DCRI et salafisme : une manipulation bien orchestrée ?
C'est à la façon dont un pouvoir en place gère sa communication que les soupçons de manipulation de l'opinion apparaissent. Avec ce qu'il convient d'appeler l'affaire Merah, nous y sommes, car l'évidence est devant nos yeux. Un pouvoir qui a, on vient de l'apprendre, fait de la rétention d'information auprès de son propre peuple, afin de distiller un message, celui d'un fou, taxé désormais de psychopathe dans les journaux comme le Figaro, un fou ayant agi isolément. La théorie du loup solitaire, si pratique pour ce pouvoir car le plus difficile à déceler et à contrôler. Or, depuis décembre dernier, et même bien avant, ce même pouvoir savait que les frères Merah avaient remis en place la filière d'exploration de jihadistes, grâce à une bande organisée, héritière directe de celle de 2007, elle même héritère de celles de 2002, 2003 et 2004, qui s'était tout simplement établie à Nice et non plus à Toulouse, dirigée par un prédicateur recrutant des jeunes dans le milieu du football, un homme qui de surcroît est à l'origine très certainement de l'arsenal hétéroclite découvert chez Mohamed Merah, car lié au banditisme ; l'auteur d'un braquage en 2003. Cela faisait quatre mois que cette bande avait été découverte, et les policiers aux ordres de Nicolas Sarkozy ne nous l'ont révélé qu'hier. Ils savaient depuis que les frères Merah étaient sur-armés, endoctrinés et liés à la même mouvance salafiste réactivée qui avait été condamnée en 2009. L'avouer aujourd'hui fait preuve de manipulation. Toute l'équipe aurait dû être arrêtée en décembre dernier. Or, pour la seconde fois, ce sont les mêmes qui sont passés au travers des mailles du filet. Les mêmes, à savoir les frères Merah !
Mais laissons la presse locale ouvrir les vannes, après certainement un embargo très certainement demandé par ce pouvoir : l'information que ce journal distille le lendemain de la fin de la tuerie est cruciale. "Selon le journal "Nice Matin" du 26 mars 2012, un réseau islamiste avait été démantelé à Nice en décembre 2011. Omar Diaby, un Sénégalais de 37 ans, avait été interpellé le 9 décembre 2011. La raison de son interpellation ? Il s'apprêtait à faire partir trente jeunes issus de la cité Bon Voyage, à l'est de la ville, pour l'Afghanistan. Omar Diaby avait déjà été condamné en 2003 pour le braquage d'une banque à Monaco. Il se serait radicalisé en prison où il aurait appris le Coran. Il était membre actif, (avec quelques autres personnes) de "Forsane Alizza". "Forsane Alizza" était une organisation islamiste dissoute par Claude Guéant le 2 mars 2011. Omar Diaby et quatre autres personnes originaires de la Côte d'Azur étaient sous surveillance des services de renseignement français depuis plus d'un an. Selon une source officielle citée par Nice Matin, des "liens" auraient ainsi été mis en évidence entre Omar Diaby, basé à Nice, et Mohamed Merah, l'assassin de Toulouse. Si rien n'indique qu'ils préparaient un projet terroriste commun, ils partageaient semble t-il la même vision de l'islam radical. Reste à savoir pour quelle raison l'annonce du démantèlement de ce réseau, qui date de décembre 2011, est révélée aujourd'hui, à quelques semaines du 1er tour des élections présidentielles en France".
Bref, nous avons déjà tout ce qui représente un plan machiavélique pour aboutir à des événements dramatiques : la non-arrestation, pour la deuxième fois, d'un organisateur de réseaux de combattants jihadistes !
1) on apprend donc après via ce journal que l'on a arrêté quelqu'un de dangereux en décembre dernier : on est ravi, à se demander pourquoi on ne l'apprend que maintenant ! Les circonstances ? Il s'agît d'un bête contrôle policier et non pas d'une action de la DRCI : "le 9 décembre dernier, il aura suffi d’un banal mais opportun contrôle d’identité pour annuler le « voyage ». Le jour même du départ prévu, Omar Diaby a été interpellé devant la gare Thiers à Nice où il venait récupérer deux « frères fidèles » prêts à le suivre en terre d’islam. Rattrapé par une vieille affaire de droit commun – un trafic de pièces de voitures remontant à plus de six ans – le prédicateur des quartiers Est est depuis sous les verrous".
