De Gaulle ‒ Sarkozy : la ligne droite du crime
Reprenons la phrase prononcée à la radio, le 17 novembre 1945, par Charles de Gaulle (Mémoires de guerre, III, page 275) occupé à ne surtout pas mettre "les communistes à même de dominer notre politique, en leur livrant la diplomatie qui l’exprime, l’armée qui la soutient ou la police qui la couvre".
Deux mois plus tôt, il avait engagé la France dans la guerre d’Indochine, ce qui lui permettrait, dans sa lettre de démission du 20 janvier 1946, d’écrire : "Nous avons repris pied en Indochine." Comme nous le savons maintenant, tout cela se trouverait démenti, une petite dizaine d’années plus tard, par la défaite de Dien Bien Phu (1954), et après la mort de 35.000 Français.
Voilà pour l’un des résultats majeurs de "notre" politique. N’aurait‒il été dû qu’à un moment d’égarement ? Ou bien s’agissait‒il d’une toute petite partie dans un ensemble bien plus considérable qui mijotait depuis longtemps dans la tête de cet officier qu’était De Gaulle, depuis avant même la première guerre mondiale ?
Que pouvait‒on savoir, en 1946, de Charles de Gaulle ? et dans les années précédentes ? Que pouvait savoir Jean Moulin, sitôt 1934, d’un certain lieutenant‒colonel de Gaulle, auteur du livre Vers l’armée de métier, dont Hitler allait décider, dès 1935, de faire traduire les meilleures pages à son propre usage, et à l’usage de ses états‒majors ? Qu’en savaient les Anglais et les États‒Uniens, à partir de 1940 ? Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, les Françaises et les Français n’en savent strictement rien.
Alors que Nicolas Sarkozy en a été, en Libye (2011), le meilleur illustrateur.
De façon plus générale : à travers De Gaulle, de quel personnage la France a‒t‒elle hérité ? Ce qui est clair, c’est que la grande bourgeoisie impérialiste française a très exactement hérité de ce qu’il lui fallait. La preuve ? Voilà soixante‒quinze ans que la légende d’un De Gaulle existe pour le bon peuple.
Alors qu’un Sarkozy vient de nous en offrir la reprise, bientôt relayé par un Hollande, en attendant une suite qui devrait être particulièrement sanglante quel qu’en soit l’ordonnateur.
Cette suite est déterminée par un horizon historique qui ne peut, en règle générale, être perçu que par les vigies de la grande bourgeoisie : non pas parce que ces gens‒là seraient dotés d’une lucidité spécialement développée, mais parce qu’ils connaissent les grands flux du produit mondial de l’exploitation de l’être humain par l’être humain : la finance internationalisée, et qu’ils doivent organiser les clashes nécessaires au déploiement de son empire.
L’Empire, voilà le grand mot. Qui a‒t‒on vu à la tête du dernier Empire que la France ait connu ? Louis‒Napoléon Bonaparte. Avec lui, la France a perdu l’Alsace‒Lorraine…
Mais son oncle… Quelle gloire ! Qu’il aura certes fallu payer d’un certain prix : le prix du sang. C’est ce que De Gaulle se plaisait à rappeler, alors qu’il avait déjà quarante‒huit ans (ce n’était donc plus un adolescent) dans La France et son armée (1938) :
« Napoléon a laissé la France écrasée, envahie, vidée de sang et de courage, plus petite qu’il ne l’avait prise, condamnée à de mauvaises frontières dont le vice n’est point redressé, exposée à la méfiance de l’Europe dont, après plus d’un siècle, elle porte encore le poids. » (page 218)
Quel poids portons‒nous aujourd’hui de ces guerres d’Indochine et d’Algérie que nous devons à Charles de Gaulle et à la politique de guerre qu’il a initiée dès 1945 ?
Ne devons‒nous pas mettre en face de cela ce que Charles de Gaulle mettait en face des mares de sang dues à Napoléon Ier ?
« Mais, faut‒il compter pour rien l’incroyable prestige dont il entoura nos armes, la conscience donnée, une fois pour toutes, à la nation de ses incroyables aptitudes guerrières, le renom de puissance qu’en recueillit la patrie et dont l’écho se répercute encore ? » (page 218)
Ah, cette croix de Lorraine !
Et De Gaulle d’enfoncer le clou du sang et du malheur :
« Napoléon a épuisé la bonne volonté des Français, fait abus de leurs sacrifices, couvert l’Europe de tombes, de cendres et de larmes. » (page 218)
Faut‒il pousser le paradoxe jusqu’à dire que la suite des propos de Charles de Gaulle s’applique désormais à sa propre gloire, lui au crédit de qui Algérie, Indochine puis Vietnam permettent de mettre, toutes nationalités confondues, environ 2.130.000 morts :
« Pourtant, ceux‒là mêmes qu’il fit tant souffrir, les soldats, lui furent les plus fidèles, et de nos jours encore, malgré le temps écoulé, les sentiments différents, les deuils nouveaux, des foules, venues de tous les points du monde, rendent hommage à son souvenir et s’abandonnent, près de son tombeau, au frisson de la grandeur. Tragique revanche de la mesure, juste courroux de la raison ; mais, prestige surhumain du génie et merveilleuse vertu des armes. » (page 218)
Or, l’instrument du crime est encore là, dans nos mains. Nous en devons la révélation à Nicolas Sarkozy. La Cinquième République conserve son potentiel de nuisance. Ne pourrait‒elle pas convaincre l’Europe de se hisser à la hauteur de quelques millions de morts ici ou là ?...
Voilà le grand message d’espoir porté par les Livres blancs de 2008 et de 2013 :
http://www.micheljcunysitegeneral.sitew.fr
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON