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Accueil du site > Tribune Libre > De l’âne Burger à l’Anémie Internationale Equine

De l’âne Burger à l’Anémie Internationale Equine

Voici donc le 3ème épisode de la saga bovino-équine, commencée avec Harinordoquy puis continuée avec Bresciani.

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Sur l’autoroute en Roumanie

Si nous avons pu identifier les destinataires, il nous restait à bien mesurer la méthode au plan local, et c’est ainsi que deux journalistes de France 2, Tristan et Antoine, tels Don Quichotte et Sancho Pansa décidèrent, un beau jour de février, de venir chasser en Roumanie les moulins à viande.

Pour bien comprendre le problème ils se sont donc rendus aux fins fonds de la Transilvanie, dans un village improbable nommé Nemşa, pour y rencontrer les aborigènes et connaître de leurs us et coutumes. C’est ainsi qu’ils eurent confirmation de la méthode employée pour dépister les chevaux malades.

Un beau jour de l’été 2008 des vétérinaires sont venus de la ville, pour eux c’était Sibiu, mais l’opération était nationale et se déroulait simultanément dans la plupart des départements de Roumanie.

Ils sont entrés chez l’un des villageois, appelons-le « Rica » et ont constaté qu’il avait deux chevaux pour une seule charrette, soit un de bonus. Dans un premier temps ils ont découvert que l’un de ces chevaux, le plus grand et le plus beau, n’avait pas sa puce électronique et que donc on ne pouvait pas vérifier la concordance avec les mentions sur le passeport du dit cheval. Ils décident de saisir l’animal mais voilà que c’est Rica qui rue, tempête, et finit par mettre à la porte cette docte assemblée de vétérinaires, non sans être menacé de voir arriver la maréchaussée et se retrouver au trou avec un dossier pénal. Le grand chef vétérinaire de Sibiu se déplace et après une nouvelle négociation avec Rica il vérifie et convient que ses émissaires avaient mal cherché, effectivement le cheval avait bien une puce.

Le temps passe, l’hiver aussi, et les beaux jours revenus, la même équipe est de retour avec les mêmes intentions. Cette fois ils font des prélèvements sur les deux chevaux de Rica, et le verdict tombe : le chétif est en excellente santé mais l’autre, le plus grand et le plus gras, celui qui fait 600 kilos, est très malade, il a cette AIE tant redoutée par Bruxelles.

Rica est abattu, ce cheval-là, c’est celui qui l’emmène quotidiennement aux champs, avec qui il fait les marchés du coin, qu’il laisse monter par les touristes autrichiens l’été, bref c’est son compagnon et son gagne-pain. Et pire, l’autre cheval, le chétif, qui a vécu 10 ans côte à côte avec le cheval malade, n’a rien. Vous avez dit contagieux ?

La mort dans l’âme il se résigne et emmène son compagnon à l’abattoir de la société Carmolimp, seul habilité au plan régional à récupérer ces animaux « contagieux ». Il visite, discute, et apprend que tous les chevaux amenés ici sont destinés à l’export, principalement l’Italie. Il insiste et sera autorisé à voir une dernière fois son vieil ami, dans des sacs plastiques bien emballés. Après lui avoir souhaité bonne route, il rentre au village et va se consoler au bistrot du coin. Il raconte, d’autres paysans aussi, et au final ils découvrent que, rien que dans leur coin, ce sont 20 chevaux qui ont été réquisitionnés pour cause d’AIE, tous grands, forts, charnus, bref une anémie particulièrement fortifiante.

Tristan Quichotte et Antoine Pansa, intrigués, décident d’aller faire un petit tour du côté de cette société Carmolimp, caméra et microphone en mains. Hélas, le directeur, qu’ils avaient prévenu de leur visite, n’est pas là, et pire il est dans le seul endroit de Roumanie où les téléphones portables ne fonctionnent pas. La cerbère qui gère l’accueil des visiteurs leur dit de continuer à téléphoner sans relâche, espérant qu’ils vont se lasser et rentrer dans leur nid douillet parisien. Mais nos deux poursuiveurs de moulins à viande persévèrent et commencent à tenter d’interviewer les personnes sortant de l’usine. Black-out total, pas un mot, pas une réponse, des visages fermés, renfrognés, des hommes qui accélèrent en les contournant, la peur au ventre.

Soudain un break noir sort par le portail, il est vitré et, outre le chauffeur, nos deux pourfendeurs voient, et filment des dizaines de sacs de plastique pleins de viande. Si cela ne sent pas le cheval, cela sent le respect des normes : et la chaîne du froid, là dedans ?