2) en décembre dernier, la DRCI (on suppose qu'elle était au moins au courant !) sait donc qu'il y a un salafiste qui est en train de réactiver le réseau des salafistes toulousains de 2007. Le sait-elle au moins cette DRCI ? oui, confirment des sources policières il était "sous la surveillance de l'anti-terrorisme depuis un an" nous dit-on. Personnellement, j'irai jusque davantage, en disant au minimum cinq. On relève tout de suite une contradiction entre l'arrestation et la surveillance : ce n'est qu'un autre type de police qui l'arrête, alors que la DRCI l'avait sous son "contrôle". Le même "contrôle" que celui exercé sur la famille Merah à Toulouse, ajouterai-je ! Plutôt lâche, le "contrôle". On assiste encore une fois, sinon à une guerre des polices, du moins à un interférence entre des gens qui font leur travail, recoupent les maigres éléments qu'on leur a distillé, et un organisme qui savait beaucoup de choses et qui a choisi de laisser faire.
3) ce salafiste est actif sur le site Forsane Alizza, le fameux site fermé par Guéant en janvier dernier, dont on retrouve facilement le forum évoquant des "entraînements", "en ville", pour "le combat". Des salafistes qui se baladeront en manif avec le Front National comme l'avait détecté Max Blumenthal. "Dans les rues de Paris le 20 octobre 2011, les membres de Forsane Alizza et de l’extrême droite française font campagne commune". Etrange liaison contre nature, qui ne cesse toujours d'étonner. Mais il y a mieux encore à ce propos : comme notre "Abou Yasin" qui était venu s'épandre chez Forsane Alizza, notre chef local de réseau, qui se fait surnommer "Omsen", est allé lui aussi s'épancher, et de la même façon sur le forum de ce site d'allumés notoires. Et voici ce qu'il y a laissé pour expliquer son arrestation :
"Nous devions accueillir tous les terres et soeurs sincères ayant fait le déplacement afin de faire une choura (consultation-Dans le cadre religieux musulman c'est un concile de juges musulmans.), de parler de la aquida (la croyance). des détails du projet, de la destination finale ainsi que du procédé. certains frères sont arrivés par avion, et d'autres par train, nous avons donc accueillis les premiers frères à l'aéroport de Nice et avons attendus de 8h du malin jusqu'à 'heure du jumu'a le vendredi 9 décembre. Une quinzaine de frères venant de partout avaient pris des vols différents avec des horaires différents. nous sommes ensuite partis tous ensemble faire la prière du jumu'a (La prière en groupe, ou Salâte Jumu'a). Après celle-ci, nous nous sommes séparés en deux groupes, l'un est parti directement à l'endroit où devait se tenir la réunion, moi et l'autre groupe sommes partis chercher quatre autres frères, deux qui nous attendaient â une autre mosquée et les 2 autres â la gare. Nous nous sommes donc rendus à la gare en premier et c'est la que la police nous attendait et s'est dirigée vers nous pour nous interpeller, je leur ai demandé ce qu'il se passait, il m'ont répondu que c'était un contrôle. ils ont fait des vérifications puis ont dit qu'ils avaient une fiche de recherche, je fus donc arrêté avec les frères. ceux-ci furent relâchés plus tard, excepté moi. Je fus donc mis en prison le soir même. Fin de citation".Le commentateur rajoutant : "A l'heure actuelle. Omar doit être transféré vers un autre établissement pénitencier du jour au lendemain. Aucun membre de sa famille ne connait la date de son transfert. Ses enfants ne le verront plus."
