« Dati Danielle », Garde des sceaux : les outils acérés d’une caricature de Popette
Une caricature de Popette a fait mouche, le 2 décembre sur AGORAVOX, tant elle est délicieusement féroce et donc forcément injuste. Mais a-t-on pris le temps de la regarder ? Elle mérite qu’on y revienne. Elle claque comme un coup de fouet par l’économie de moyens dont elle use : jeu de mots, intericonicité, pastiche, amalgame et comique suffisent à fustiger la Garde des sceaux, Mme Rachida Dati, d’un revers de main.

L’équation abusive par jeu de mots
Rien de tel qu’un jeu de mots pour faire se télescoper entre elles deux idées ou deux personnes, fussent-elles les plus éloignées, et les assimiler. Manque de chance pour elle ! Le patronyme de la Garde des sceaux sonne comme l’hypocoristique « Tatie » dont neveux et nièces appellent souvent leurs tantes : il y a tout juste une différence de sonorité entre les deux dentales, « D » et « T ». Cette équation de sons est donnée abusivement en toute mauvaise foi pour une équation de sens : Dati = Tatie.
Pastiche et intericonicité
La porte est alors ouverte à l’intericonicité qui pousse à reconnaître dans l’image inconnue de Dati une image bien connue, du moins si l’on en a gardé le souvenir, car elle date de 1990 : c’est celle de l’affiche du film « Tatie Danielle », d’Étienne Chatiliez. Le caricaturiste aide le lecteur à faire la culbute de cette reconnaissance par un pastiche parodique. Pour mémoire, Tatie Danielle est une vieille tante de 82 ans que ses neveux ont la gentillesse d’héberger, mais qui s’ingénie par tous les moyens à leur empoisonner la vie, jusqu’à ce qu’elle trouve une « mamie-sitter », encore plus teigne qu’elle, qui finit par la mater.
Le portrait de Dati est une copie conforme de celui de Tatie Danielle, incarnée excellemment par Tsilla Chelton. Dans un même clair-obscur de noir et de marron, même éclairage sur des visages en gros plan, le regard clouant déjà sur place le lecteur inconnu ! On relève certes des différences. Les diagonales du port de tête sont opposées : Dati se cambre et Tatie Danielle plonge. Peu importe ! La signification est la même : le visage de Dati est dur, fermé, revêche avec le sourcil en accent circonflexe ; celui de Tatie Danielle a beau esquisser, lui, un sourire patelin : c’est la moue d’une sadique. Dans une sorte de métonymie expérimentale, le lecteur est à même de vérifier sur lui-même la mise en garde de l’auteur contre ces deux pestes haineuses : « Vous ne la connaissez pas encore mais elle vous déteste déjà ». Y a-t-il meilleure définition de la méchanceté que cette haine gratuite, promise avant même toute rencontre ?
La graphie du titre comme du slogan est identique sur les deux affiches : en lettres cursives, l’appellation enfantine « Tatie Danielle » paraît être écrite à la plume avec pleins et déliés de la main de neveux affectueux sans défense contre une mégère malveillante qui ne sait répondre à la tendresse d’autrui que par une volonté de le détruire. Enfin, le clair-obscur d’où ressortent les deux visages, plonge dans les mystères ténébreux d’une âme noire dont l’ histoire personnelle a modelé une conduite défiant les règles élémentaires de la sociabilité : on reste toujours sans voix devant le mufle qui ne sait même pas reconnaître un bienfait.
La distorsion génératrice de comique
Le comique surgit ici, comme toujours, de la perception d’une distorsion entre ce qui est et ce qui devrait être. Il va de soi qu’il y a amalgame : Mme Dati n’est pas Tatie Danielle, ni dans les traits, ni dans la situation, ni dans la conduite, ni dans les responsabilités. Le sourire corrige la distorsion. Mais il a beau faire pour rétablir les différences : la copie reste contaminée par l’original. Cet air revêche qu’ affiche Mme Dati n’est-il pas la métonymie de la névrose qu’on diagnostique chez Tatie Danielle ?
On suppose que la dernière bévue où s’est illustrée la Garde des sceaux, n’a pas peu contribué à ce portrait à charge. Elle ne l’a pas volé ! Elle n’a rien trouvé de mieux, avec la ministre de l’intérieur d’ailleurs, que d’estimer « régulière » la procédure d’arrestation du directeur de la publication de Libération, vendredi 28 novembre, quand son patron et mentor, le président de la République, lui-même, a dit comprendre « l’émoi » qu’elle suscitait et décidé de confier à une commission la charge de réfléchir à « une procédure pénale plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes ».
Comment s’étonner qu’en regard de ce jugement plein de bon sens et de justesse, la conduite de la Garde des sceaux fasse figure d’épouvantail ? Mais peut-être après tout est-ce le rôle qui lui est assigné pour que rayonne en majesté et en gloire le président au tympan de la République. Face à la bêtise épaisse, le bon sens le plus terre-à-terre paraît toujours pétiller d’intelligence. Paul Villach
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