Derrière le portail deux hommes discutent, l’un tout en blanc avec des chaussures en plastique blanc, très certainement le responsable de la partie abattoirs, l’autre sale et mal habillé. La cerbère les rejoint quelques minutes. Après ce passage de consigne l’homme en blanc repart, la cerbère se cache dans sa guérite et le 3ème homme vient vers nos deux aventuriers. Les insultes fusent, en roumain, puis les menaces, de plus en plus claires, il leur est même dit qu’ils vont se faire sodomiser puis que leur voiture et leurs têtes vont être massacrées car il va appeler des tsiganes. Le tsigane ! Le père fouettard roumain ! L’arme ultime pour faire peur.

Nos deux héros ne se démontent pas et enregistrent consciencieusement les dires et menaces de ce justicier d’un autre âge, lequel monte de plus en plus en pression. Voyant que rien ne fait partir Tristan Quichotte et Antoine Pansa, qui restent en dehors des locaux de Carmolimp mais ont l’outrecuidance de continuer à filmer, le vigile hargneux décide de sortir et commence à les canarder avec des pierres qu’il ramasse au fur et à mesure de sa charge. Rien n’y fait, le caméraman continue son travail, l’homme est déboussolé. Il décide alors d’employer les grands moyens et armé d’un essuie-glace de voiture, il entreprend de courser Tristan Quichotte sur la route nationale puis de le battre, sous le regard amusé d’Antoine Pansa et de sa caméra.

Ces derniers finalement décident de monter dans leur véhicule, un Tucson de 110 vaches-vapeur, et partent tranquillement, non sans être dépassés par leur bourreau au volant d’une Audi break noire, qui était stationnée dans l’enceinte de Carmolimp.

Quelques heures plus tard ils auront au téléphone le directeur de Carmolimp, subrepticement revenu à son bureau, qui se confondra en excuses, bien évidemment, et qui rejettera toute la responsabilité sur cet individu qui les a attaqués et ne fait pas partie de sa société, bien qu’il puisse y entrer avec son véhicule personnel. Bonjour le sérieux et la sécurité !

Pour résumer nous dirons que les chevaux malades de l’AIE et abattus dans les abattoirs n’étaient très certainement pas malades, mais bien gras, et donc propres à la consommation. Que le fait de les déclarer malades a fait diviser par 4 leur valeur et donc le montant des dédommagements reçus par les paysans, victimes de cette manipulation. Que le fait d’en faire ensuite des bœufs a fait quadrupler leur valeur dans l’autre sens, bref un rapport d’un à seize.

Pour ceux qui seraient indignés de cette histoire et auraient peur que des têtes ne tombent, sachez que le directeur de Carmolimp, Valentin Soneriu, a été nommé en janvier 2013 Secrétaire d’Etat au Ministère de l’Agriculture, et qu’il a confié les rênes de la société à son père, Olimpiu. Deux promotions pour le prix d’une, en plein scandale de la jument folle.

Pour les juristes, qu’ils sachent que les lois roumaines interdisent catégoriquement l’import de viande provenant d’animaux malades, mais que les lois roumaines ne légifèrent pas du tout en ce qui concerne l’export d’animaux malades. Et ce qui n’est pas interdit est bien entendu autorisé : ici et ailleurs !

Pour les européanistes convaincus qu’ils sachent que le copieux rapport de visite fait par les services de l’UE en Roumanie en 2009 dans le but de vérifier les choses à harmoniser n’a pas remarqué cette lacune dans les lois locales.

Pour les sadiques et ceux désireux de voir courir des journalistes, les images de cette épopée seront diffusées jeudi 7 mars lors de l’émission Complément d’enquête, sur France 2.

 


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15 réactions à cet article    


  • alinea Alinea 28 février 2013 17:33

    Bon, ma soirée est foutue ; on se demande pourquoi ce con de Rica s’est laissé faire ! c’est à en mourir de chagrin ! Je fais probablement une projection, c’est sûr même, mais enfin bordel ! on ne va pas nous foutre la paix !!


    • Gérard Luçon Gérard Luçon 28 février 2013 17:40

      Rica ? tu le verras probablement a la tele, quand il parle de ses chevaux il est « attendrissant » ... Au fait j’ai aussi obtenu la fameuse facture vers Spanghero ou il y a le code international des canassons, 0080, et le texte est : « viande hachee d’agneau » ...


