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Danse « Pied Tendre » ! Ou quand l’UE s’initie au « pas de deux » kosovar...

 

Vendredi dernier (14 novembre) quelqu’un lança à Pristina un engin explosif, quelques 100 à 200 grammes de TNT selon certaines indications préliminaires, dans la cour du Bureau civil international (BCI) que dirige Pieter Feith, le Représentant spécial de l’UE au Kosovo. « L’explosion a brisé des vitres du bâtiment, mais il n’y a pas de blessés », précisa Skender Hiseni, le porte-parole du service de police du Kosovo (KPS).

Cette explosion ne sembla pas susciter de réactions particulières de la part d’une Europe obsédée par la crise économique la gagnant et celles-ci se limitèrent aux condamnations de circonstance, la présidence française de l’Union européenne se fendant d’un communiqué par lequel elle dénonça « fermement » l’attentat et rappela « la détermination de l’Union européenne à oeuvrer pour l’instauration d’un Etat de droit au Kosovo au bénéfice de toute sa population, à travers la mission européenne de police et justice de l’Union européenne au Kosovo (Eulex) dont le déploiement est en cours. »

Un tel laconisme de la part des ardents promoteurs et défenseurs de l’indépendance de la province serbe, d’ordinaire si loquaces, frappe les esprits et leur mutisme en dit long sur la portée de cet avertissement dont les auteurs, à l’inverse des prétendus « ennemis du Kosovo » pointés du doigt par le président du Kosovo Fatmir Sejdiu et son premier ministre Hashim Thaci, sont bien à chercher dans les rangs de leurs protégés.

Renouant avec une pratique éprouvée mise au point à l’époque à laquelle Belgrade administrait encore la province et maintes fois utilisée par la suite contre la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo (Minuk), c’est dorénavant au tour de l’UE de faire les frais d’actes de malveillance que, sous d’autres latitudes, on ne manquerait pas de qualifier de terroristes.

L’explosion de cette « bombinette », loin d’être inopinée et innocente, coïncida avec l’expiration des 72 heures octroyées au Kosovo par l’UE pour accepter les conditions liées au déploiement d’Eulex telles que définies dans l’accord obtenu par l’Onu et l’UE avec la Serbie. L’aval de cette dernière est effectivement indispensable pour l’acceptation de la mission européenne dans les régions du Kosovo majoritairement habitées par les Serbes, pour qui l’indépendance de la province est tout simplement nulle et non avenue.

Cet accord visant à redéfinir l’action de la Minuk, en qui les Serbes voient la seule institution internationale dont la présence au Kosovo est légale, à défaut de légitime, car déployée sur la base de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies de 1999, consiste en un plan en six points portant sur des dispositions concernant les forces de police, les douanes, les transports, les infrastructures, les frontières et les lieux saints de la communauté serbe.

En plus de cet accord, Belgrade fixa trois conditions à Bruxelles pour le déploiement d’Eulex : que ce dernier obtienne l’aval du Conseil de sécurité, qu’Eulex soit statutairement neutre et qu’elle n’applique pas le plan défini par le négociateur onusien Martti Ahitsaari, qui proposa d’octroyer à la province serbe une indépendance sous contrôle international.

De son côté Pristina, faisant fi de l’appel lancé depuis New York par le Secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon d’accepter le plan en six points, et ne pliant pas sous la pression exercée par Bruxelles et d’autres capitales européennes, persiste à rejeter le plan de l’Onu qui, selon elle, viole la souveraineté du Kosovo, son intégrité territoriale et sa Constitution. Il en résulte que la session du Conseil de sécurité initialement convoquée le 11 novembre et destinée à avaliser l’accord de déploiement d’Eulex, lui conférant par là même une base légale lui faisant toujours défaut, se trouve dorénavant reportée sine die.

La surprise engendrée par l’intransigeance de Pristina, à laquelle l’UE et l’Onu n’étaient manifestement pas préparées, n’en dispute pas moins à l’ébahissement provoqué par le clair soutien que lui apporta Washington, qui remit ainsi en question l’unité du Quint (USA, GB, France, Allemagne et Italie), lui-même une émanation du Groupe de contact (les mêmes plus la Russie) et l’artisan incontesté de l’indépendance du Kosovo.

Washington, dans une démarche s’inscrivant manifestement en faux contre les espoirs de multilatéralisme suscités en Europe par l’élection de Barack Obama à la présidence, entreprit de faire cavalier seul et envoya son secrétaire d’Etat adjoint Daniel Fried au Kosovo lundi dernier (17 novembre). Ce dernier y passa deux journées pendant lesquelles il mena toute une série d’entretiens résultant sur un plan en quatre points soumis par les autorités kosovares auquel il apporta son soutien.

Ce plan, à la rédaction duquel on peut raisonnablement suspecter Fried d’avoir activement participé, présente des conditions d’acceptation du déploiement d’Eulex aux antipodes de celles que l’Onu et l’UE étaient parvenues à arracher à Belgrade au terme de nombreux mois d’âpres négociations. Celles-ci ont pour effet de supprimer l’ensemble des garde-fous envisagés pour garantir un traitement équitable des Serbes restés au Kosovo et de les réduire à la portion congrue du bon vouloir des Albanais d’effectivement respecter leurs engagements en la matière.

