Dans les cris du volcan ! (Discours de Jean-Luc Mélenchon, place de la Bastille)
« Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie… »
Ce sont ces vers d’El Desdichado de Nerval qui me viennent, je ne sais pourquoi, en pensant à ce triomphe que la France, ce jour, 18 mars 2012, a offert, de Nation à Bastille, au Front de Gauche et a M. Mélenchon.
Ou plutôt si, je sais pourquoi.
Dans le tombeau de nos vies privées d’espoir, face à ces dirigeants dont chaque parole, chaque traité est une pelletée de terre jetée sur la tête d’hommes, de femmes et d’enfants, il a su nous donner à nouveau, l’espoir et la lumière d’un avenir lié au brillant passé de nos ancêtres. Nous sommes l’Europe des cathédrales et des révolutions.
Comment les observateurs de la vie politique, on ne peut plus les appeler journalistes et ce qu’ils observent ce sont surtout les notes qu’un sombre pouvoir glisse dans leur poche, comment peuvent-ils encore mentir, trafiquer, trifouiller pour ne pas reconnaître l’évènement historique qui est en train de se produire sous leurs yeux ? La naissance d’un grand moment. La naissance d’un grand homme politique qui le porte de toute son exceptionnelle stature. Est-ce si fréquent ? Y en a-t-il tant d’autres autour de nous ?
Mais n’est-ce pas l’importance même de cet évènement qui les rend faux et frileux ?
« Il y avait quelques dizaines de milliers de manifestants », nous disent France 2 et « Le Monde » ! Pauvres ploucs.
Règlons ce problème. Combien ?
La réponse est simple. Dès seize heures, la Bastille était noire de monde alors que certains n’étaient pas encore partis de Nation.
Vous avez beau torturer les chiffres, torturer les itinéraires et les rues, cela fait beaucoup.
On espérait 10 à 20 000 manifestants, le peuple en a jeté cent mille de plus. Très généreux. Et à ses frais. On n’est pas venu le chercher dans ses campagnes et dans ses villes ! On ne lui a pas payé le voyage !
Vivre ces instants mettait les larmes aux yeux, je l’avoue. Par l’excitation du moment. L’impression, tout à coup, d’une foule immensément dense. Cela est venu d’un coup. On pouvait se promener, aller d’un groupe à l’autre et tout à coup, la foule était telle que remonter une rue à contre courant était impossible. Il y avait eu tant d’efforts, tant de préparatifs, tant de petites mains pour décorer les rues et les places, tant d’organisation, « qui va où ? qui prend qui ? » , tant de questions sur le temps, sur l’échec, sur la réussite de ce jour et soudain ce jour était là sans une ombre car même le soleil était au rendez-vous, sans bousculade, sans provocation, sans haine, sans doute aucun.
On avait gagné ! Tous ceux qui y avaient cru avaient gagné. On le savait. Quelle légèreté tout à coup !
C’était un défilé populaire.
Ce mot « peuple » est plutôt péjoratif. De quelque côté qu’on le tourne, c’est la masse dont on veut s’extirper.
Prenons en ce beau jour une leçon de vocabulaire.
Comme il est plaisant au contraire de se perdre dans ce peuple, de ne voir que des visages non pas figés, perdus dans le défilé de la vie ordinaire, mais au contraire, joyeux, incrédules, inventifs, multiples, divers, identiques, créatifs, nobles !
Car d’où vient la noblesse si ce n’est du peuple ? C’est de lui que naissent les grandes idées, les grands courages. C’est de cette foule et de son union que les tyrans apprennent leurs limites.
Le soir même M. Juncker faisait une déclaration. Il trouve que l’austérité promise aux peuples est trop grande. Lui aussi, il copie Mélenchon ?
La campagne de M. Mélenchon sera pour toujours un modèle.
Celle d’une stratégie et d’une histoire qui s’inscrivent dans l’Histoire de France.
Commencée avec quelques hommes, débordant toutes les positions, volant de ville en ville, engageant sans cesse de nouvelles recrues, elle monte jusqu’à la capitale qui s’offre à lui passionnément.
La passion Mélenchon.
Qui va la nier à présent ?
M. Mélenchon ne veut pas que l’on clame son nom. Il hait le culte de la personnalité. Il en connaît les les dangers. Il reste discret sur sa vie privée. C’est un homme simple qui vit simplement et porte une parole noble qu’il lit dans les cœurs de notre noble humanité.
Sa réussite nous renseigne sur ce qu’est un « Chef » et sur ce que l’on peut en attendre.