4) on a donc affaire à un salafiste, mais aussi bel et bien à un truand véritable, reconverti dans le salafisme : Omar Diaby est un "ancien braqueur reconverti" en ce moment incarcéré pour une autre affaire… de délinquance (le trafic de pièces de voitures expliqué plus haut). "Omar Diaby avait déjà été condamné en 2003 pour le braquage d'une banque à Monaco" précise le journal. On détient là, sans aucuun doute, origine de l'argent des armes retrouvées chez Mohamed Merah ; comme l'avait découvert aussi comme fonctionnement le juge Bruguière avec un groupe Montpellierain (ce que je vous propose de voir un peu plus loin).
5) Notre bandit reconverti avait un lieu de recrutement fort privilégié : les terrains de foot, tels ceux que pratiquait Merah à Toulouse. Il y prônait "une lecture radicale du Coran, que ce Sénégalais de 37 ans prêchait loin des mosquées. « La communauté et les imams ne l’auraient jamais laissé faire. » Alors, c’est sur le terrain de foot de la cité Bon-Voyage, dans des squats du centre-ville ou sur le Net en postant des vidéos qui appellent à l’hijra et légitiment voire magnifient le jihad que Omar Diaby réécrivait son « histoire de l’humanité ».
Car notre homme, plutôt inculte, s'était aussi trouvé une autre vocation, celle de prof d'histoire ! Sur le net, et encore actuellement sur You Tube, ce qui ne lasse pas de m'étonner, on peut toujours y regarder ses œuvres, toujours pas interdites par un Guéant passablement peu vigilant sur la question. Une révision, c'est bien le mot, de l'histoire, faite sous le nom d'"Omsen", consistant à emballer des prêches d'un autre prédicateur, une espèce de longue saga abracadabrantesque, intitulée "La Biographie Prophétique" (Seera Nabawiya) présentée par le Sheikh Nabil Al-Awadi et présentée sur la chaîne Al Watan en septembre2008. Un prêcheur contesté , comme on peut le lire en forum de débats islamistes :
"J'ai vu sur la chaine Al chariqa , qu'il y avait un chaykh qui faisait un darss et la mosqé était rempli de monde , et ce chaykh s'appelait Nabil Al 'Awadi . Est il connu pour etre salafi ou non ? Barakallahou fikoum ."
"voila akhy ce que j'ai trouvé http://www.sahab.net/sahab/list.php?...ED&action=list"
"en fait nabil al awadi n'est pas salafi , il est sourourri."
Sourouri, exactement, à savoir des disciples de Mohammad Sourour, à savoir une déviance, ou une secte islamiste, dénoncée par d'autres instances islamiques comme ici par un dénommé Abdul Wahhaab Al Wassabi, qui flingue les préceptes énoncés en 20 points précis. A la fin, l'homme de religion en appel aux docteurs de cette même religion pour mettre fin à ses dires :
Je demande aux savants de la Sounnah en générale et à leur tête : Le Sheikh Ibn Baaz, Ibn ‘Outhaimine et Al -Albaani, le Sheikh Mouqbil et Al-Fawzaan et An-Najmi et le Sheikh Rabi’ Al -Madkhali, et As-Soubayil et As-Souhaymi et les autres parmi les savants du Tawhid et de la Sounnah, d’agrandir et de réunir leur effort dans l’avertissement contre cette secte égarée qui amène les gens à l’égarement. C'est-à-dire : As-Sourouriyyah." Une secte, donc.
Le contenu, toujours en ligne (je le rappelle à Mr Guéant !) la longue saga du prédicateur s'intitule "19HH", et n'est qu'un emballage du prêche de Sheikh Nabil Al-Awadi est un fatras sans nom où apparaît au bout d'une minute des images de camps de concentration. Le prédicateur y mélange tout, citant David Rockfeller et les francs maçons exactement comme le ferait un site néo-nazi. Son propos est quasi millénariste, annonçant la fin du monde, et surtout très nettement antisémite. Ceux qui nous parlent ici de brun-verts ont un héros tout trouvé !
