D’une élection à l’autre
Alors que les élections européennes étaient à peine terminées, Emmanuel Macron a exprimé sa volonté de dissoudre l'Assemblée Nationale, appelant à nouveau les électeurs français aux urnes. Un pari pour le moins risqué.
Ce fut comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà assombri, il est vrai. Alors que toutes les chaînes de télévision s'affairaient au décompte des voix et à l'analyse des tendances résultant des éléctions européennes, dimanche soir à 21H30, Emmanuel Macron a surpris tout le monde en annonçant la dissolution de l'Assemblée Nationale et le retour aux urnes, pour de nouvelles législatives, les 30 juin et 7 juillet prochains.
La poussée attendue mais très forte de l'extrême-droite – à eux seuls le Rassemblement National et Reconquête totalisent près de 40% des suffrages exprimés - et le mauvais score (14,5%) de la liste présidentielle emmenée par Valérie Hayer en sont évidemment la principale cause. Mais cela ne décidait pas forcément de cette remise en question de l'échiquier politique national. On se souvient peut-être qu'en 2014, une autre liste présidentielle – celle de Jean-Christophe Cambadélis - n'avait obtenu que 14% des voix. Ce qui n'avait pas empêché l'exécutif de poursuivre son travail.
Mais Emmanuel Macron n'est pas François Hollande. Là où le second avait choisi de ne rien bouleverser, l'actuel président, plus jeune, plus combatif, a fait le choix de la contre-attaque, au grand dam de son propre camp. Car il y a en lui – c'est à présent une évidence – le complexe du héros, tant à l'echelon international qu'au niveau hexagonal. Et barrer la route à l'extrême-droite a toujours été l'article principal de son programme. Mais sa décision, au contraire, ne risque-t'elle pas de lui dérouler la tapis rouge ? On sait ce qu'il est advenu en 1997, quand Jacques Chirac a osé le même coup de poker. A ceci près que, cette fois, le futur chef du gouvernement a peu de chances d'être un socialiste.
Certes Macron espère ainsi mobiliser l'ensemble des forces républicaines du pays à son profit, sans leur laisser le temps de refaire des alliances électoralistes. C'est moi ou le RN. Mais nous ne sommes plus dans une configuration politique à deux blocs mais à trois. Et le camp de gauche, quoique divisé, préférerait voir l'émergence d'un front populaire excluant la macronie et L R, plutôt que d'abandonner une nouvelle fois le beau rôle à l'actuel locataire de l'Elysée. Le problème est que c'est bien le RN qui a maintenant une longueur d'avance.
C'est donc à un référendum tacite que le président invite les Français avec ces très proches éléctions législatives. Il devrait pourtant se souvenir que les déçus de sa politique sont extrêmement nombreux et qu'ils pourraient bien faire le lit de l'abstentionnisme ; sans même parler de la période estivale qui incite plus à aller à la plage que dans les bureaux de vote. Il y a en revanche une frange de l'électorat français qui ne boudera pas ce nouveau rendez-vous : celle constituée par les supporteurs du RN. Marine Le Pen les prépare depuis longtemps à cette possibilité, même si elle ne croyait sans doute pas avoir une si rapide embellie.
Alors Emmanuel Macron stratège jupitérien ou aventurier de la politique ? Nous le saurons bien assez vite.
Jacques Lucchesi
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