Pristina exige ainsi que la mission européenne soit déployée, entre autres, en accord avec le plan Ahtisaari, la Constitution et les lois du Kosovo. Elle indique qu’elle rejette le plan en six points de l’Onu dans son intégralité et que les institutions du Kosovo entretiendront une collaboration étroite avec Eulex dans l’ensemble du Kosovo sur la base des documents mentionnés ci-dessus et de l’intégrité du Kosovo. Finalement, Pristina réaffirme dans son quatrième point la collaboration de ces mêmes institutions avec les USA, l’UE et l’Otan.

Avant de quitter le Kosovo pour Genève afin d’y rencontrer le Secrétaire général adjoint des opérations de maintien de la paix des Nations Unies Alain Le Roy, Fried endossa le plan en quatre points soumis par Pristina, qu’il jugea être « une bonne plateforme pour aller de l’avant ». Feith, qui représenta l’UE dans les négociations menées par l’Américain, s’estima lui « heureux d’entendre » que le Kosovo s’engageait à travailler avec l’UE et l’Onu, pourtant mentionnée nulle part dans les quatre points, en vue du déploiement d’Eulex.

Alors que le ballet diplomatique visant à conférer un cadre légal à la reprise de flambeau des mains de l’Onu par l’UE doit se poursuivre cette semaine aux plus hauts niveaux avec, d’un côté, le Haut Représentant pour la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC) de l’Union européenne Javier Solana devant s’entretenir de la question avec la Secrétaire d’état américaine Condoleeza Rice et le Secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon et, de l’autre, une délégation kosovare constituée par le Président, Premier ministre et Ministre des Affaires étrangères se rendant en visite de trois jours à Londres, Pristina s’efforce de maintenir la pression sur l’UE via les personnels d’Eulex qu’elle a déjà déployés sur le terrain.

Elle fait pour cela appel à tout son arsenal de mesures psychologiques, celles-ci allant des menaces de reprise des armes proférées la semaine dernière par une association d’anciens combattants de l’armée de libération du Kosovo en cas d’adoption du plan en six points de l’Onu, à la démonstration organisée par une trentaine d’organisations non gouvernementales contre ce même plan à laquelle participèrent plusieurs milliers de personnes à Pristina hier (19 novembre), en passant par l’explosion de vendredi dernier.

L’UE, du fait de sa précipitation pour obtenir un accord avant le 2 décembre, date butoir qu’elle s’est fixée en accord avec les 120 jours de passation de pouvoir entre la Minuk et Eulex prévus par Martti Ahtisaari, et soucieuse de légaliser sa mission au Kosovo à cause de l’unité fragile sur le dossier de l’indépendance du Kosovo que cinq de ses membres persistent à ne pas vouloir reconnaître, se trouve désormais à la croisée des chemins de tous les chantages, y compris américains.

Le chantage kosovar demeure de loin le plus préoccupant et les bases juridiques plus que bancales sur lesquelles l’UE prétend asseoir sa mission visant à « l’instauration d’un Etat de droit » au Kosovo augurent mal de ses perspectives de réussite. Nous sommes également en droit de nous interroger sur la nature des rapports futurs entre l’Union et les Albanais du Kosovo qui aspirent à la rejoindre tout en ayant les yeux rivés sur l’Amérique, dont ils clament être les plus proches alliés dans le monde musulman.

Continuant sur la lancée ayant mené à l’indépendance du Kosovo au mépris des règles élémentaires régissant les relations internationales depuis la seconde guerre mondiale, Bruxelles et les principales capitales européennes risquent fort de voir la mission Eulex, qu’elles présentent volontiers comme la pierre angulaire de la PESC, s’enliser, voire sombrer, en cette terre de non droit. L’arrogance dont elles ne manquèrent pas de faire preuve jusqu’à aujourd’hui fait invariablement penser à la conclusion de la fable de la cigale et la fourmi :

Vous chantiez ? j’en suis fort aise

Et bien ! dansez maintenant.


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4 réactions à cet article    


  • ASINUS 20 novembre 2008 13:48

    ces cons d européens non rien trouvé de mieux que de creer de toute piece un etat mafieux c est vrai que ça manquait dans le decor ,a l aube de 2012/2014 vous voulez parier que trop occupé avec les chinois
    pour continuer a faire chier les russes oncle sam nous laisseras nous debrouiller avec cette belle poudriere



    bis repetita placent , ayant donné au kossavars une terre serbe au motif que les kossovars y etaient les plus nombreux qu attendent les yankee pour rendre la californie au Mexique


    • Cug Cug 20 novembre 2008 14:40

       Le Kosovo est un avant poste US de l’oligarchie financière anglosaxonne servant à écouler l’héroine afhgane en Europe, à emmerder les russes et à saper l’UE.


      • zelectron zelectron 20 novembre 2008 16:11

        Jean-Pierre Jouyet se "tire" après avoir semé la zizanie (acidkloridrix ?)


        • CaillouVert 21 novembre 2008 00:32

          Merci. Dernière info : trois Allemands arrêtés, suspecté d’être les auteurs de l’explosion.

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