Une chose apparaît également : la "production" de la vidéo est signée "Oms'firdaws" production. En cherchant (très peu, ça m'a pris 2minutes !), on découvre que notre studio est l'émanation d'une organisation déposée au journal officiel le 8 janvier 2005, sous le N° 388. C'est AL FIRDAWS - ASSOCIATION CULTURELLE VIGANAISE", car elle est effectivement située au Vigan, à savoir au milieu du Parc des Cévennes. Son objet : "faire connaître la culture du monde arabo-musulmane". Son "Siège social" : 10, rue des Casernes, 30120 Le Vigan. "Date de la déclaration" : 13 décembre 2004. En somme, depuis près de 8 ans maintenant, on savait qui se cachait derrière une mouvance islamiste. Avouez que ça fait long, là ,le manque... d'interventionnisme à son égard ! Une bien belle planque à vrai dire : "le Vigan se situe dans la vallée de l'Arre, affluent de Hérault. Cette petite ville de moins de cinq mille habitants se trouve dans les Cévennes, au pied du Mont Aigoual. Le tissu économique est assez varié bien que Le Vigan et sa région ait dû leur prospérité à l'industrie textile. L'agriculture et le tourisme vert sont également des domaines très présents dans l'économie de la ville".
6) Cette arrestation et sa façon de foncer sur le site Forsane Alizza pour s'y répandre, rappelle celui que je vous ai retrouvé, qui arrêté en 2007 à Toulouse, est le seul du lot à ne pas être envoyé en prison : il commentait lui aussi sur le site de Forsane Alizza. On suppose fortement que le frère de Mohamed Merah est celui qui, sous le nom d'Abou Yasin, a fait ce témoignage. Difficile d'imaginer, encore une fois, que la DRCI n'ait pas été au courant.... des liens entre Abdelkader Merah et "Omsen"...
7) En septembre, sur décision de Claude Guéant, le fameux site est fermé pour apologie de la haine. On y trouvait comme sur d'autres forums la défense de celui qui se faisait appeler Omsen, dont une signée Abu Seylan, qui se présentait comme une "sœur" de l'homme arrêté. On pouvait y lire : "je suis une soeur d’Omar et je vous fais cet appel avec son accord. Wal lLah, la situation de votre frère Omar est difficile et grave, nous avons besoin de vos du’aas et de votre soutien s’il vous plaît. Demandez à Allah que le plan de ses ennemis, en l’occurrence ici de la police française, de la pseudo-justice française ainsi que des traîtres parmi nous qui œuvrent contre lui , échoue mes frères et mes sœurs, s’il vous plait, car plus que jamais ils utilisent le faux et les machinations malhonnêtes pour arriver à leurs fins." Une vraie furie, qui racontait de bien étranges propos, comme ceux-ci : "certains qui étaient censés être avec lui, DES MUSULMANS comme vous et moi l’ont trahis aujourd’hui et ont renforcés ses ennemis contre lui, ils ont empiré sa situation (...), parmi ses traîtres, il y a en particulier une sœur qui était avant cela très proche de Omar, rapprochée, et sa mère mécréante qui lui a fait croire qu’Omar était un proxénète qui comptait grâce à la hijra trahir les frères et vendre les sœurs et les enfants qui l’auraient accompagné pour les faire se prostituer subhan Allah, ils se sont liés à la police pour asseoir leur plan qui ne tient en rien, pour rajouter encore plus de problèmes, pour empirer la situation et nuire à Omar, ce n’est qu’un exemple à titre d’illustration, mais prenez la mesure de la trahison dont peuvent faire preuve des personnes mêmes proches." Bref, qui expliquait candidement qu'on avait bien affaire à un repris de justice... très bien connu de la police. Une "sœur" qui va même jusqu'à proposer deux adresses mails de contact, comme si la police, justement, n'avait pas encore assez d'éléments à rogner sur le groupe pincé : "voici l’adresse officielle de soutien de Omar que je tiens personnellement pour lui étant sa soeur et dont vous pouvez avoir confiance, utilisez EXCLUSIVEMENT celle-ci : [email protected] (et ne tenez plus compte de celle-là [email protected])". Cela frise l'irresponsabilité... ou la manipulation, à vous de voir ; personnellement je ne penche pas pour la première solution. A lire ces contenus, on comprend pourquoi Claude Guéant a décidé brusquement de fermer le site : ce n'est pas obligatoirement pour ses appels au meurtre, c'est plutôt car il contenait bien trop de preuves d'hameçonnage policier... évidents. Une manipulation, vous disais-je.