Ce mot, beaucoup le redoutent. Le pouvoir dit-on est malsain. Pourtant ce qu’il arrive aux Anonymous ou aux Indignés nous montrent que la présence d’une « tête » est indispensable à tout corps qui avance et qui vit.
Qu’il n’y a pas de grande réussite sans grand nom qui l’incarne. Que la chair est indispensable à la bataille, la voix, le regard, comme est indispensable, chef d’œuvre des chefs-d’œuvre, le corps et le regard du David de Michelange, réveil des peuples défaits face aux monstres.
L’existence d’un chef d’orchestre est indispensable à la musique. Sinon qui saurait quand commencer, comment s’unir, comment faire jaillir d’une partition née d’un cœur nourri de tous, les accents, le rythme, l’harmonie.
Confucius l’affirmait, soucieux de donner aux mots leur vrai sens, le prince, le « princeps », le premier n’est pas premier pour jouir mais au contraire pour servir.
Le vrai chef est celui qui sert son peuple, use ses forces à ce combat et n’en tire que le bénéfice de la gloire immortelle.
Les autres sont des faibles. Des opportunistes. Des carriéristes. Des menteurs. Des voleurs. Des mafieux, des traîtres qu’il faut juger et punir.
Au nom de notre honneur, de notre histoire, de notre conscience morale, levons-nous !
M. Mélenchon, par sa réserve, par sa modestie, par son courage jetant à la face de tous les propositions les plus audacieuses, les plus inattendues parce que les plus généreuses, le moins démagogue qui soit, explosant les phobies les plus difformes du peuple, a conquis hier, à la Bastille, un peuple qui lui a dit son amour.
Malgré sa défense.
Mélenchon, président ! Née doucement, la rumeur est montée jusqu’au génie de la Bastille, non pas encens du peuple, mais encens de Justice et d’Honneur.
Le discours de M. Mélenchon que j’ai retranscrit dans son intégralité et que je vous offre, cadeau de cette journée unique, vous montrera bien mieux que tout ce que je pourrai écrire, la grandeur de cet homme et le destin vers lequel il dirige, non seulement notre pays, mais encore l’Europe et toute notre planète martyre.
Le lire vous permettra de juger et de comparer avec ce qu’il a en face de lui. Ces journalistes bouffons qui n’écoutent et rien et ne savent que psalmodier édentés, car on les veut sans mordant :
-Appelerez-vous à voter pour M. Hollande au second tour ?
Allez-vous finir par comprendre que M. Mélenchon, si sa victoire ne lui est pas volée par des machines à voter dont il faut poser le problème et le régler, sera non seulement au second tour mais encore élu ?
Il y a encore quelques jours cette phrase faisait rire. Commencez-vous à l’entendre ?
Comment se fait-il que M. Mélenchon , à 11% d’intentions de vote, réunisse à la Bastille plus de partisans que des hommes à 30% pourraient le faire ? Quelle est cette magie ou plutôt cette sorcellerie dont il nous faut défaire le crime ?
Barbier, un de ces petits marquis sans substance , demandait récemment « Comment se débarraser de Mélenchon ? »
Alors ? Qu’en pensez-vous M ? Barbier ? La nouvelle question est « Comment se débarrasser de 120 000 personnes réunies de Bastille à Nation » !
Plus dur, là.
Et la grande bataille n’est pas encore commencée !
Victoire à l’humain !
Humains, unissez-vous contre les inhumains !
Mélenchon, président de la France !
Discours de M. Mélenchon, le 18 mars 2012, sur la place de la Bastille.
Nous sommes rassemblés parce que nous allons faire de cette élection une insurrection civique ! Se se donnant rendez-vous dans les urnes, elle va commencer la révolution citoyenne qu’il est nécessaire d’accomplir pour changer en profondeur la vie du peuple qui pâtis, ouvrir la brèche qu’attend toute l’Europe de son volcan français !
Oui, ça se voit, ça se sent, ça se sait, le printemps est là dans trois jours et chaque matin qui se lève, la lumière étend son domaine et la nuit se replie.
Viennent le temps des cerises et des jours heureux !
Tel est notre premier message pour tous ceux qui nous entendent et nous écoutent sur cette place, dans les rues où l’on ne peut avancer et dans chaque foyer où l’on nous regarde, ici, en France métropolitaine et d’Outre-mer, partout où l’on parle où l’on rêve français, en Europe et dans le monde !
Ce grand mouvement ne libèrera pas seulement ce que nous sommes mais tous ceux qui subissent des servitudes. Nous adressons notre salut fraternel et notre solidarité au peuple grec, aux Espagnols, aux Portugais, aux Italiens, à tous ceux qui ont, pour l’instant, sur leur tête le plomb de l’oppression venu de l’abjecte troïka ! Elle a décidé, dorénavant, de contrôler chaque peuple et il faudrait, paraît-il, lui demander l’autorisation de disposer librement de nous !