    • alinea Alinea 28 février 2013 18:16

      Autant je n’étais pas choquée ( je prenais sur moi) qu’on pût manger du cheval malade tant que sa maladie n’était pas transmissible à l’homme, autant je n’avais rien à faire qu’on le fît passer pour du boeuf, autant cette arnaque-là me hérisse ; il ne s’agit pas ici d’éleveurs mais de compagnons du cheval ; c’est une toute autre histoire, sentimentale !
      Et si en plus le mouton rapplique !! Mais c’est un scoop ça !
      Je suis bien contente d’être végétarienne, je vous jure !
      Ceci dit, les petits inspecteurs vétérinaires, ne devaient pas être payés bien cher pour sillonner le pays et trouver, ça et là, un pigeon, enfin, un cheval !


    • foufouille foufouille 28 février 2013 17:53

      je me doutais que c’etait la grosse arnaque a pognon


      • Gérard Luçon Gérard Luçon 28 février 2013 18:45

        rien que pour Spanghero, c’est a dire pour la cooperative Lur Berri, proprietaire a 99% de Spanghero, j’ai 3 factures,

        -18 tonnes de viande le 3 janvier,

        -18 tonnes le 9 janvier,

        - 24 tonnes le 12 janvier

         

        toutes avec le code 0080 ....


      • xana 28 février 2013 19:33

        Aujourd’hui justement une de nos voisines (j’habite le village de Moșna, à quelques kilomètres de
        Nemșa) m’ a raconté avoir été victime d’une tentative d’escroquerie identique, une équipe de vétérinaires de Sibiu a tenté de les forcer à faire abattre un de leurs chevaux. Ces voisins ne sont pas des paysans naïfs et ne se sont pas laissé faire, mais beaucoup de paysans ici ont été escroqués.


        • Gérard Luçon Gérard Luçon 1er mars 2013 04:04

          Merci Xana de confirmer cette escroquerie par ton exemple ...


        • Gérard Luçon Gérard Luçon 1er mars 2013 04:10

          petite erreur que je me dois de recitifier dans mon commentaire vers Alinea et Foufouille :

          Le code international No 0205 correspond à cheval ane mule,

          celui 0080 signifie congelé.Pour l’agneau c’est 0204

          http://www.service-public.fr/actualites/002666.html

          Comme sur les 3 factures l’ensemble a eu comme codification

          Minerai 90/10 VL 0205 0080

          on peut penser que le cheval-ane-mulet-mouton-agneau a ete renommé Vache Laitière ??


          • Yvance77 1er mars 2013 11:38

            « Minerai 90/10 VL 0205 0080 »

            L’erreur vient Spanghero c’est vérifié. Le réceptionniste, pensait que le chauffeur livreur mentionnait le numéro de plaque d’immatriculation de son camion.


          • Gérard Luçon Gérard Luçon 1er mars 2013 12:31

            d’autant plus que VL, c’est le departement de Vilcea, qui est limitrophe


          • ricoxy ricoxy 3 mars 2013 04:00

            ► « on peut penser que le cheval-ane-mulet-mouton-agneau a ete renommé Vache Laitière ?? »

            Tiens, on en arrive aux anciens mythes d’animaux à tête de lion, à corps de bœuf, à pattes de cheval, à queue d’aigle ... L’Union européenne des viandes d’animaux, ou une nouvelle mythologie, celle qui consiste à escroquer le consommateur en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes.


          • gegemalaga 3 mars 2013 11:12

            erreur , n° de la plaque d’immatriculation, confusion...vous ne nous prenez pas pour des CONS ( tout court) !!


            si vous voulez faire une enquete : déclaration D.E.B. : 

            c’est fait mensuellement par l’entreprise qui importe 
            cela mentionne le code douane du produit 
            c’est informatisé et centralisé par la douane ( je pense Toulouse pour spangero).

            et là , pas de fausse barbe type d’erreur sur la facture , de mauvaise lecture : qu’a t on exactement déclaré avoir reçu ?
            gegemalaga

          • Gérard Luçon Gérard Luçon 3 mars 2013 12:56

            @gegemalaga, Yvance a vecu en Roumanie, j’y vis actuellement, les commentaires sur l’immatriculation sont des blagues


          • goc goc 1er mars 2013 11:20

            il parait que Picard a retiré tous ses paquets de lasagnes au Saumon

            ...

            si, si !!

            ....

            Ils y ont trouvé des traces d’hippocampe

             smiley


            • Gérard Luçon Gérard Luçon 1er mars 2013 12:32

              et aussi du Veau marin ?

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