8) le journal Nice-Matin nous annonce donc également qu'Omar Diaby et Mohamed Merah étaient en relation... je dirais plutôt la fratrie Merah, l'aîné étant semble-t-il bien plus au courant de l'organisation d"un réseau que son petit frère, comme le prouve son incarcération actuelle.
9) trois mois avant les événements que l'on connait, la police arrête donc UNE PARTIE d'un groupe salafiste et LAISSE A NOUVEAU une autre partie sans poursuites. Or, comme en 2007, où ce sont à nouveau les mêmes qu'en 2007 qui ne sont pas inquiétés. Les frères Merah, dont on dispose pourtant des "liens" avec le prêcheur sénégalais de Nice.
10) Le pouvoir en place n'a rien retenu des leçons de l'un de ceux qui a tenté de se faire élire sous une étiquette UMP : c'est un comble. Car le juge Bruguière, malgré ses ratages (au Rwanda et sur AZF), avait expliqué en détail la méthode utlisée par les recruteurs pour l'Irak dont faisait partie Abdelkader Merah et son groupe de salafistes de 2007. Dans le dernier chapitre de son livre "Ce que je n'ai pas pu dire", le juge Brugière explique en effet la METHODE des salafistes, cette secte, et ce groupuscule repéré depuis longtemps en France. Un Brugière qui n'y va pas par quatre chemins, en accusant Bush d'avoir tout fait pour arriver à son fameux clash de civilisation (que défend comme par hasard notre prêcheur niçois !). "Les faucons de Washington et plus précisément Dick Cheney et Paul WolfoWitz, avec leur doctrine de « guerre globale contre le terrorisme », ont donné une occasion inespérée à Al-Qaida de se remobiliser contre l'Occident. Cette folle stratégie politique que rien ne justifiait ni le combat contre Al-Qaida, ni le prétendu programme nucléaire secret de Saddam Hussein, a alimenté la propagande d'Al-Qaida contre les États-Unis et leurs alliés. Une situation d'autant plus opportune pour les réseaux islamistes radicaux que la riposte occidentale en Afghanistan après le 11 septembre 2001 avait réduit le sanctuaire afghan et porté des coups sévères à l'organisation Al-Qaida." Bref, Bush avait enfumé tout le monde, avec Tora Borah, nous dit Brugière !
Jean-Louis Bruguière décrit en effet très bien cette mouvance salafiste. A croire qu'à l'UMP, on ne sait pas faire circuler l'information, ou se nourrir des livres ceux qui font parti du groupe politique. La première étant celle de Farid Benyettou, repéré dès 2004. "Il a un long passé salafIste, remontant à son adolescence. Il est né en 1981 dans le 20e arrondissement de Paris. Il est le beau-frère de Youssef Zemmouri, personnage bien connu de la mouvance islamiste radicale. Zemmouri est un ancien du GIA, condamné à deux reprises, la première fois dans le cadre du démantèlement du réseau de Chasse-sur-Rhône (impliqué dans la préparation des attentats de 1995), la seconde en 1998, lors de la neutralisation du réseau Saïki. Interdit définitivement du territoire français, Zemmouri sera expulsé en Algérie en octobre 2004. Benyettou prendra le relais. Il va faire preuve d'un prosélytisme très actif, recrutant les jeunes à la sortie des établissements scolaires, au foyer de la rue David-d'Angers ou au sein de la mosquée Adda 'Wa, rue de Tanger à Paris. Un engagement qui va notamment déboucher sur des exactions contre la communauté juive". Brugière découvrant là une tendande lourde du mouvement : "Ce qui révèle la dimension antisémite de ce radicalisme islamiste, au demeurant assez peu soulignée. Benyettou fut également très actif dans les manifestations sur l'interdiction du voile dans les établissements scolaires ou en faveur de la cause palestinienne, organisant en particulier des prières collectives sur la voie publique. Comme les autres responsables de cette mouvance liée au GSPC, Benyettou fait preuve de beaucoup d'opportunisme : la crise irakienne suivie de l'engagement militaire américain lui fournit un puissant argument pour convaincre ses élèves de mettre en pratique son enseignement en partant en Irak. La DST, poursuivant les investigations initiales des RG parisiens, identifie cette filière naissante et ses protagonistes. En juillet 2004, elle adresse un rapport au parquet qui ouvre aussitôt une information judiciaire du chef d'association de malfaiteurs terroristes. Les éléments de l'infraction sont réunis . un groupe d'individus fanatisés, dont certains ont commis des attentats-suicides en Irak. Des recrues qui préalablement à leur départ se sont entraînées clandestinement en France au LTTE (les Tigres Noirs Tamousl) ; trois jeunes du 19e arrondissement de aris vont trouver a mort en Irak, dans la région de Falloujah". Entraînés en France, note Brugière : inutile de se rendre au Pakistan pour ça !