Ici, sur cette place, nous faisons le serment que si c’est nous qui sommes appelés à reconstituer la règle du jeu de notre pays en convoquant la constituante qui est nécessaire, alors plus jamais une seule délégation de souveraineté du peuple ne sera accordée sans qu’il ait été consulté par voie de référendum !
La souveraineté du peuple !
Telle est la grande question qui dorénavant va occuper toute l’Europe, une nouvelle fois engagée dans une entreprise qui commet la même erreur qu’aux précédentes saisons de l’histoire ! On la construit sans les peuples et sans la démocratie.
Alors, pour commencer cet immense chantier tout d’abord chez nous, en France, nous sommes venus au bon endroit à la bonne date !
Le bon endroit, ici, où a été juré une première fois le serment de se rassembler pour empêcher par tous les moyens dont nous disposons que les fascistes s’emparent de la patrie.
Cette place où a été, en 1935, rassemblée cette manifestation féministe qui déjà voulait briser les chaînes du patriarcat, en demandant que le suffrage soit réellement universel !
Cette place où a été brûlé le dernier trône des Rois.
Cette place où tout commence toujours et qui est le point de départ de toutes les révolutions.
Et d’abord de la première : celle qui se fit en 1789, abattant la citadelle des tyrans, celle qui se fit avec des mots et des principes si grands qu’ils rendaient possible d’être Français où que l’on soit dans le monde et ici même en France, que ses parents l’aient été ou non, du moment que l’on s’accorde pour dire et reconnaître comme égal quiconque qui dit comme nous : « Liberté , égalité, fraternité ! »
Nous sommes à la bonne date, le 18 mars, commencement de la grande et glorieuse Commune de Paris.
Voici parmi nous l’ombre d’une femme, Louise Michel, à qui nous nous dédions. Voici que nous répondons à notre tour, à l’appel de Jules Vallès et de celui du peuple qui conduit la première insurrection par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! »
Et nous ne disons rien d’autre aujourd’hui !
A la bonne date, cinquante ans à la fin des combats en Algérie ! Je déclare au nom du peuple ici rassemblé que la guerre est finie et que nous ne permettrons pas qu’on la recommence ici. Nous sommes une même famille, peuples du Maghreb, une même nation, peuples arabes, berbères et nous, peuple français !
Après le silence des armes, nous devons à nos enfants la paix des coeurs.
Peuple français, médite à cette occasion la terrible leçon de ton histoire !
Là où n’a plus cours la liberté totale des consciences politiques, là où n’a pas cours la fraternité, alors la France n’est plus possible !
C’est pourquoi il nous faut, aujourd’hui, dans cette France défigurée par les inégalités sociales, territoriales, culturelles, tourner la page, une nouvelle fois, de l’ancien régime, commencer un nouveau chapitre, comme c’est notre tradition, divers que nous sommes, en refondant la république fraternelle et égale !
Et nous commencerons par où il nous faut commencer. En convoquant cette constituante, nous commencerons par la première de toutes les égalités qu’il est indispensable de constituer : la parité !
Cette constituante devra être strictement égalitaire et ainsi commencera la marche de l’égalité . L’égalité par quoi tout commence en France, nous conduira à proclamer la fin des privilèges du capital, l’établissement de la citoyenneté en entreprise, corrigeant ce qui n’a pas été achevé, car comme l’a dit Jean Jaurès, la grande révolution a rendu les Français rois de la cité mais serfs dans leur entreprise !
Les droits nouveaux des travailleurs, le droit de veto, le droit de préemption sur la propriété du capital pour les travailleurs qui se constitueraient en coopérative ouvrière, le droit de réquisition par la patrie lorsqu’un bien est réputé commun.
C’est nous qui inscrirons ce droit nouveau d’une propriété collective humaine des biens de base tels l’eau et l’énergie.
C’est nous qui donnerons toute sa place à la dignité de l’amour humain en étendant à tous les couples les droits qui s’attachent aujourd’hui aux couples hetéro-sexuels.
Liberté !
C’est elle que nous voulons faire cheminer sur la route de l’égalité !
Liberté !
Il faut que les droits fondamentaux de la personne humaine entrent dans la constitution.
Et le premier d’entre tous, le droit de disposer de soi sans entrave aucune.
C’est nous qui mettrons dans notre constitution, pour que personne ne soit tenté d’y toucher quand les menaces s’accumulent, le droit à l’avortement qui reconnaît à chacune le droit de disposer d’elle-même, son corps n’étant la propriété de personne.
