies fossiles notamment de pétrole de charbon. D'ici 2030, on estime que la consommation de pétrole de ces pays émergents représentera 50 % de la consommation mondiale.
97 % des transports dépendent des produits pétroliers. Les perspectives de la quatrième révolution industrielle fondée sur le numérique, avec la mondialisation de l'économie et du commerce, l’exploitation et la transformation des terres rares indispensables au numérique et énergies renouvelables, où s’ajoutera un important développement du secteur des transports va générer des rejets importants de CO2. Malgré les efforts fait dans la limitation de la consommation des véhicules terrestres, maritimes et aériens, on estime que les transports qui représentent actuellement 50 % de la consommation de pétrole, cette proportion devrait toutefois passer à 60% d'ici 2030. Autrement dit la consommation de pétrole pour le seul secteur des transports devrait augmenter d'environ 35% d'ici 2030.
Peut –on encore éviter le pire avec les cyclones à venir, leur prolifération et leur intensité sans cesse plus forte ?
Alors que dans les pays riches nous entrons à marche forcée dans la quatrième révolution industrielle dite du « Big Data », la sixième extinction des espèces est largement amorcée. Contrairement aux extinctions précédentes qui ont jalonné l’évolution de la vie sur terre, l’extinction actuelle n’est pas due à des causes extérieures mais à une cause essentiellement humaine. La situation semble désormais irréversible. Néanmoins, le dérèglement du climat impose une révision urgente et radicale de notre modèle économique. Mais Il faut admettre, comme l’a déclaré le Président de la République, que la démographie reste la question centrale. Si l’on veut stopper la croissance des gaz à effet de serre, en particulier le CO2 et freiner, faute de pouvoir stopper la sixième extinction, la première des urgences préventives est de parvenir à une décroissance démographique choisie, juste et équitable. Dans le cadre de l’ONU, les pays doivent aussi s’imposer des politique de MENAGEMENT plutôt que toujours plus d’aménagement du territoire, ce qui suppose de renforcer les contraintes d’urbanisation, voire les interdire dans certaines zones de littoral particulièrement exposés aux risques cycloniques. Concernant les zones cycloniques dévastées, la question des reconstructions aux endroits les plus vulnérables et leur interdiction est également posée, mais aussi la nature de ces constructions. Stopper la déforestation et redéfinir de nouveaux rapports économiques entre les pays du Nord et ceux du Sud est également une urgence si l’on veut freiner les migrations climatiques qui vont devenir inévitables avec les conséquences conflictuelles que l’on peut imaginer... Nul doute que la vie à venir ne sera pas un long fleuve tranquille, de surcroit aux besoins financiers considérables…
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