Un Brugière qui trois ans avant la filière toulousaine, a relevé le passage par la Syrie : "Les engagements pour l'Irak, à cette période, sont souvent individuels, comme ce fut le cas pour Muriel Degauque jeune Belge convertie, tuée en Irak lors d'une opération suicide en décembre 2005. Nombre de ces nouvelles recrues, fraîchement converties au djihad, sont inconnues des services de renseignements européens, ce qui rend leur identification particulièrement difficile Au début, Benyettou s'appuie sur un jeune Algérien Hakim Boubakeur qui se rend en Irak fin 2002. II fait plusieurs allers retours, passe d'abord par Damas, va en Irak et revient en France au début mars. On le retrouve le 15 mars en Irak, où il assiste à la chute de Bagdad. Fin 2004, il retourne en Syrie où il est arrêté avant d'être expulsé vers la France et mis en examen du chef d'association de malfaiteurs terroristes et incarcéré. Boubakeur est plus que le principal soutien de Benyettou, il est le coordinateur du réseau dans la zone syro-pakistanaise. Il organise depuis Damas, le passage de ses camarades en Irak. Dans la précipitation du départ, ce rôle sera d'abord joué par un mineur de quatorze ans, endoctriné par Benyettou. Envoyé à Damas il doit accueillir les premiers membres du groupe du 19e arrondissement et les diriger vers des passeurs pour franchir clandestinement la frontière syro-irakienne, Hakim Boubakeur prendra le relais. Il les accueillera dans son appartement de Damas avant de les diriger sur les réseaux de Zarkaoui." La filière syrienne existe bel et bien avant 2007 !!! La DST, bien plus efficace que la DRCI a-t-elle depuis été mise sous l'éteignoir par le "Squale" ?
Une équipe d"engagés au suicide en Irak qui conduit alors... à Montpellier, et non à Toulouse. "En mars 2004, deux appels téléphoniques passés avec un téléphone satellitaire depuis Falloujah sur des numéros GSM français sont interceptés. Ils proviennent de portables de Marocains vivant à Montpelljer. Les auteurs de ces appels sont impliqués dans l'assassinat de quatre Américains à Falloujah. L'enquête diligentée par la DST, sur commission rogatoire, établit que l'un des destinataires de ces appels, un Marocain nommé Hamza Sali, était parti en mars 2003 avec un de ses compatriotes en Irak, où ils ont rencontré un Libyen . De retour en France Safi et les membres de son groupe accueillent à Montpellier, au cours de l'été, ce Libyen chargé de monter une filière afin de faciliter l'envoi de djihadistes en Irak. En juin 2004, Hamza Safi repart en Irak avec un autre Marocain de Montpellier, Hamid Bach. Tous deux se retrouvent en Syrie, dans une maison d'accueil à Alep, où ils sont pris en main par un Irakien lié à Zarkaouj, chargé de les diriger sur Falloujah. Sali sera tué en Irak en octobre. Hamid Bach, lui, ne se sent pas le courage de mourir en martyr. Il revient en France au mois d'août. Mais l'Irakien de la maison d'accueil d'Alep lui confie une mission : il charge Bach de participer à des opérations terroristes sur le sol européen, en France et en Italie. Il doit fabriquer des engins explosifs Avec l'aide d'un autre membre du groupe, Bach réunit une volumineuse documentation et achète les produits chimiques pour confectionner du peroxyde d'hydrogène. Il prétendra plus tard que ce mélange chimique devait être nvoyé en Italie. Mais, compte tenu de son instabilité, tout laisse à penser qu'il était bel et bien destiné à la France. Les cibles potentielles n'ont pu cependant être identifiées." A noter qu'a l'époque la DST a déjà des moyens dont ne semble pas disposer la DRCI, qui capte le téléphone qui n'a rien de satellitaire d'Abdelkader Merah... devant l'école juive... mais après l'attentat, à t-on appris avec surprise depuis !