C’est nous qui mettrons dans notre constitution le droit de décider de sa propre fin et d’être assisté lorsqu’on en décide.
C’est nous qui installerons la liberté de conscience la plus absolue, et qui, pour cela, déciderons que la laïcité qui est inscrite dans la constitution sera étendue à tous les territoires de la République.
C’est nous qui dirons que la liberté sur la Toile est inaliénable et qu’il ne sera jamais permis de faire Hadopi !
C’est nous qui interdirons, fondant en cela un principe nouveau, une fois et pour toujours, que le vivant soit breveté et qu’il y ait une propriété privée de l’existence elle-même !
C’est nous qui libèrerons, une bonne fois, la justice en faisant en sorte que son indépendance , dorénavant, ne soit plus garantie par un homme, surtout après avoir vu à l’usage, ce qu’il avait été fait de cette garantie par le passé.
Dorénavant, nous placerons l’indépendance de la justice sous la protection et l’indépendance du parlement lui-même.
France d’égalité, de liberté, tu te dois d’être la patrie de la fraternité et des devoirs humains totalement accomplis.
Nous, dans notre constitution, nous regarderons tous les enfants qui nous sont donnés d’un même œil ! En France, dorénavant, nés sur la Terre de France, Français !
Droit du sol intégral !
Tel est le premier devoir de la fraternité humaine.
Et en voici un autre, nouveau, qu’il s’agit d’assumer.
Nous sommes, nous, coresponsables de l’écosystème dans lequel vivent tous les êtres humains et sans lequel pas un seul d’entre eux ne peut vivre ni mener quelque querelle politique que ce soit. C’est pourquoi nous accomplirons notre devoir à l’égard de l’humanité universelle.
Nous proclamerons que les Français s’obligeront par leur constituante à s’acquitter de leur devoir en éteignant la dette écologique.
Et que plutôt que leur fichue règle d’or qui ne concerne que leur portefeuille, nous appliquerons la règle verte qui ne concerne que la planète !
Oui, notre rassemblement commence une insurrection !
Le peuple qui s’était dissous dans l’abstention, dans le refus d’obtempérer aux injonctions « des petits je sais tout », aux mauvais qui leur donnaient des conseils et qui, quand c’est leur honneur et leur devoir de porter les parles des Français, quand les Français disent « non » , disent que nous aurions dit « oui » !
Ceux qui nous ont trahi, notre premier devoir, pour commencer notre chemin, est de nous en débarrasser !
Telle est la première tâche que doit accomplir notre insurrection citoyenne si elle veut pouvoir ensuite se donner le grand rendez-vous de la révolution citoyenne !
Machado, le poète a dit que « le chemin se fait en marchant ».Cette marche nous l’avons commencée depuis la Nation et nous nous sommes retrouvés ici à Bastille pour une étape dont nous continuerons la trajectoire bientôt, de la Bastille des Révolutions jusqu’à la place de la sixième république.
Nous sommes le cri du peuple ! Des ouvrières et des ouvriers précarisés, humiliés, méprisés, abandonnés !
Nous sommes le cri du peuple ! Celui de la femme qui met au monde un enfant dans un camp de rétention.
Nous sommes le cri du peuple ! Celui de l’enfant qui n’a pas de toit et qui n’a pas d’instituteur quand il va à l’école !
Nous sommes le cri du peuple ! De tous ceux qui, prêts à apporter le concours de leur intelligence et de leur créativité, qui parfois mèneraient bonne vie, refusent d’appliquer la morale de l’égoïsme qui dit : « Profite et tais-toi ! »
Je vous appelle à commencer ces privilèges des peuples !
Ouvrez en France la brèche par laquelle ensuite passera le vote des Grecs, puis en octobre prochain celui des Allemands qui souffrent des merveilles du prétendu modèle libéral !
Voici le printemps !
Faites votre devoir en accourant à la rescousse partout où les luttes ouvrières vous appellent !
Faites votre devoir en vous découvrant les uns les autres ! Mettez à la mode la couleur rouge !
Prenez les places et les rues de la République comme vous le pouvez dans chaque ville et dans chaque village de France !
Et vous autres, à Toulouse, sur le Capitole, à Marseille au Prado, organisez la réplique du 18 mars à la Bastille !
Assemblez-vous par milliers vous souvenant de l’appel sacré que vous ont adressé ceux qui vous ont précédé dans cette lutte, inscrivant dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 :
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ! »
Vive l’humanité universelle !
Vive la France !
Vive la République !
Vive la Sociale !
L’Internationale. La marseillaise.
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