Ce qu'a repéré Bruguière en 2003, quatre ans avant que Sarkozy ne devienne président, c'est le prosélytisme salafiste en prison : la "découverte" de Sarkozy est donc bien tardive. Très tardive, pour quelqu'un qui nous parle régulièrement de terrorisme depuis 2007 ! "Nous avons pu déjouer ces tentatives grâce aux enquêtes conduites par la section antiterroriste et la DST, en coopération avec nos partenaires européens mais aussi algériens et marocains" précise le juge passé à l'UMP. "Des réseaux très ramifiés ont ainsi été démantelés en Europe et au Maghreb avant qu'ils aient pu agir. Au côté des groupes de nouveaux adeptes du djihad récemment radicalisés - comme ce fut le cas pour ceux que nous venons de voir sont également apparus des réseaux plus ou moins structurés, constitues de membres aguerris évoluant dans la mouvance du GIA et du GSPC algériens, pour la plupart déjà condamnés. Le premier a même été créé en prison... par Safe Bourada. Ancien membre du GIA, il avait été condamné à dix ans d'emprisonnement en février 19982 pour sa participation à la campagne d'attentats de 1995 en France. En prison, il endoctrine des codétenus et les convertit à l'islam radical. Au centre de détention du Val de Reuil, il fait la connaissance de deux membres de son futur groupe. Des détenus de droit commun condamnés à de lourdes peines l'un pour coups mortels, l'autre pour viol. A la fin de l'année 2002, Bourada décide de rédiger la charte, le « livre fondateur », d'un nouveau mouvement islamiste, qu'il dénomme Al Ansar Al Fath1. Une décision qui intervient au cour de la crise politique irakienne. Son organisation se donne pour objectif d'< aider les frères en Irak à combattre les forces de la coalition. »
Une prison où les convictions ont été renforcées, explique Bruguière : "Bourada n'a jamais abdiqué son idéal islamiste. La prison a renforcé ses convictions. Il fait du prosélytisme, convertit de nouveaux adeptes, suit l'actualité et rédige secrètement son texte. À sa sortie, en février 2003, ii crée le mouvement, Al Ansar al Fath, en compagnie des deux délinquants de droit commun recrutés en détention. L'un d'eux lui présente Mohamed Benyamina, un Algérien qui jouera un rôle essentiel dans la stratégie du mouvement. La DST saisit une copie numérique du texte de Bourada au domicile d'un des membres du groupe. La « charte » est divisée en sections, l'une d'elles s'intitule : « Appropriation des biens ». Elle est chargée du financement du groupe... (...) Le phénomène inquiétant du prosélytisme islamiste en prison par des radicaux, généralement des anciens « afghans », était connu. Mais c'est la première fois qu'un groupe terroriste se crée dans un cadre carcéral au travers de la rédaction d'un manifeste et le recrutement de détenus de droit commun. Il se constitue sans faire de bruit et sans attirer l'attention des autorités. Certes, Bourada, en raison de son passé et de son profil, fait l'objet d'une surveillance particulière, mais sa conduite ne donne rien à redire".
En fait le groupe va se faire prendre comme notre sénégalais niçois : "C'est en quelque sorte par hasard que le groupe va être découvert. Les « responsables du financement », à l'extérieur, montent une pizzeria aux Mureaux et un phone shop. Quant aux membres de la section « appropriation des biens », ils s'attaquaient aux prostitués - impies - et agressent, en juillet 2005, un travesti avenue de la Grande-Armée à Paris. Ils lui dérobent sous la contrainte ses effets personnels et une somme d'argent. L'enquête sur cette opération crapuleuse conduit à l'identification de trois membres du groupe. Suivie à l'origine par un service de la PJ parisienne, elle est rapidement confiée à la DST. Une information judiciaire est ouverte à la section antiterroriste. J'en suis chargé avec trois autres collègues de la section, dont Philippe Coirre qui avait remplacé Jean-François Ricard à son départ de la galerie Saint-Eloi. Les « responsables du financement » seront interpellés au mois de juillet (...) A l'été 2003, Bourada devient le chef, l'« émir » de son mouvement. Il reste en France, mais il se sent menacé et craint d'être surveillé par la police. Il décide de partir en Égypte en octobre 2004 pour y parfaire, assure-t-il, ses connaissances en arabe. Il ne revient chez nous qu'en septembre de l'année suivante et sera arrêté peu après." En Egypte, où séjourne alors Abdelkader Merah, parti lui aussi pour "parfaire ses connaissances en arabe". A ce stade on ne peut plus parler de hasard : le frère du tueur toulousain suit bien la même filière que celle arrêtée par le juge Bruguière !!!
Arrive un autre groupe, raconte plus loin Brugière, qui nous donne une autre clé du fonctionnement de ses groupes dangereux : la clé de leurs finances, pour équiper un seul individu de 20 000 euros d'armes, par exemple. "Les objectifs du groupe Cherifi sont triples : faciliter l'envoi de moudjahidin en Irak, se livrer à des activités de financement et monter des opérations terroristes en Europe. La partie financement sera prédominante. Le groupe participera à la création de petits commerces pour « blanchir » des fonds. Il montera une opération de vol à main armée et apparaîtra même au contact d'individus impliqués dans un faux braquage au préjudice de la Brink's." Un "faux" braquage, en effet : "l'un des convoyeurs de fonds appartenait à ce groupe d'islamistes" précise l'ancien juge. "Il leur avait transmis toutes les informations nécessaires. Lors de l'assaut, il avait été frappé par ses camarades pour ne pas attirer les soupçons sur lui. Il sera quand même confondu et tous les membres de son groupe identifiés." J.-M. Pontant ; l'interviewer de Bruguière insistant : "Cherifi a participé à de « vrais braquages » ? J.-L. Bruguière : Oui. Une tentative de vol à l'explosif contre un centre fort en octobre 2005. Ce centre blindé situé à Beauvais contenait trois millions d'euros destinés à alimenter les distributeurs automatiques de billets. Mais le coup a manqué car la charge n'était pas assez puissante. Le trou ne permettait pas le passage d'un homme... L'explosif était un explosif militaire, mais mal employé ! Le reste de l'armement, de véritables armes de guerre, sera découvert après de nombreuses péripéties lors d'une perquisition effectuée en pleine nuit dans un box de la région parisienne".
Voilà ce que racontait en effet un juge, depuis inscrit au sein de l'UMP sur la situation en France alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur : avouez qu'il lui est difficile aujourd'hui d'ignorer qu'il était parfaitement au courant du prosélytisme salafiste en prison, dénoncé ouvertement dans le livre, comme la filière d'argent des braquages pour alimenter en armes les groupes dangereux. Comme encore d'ignorer que ceux qui étaient passés au travers les mailles du filet de la police en 2007 à Toulouse faisaient aussi parti d'un réseau niçois arrêté presque fortuitement par un contrôle de police, alors que la fameuse DCRI mise en place avec à sa tête un proche, Bernard Squarcini, était censé le surveiller de près. Un juge qui vient aujourd'hui au secours d'un pouvoir en difficulté, mais qui oublie tout ce qu'il a pu écrire sur la question et que vous venez de lire.
A ce stade, on peut difficilement parler de laxisme ou d'incompétence. C'est autre chose encore. Et quand on en voit le résultat final, il n'y a qu'un seul mot qui vient aux lèvres : celui de la manipulation.
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