De l’art de transformer un mouvement international en quelques milliers d’extrémistes
La tactique, du côté des autorités belges est désormais rôdée. Au moindre appel à manifester, qui est immédiatement intercepté par la police ou ses nombreux auxiliaires bénévoles, la presse se fait le relais des forces de l’ordre en répétant que toute personne qui essaiera de manifester sera inquiétée sinon arrêtée. Ensuite, si malgré tout des gens s’y rendent, on fait tout pour les empêcher de se rassembler, en déployant drones, sections d’assaut, cavalerie, messages anxiogènes tout droit sortis de 1984 etc.. Voire en arrêtant « préventivement » tout individu qui a le malheur de descendre à telle gare ou station de métro. Comme tout cela ne suffit hélas toujours pas, on disperse les plus déterminés avec des canon à eau, des coups de matraque, quand on ne leur fracture pas la jambe comme il est arrivé à une Bruxelloise ce week-end.
Ce samedi, de très nombreuses manifestations contre les mesures d’exception adoptées ont eu lieu dans le monde entier. L’appel avait été lancé par une association de Kassel en Allemagne, liée au mouvement Querdenken qui est à l’origine des grandes manifestations de Berlin l’été dernier. A Bruxelles, un nouveau cap a été franchi. Ce ne sont plus seulement les manifestants qui sont harcelés. Toute personne qui se trouve à proximité est susceptible de se faire contrôler, nasser voire expulser, même des familles qui se bornent à prendre le soleil et pour qui toute manifestation devrait être interdite, à moins qu’elle ait pour but de soutenir les autorités. Je doute que ce soit un bon calcul politiquement. Peut-être tous ces gens vont-ils finir par se rendre compte que dans ce nouveau régime, il ne suffit pas d’obéir à toute injonction dans la seconde pour être à l’abri. Ce choix est d’autant plus surprenant que chacun sait à Bruxelles que le bois de la Cambre est un lieu de rendez-vous traditionnel de la bonne bourgeoisie locale. Ses membres adultes n’iront probablement jamais manifester, mais il est possible que leur opinion au sujet des protestataires commence à évoluer à la lumière de cette généralisation de la répression.
Penchons-nous sur la transmutation médiatique des événements. Les médias ne se bornent plus à offrir une vision biaisée, orientée du réel, ils font ouvertement de la fiction ; ça doit être grisant pour tous ces grands professionnels qui sont souvent des écrivains frustrés. Dans la nouvelle normalité, il n’y a d’ailleurs plus d’événements, seulement des indicateurs et autres mesures. Cela explique qu’une manifestation qui malgré les menaces pesant sur ses organisateurs et participants, un déploiement policier gigantesque, les drones et les messages orwelliens, parvient à rassembler plusieurs milliers de personnes, et que beaucoup de badauds qui n’étaient pas du tout au courant rejoignaient spontanément, devienne pour les médias officiels un attroupement de quelques centaines de complotistes.
Au niveau mondial, on ne s’embête pas. Bien qu’un nombre incalculable de vidéos démontrent que la mobilisation fut forte dans de très nombreuses villes, on parle de quelques milliers d’extrémistes. Si les autorités sanitaires et les gouvernants calculent aussi mal les « cas » que les journalistes et/ou la police comptent les manifestants, il est peu étonnant qu’ils en arrivent à considérer que ce virus est une réédition de la peste…
Les idées qui s’agitent dans les cerveaux des employés de médias de grande diffusion (ainsi que d’autres professions d’encadrement des masses) sont transparentes. Certains pensent réellement que ce virus justifie tous les moyens, même les plus dictatoriaux. D’autres que les mesures sont utiles car elles préparent la population à de futurs cataclysmes. Un grand nombre n’est cependant pas ou plus dans les considérations sanitaires. Pour eux, le combat est culturel et politique : . esprits éclairés vs. complotistes, science vs. anti-science, populistes vs. démocrates, altruistes vs. égoïstes, progressistes vs. réacs etc. En réalité, leur lutte est surtout sociale. Dans leur esprit, les « négationnistes » se confondent avec les hordes trumpistes déferlant sur le Capitole, quand ce n’est pas la marche sur Rome ou la prise fantasmée du Reichstag : des bandes d’ignares crédules, des assistés et des pillards qui rêvent d’installer un dictateur populiste au pouvoir. Le fait qu’aucune figure charismatique, aucun parti n’aient émergé de la « négatosphère » ne contredit en rien cette thèse ; en réalité, rien ne saurait la contredire. Comme ceux qui ont renoncé à tout contact afin d’éviter l’infection, nos phares médiatiques sont mus par une menace largement imaginaire. Aucun des manifestants n’a l’intention de renverser le gouvernement ou de remettre en cause la Constitution, à l’inverse des autorités qui la martyrisent depuis un an. Au contraire, ils réclament le respect des libertés constitutionnelles. Dans l’imaginaire toujours plus manichéen que les éditocrates ont répandu auprès de leurs ouailles, c’est une donnée impossible à intégrer. Pour eux, il y a forcément un mouvement organisé et ultra-dangereux qui essaie d’en finir avec la démocratie, le progrès, la science ; bref, il existe un complot de grande envergure, qui légitime d’avance toutes les formes de répression. Qui sont les véritables complotistes. De nombreux cerveaux brillants ont ainsi déjà préconisé de tirer à balles réelles sur les manifestants ; rien n’est excessif quand il s’agit de sauver la civilisation… De quel côté se trouvent les penchants autoritaires ?
Ceci n’est pas un appel à la violence. Ce que nous souhaitons, c’est un retour à une objectivité minimale. Renvoyer systématiquement toute opposition aux mesures au complotisme ou au négationnisme est une insupportable violence symbolique. Si les journalistes veulent réellement que la défiance des manifestants à leur égard s’atténue, ces méthodes doivent cesser. Au lieu de se limiter à retranscrire les communiqués de police, qu’ils viennent observer ce qui se passe sur le terrain, interrogent les participants, et rendent compte avec un tout petit peu d’impartialité, comme ils sont censés l’avoir appris, et comme il était de coutume de le faire jusqu’à ces dernières années.
Nous sommes dans une large mesure des citoyens isolés, sans aucun relais dans les institutions, à qui on interdit en pratique de se réunir et même de communiquer, pas je ne sais quel hydre totalitaire. Peut-être que nous nous trompons, que les mesures actuelles, bien que totalement inédites, sont la meilleure réponse face à une menace que nous connaissons depuis toujours, et que leur objectif est uniquement sanitaire. Cela ne signifierait aucunement que nous n’avons pas le droit de nous exprimer, que nous devons être criminalisés, que toute voix critique est à proscrire. Des menaces, nous en affrontons et affronterons bien d’autres, et de plus graves. Toute contestation de la gestion politique de ces dangers doit-elle désormais être passible d’exclusion sociale sinon de prison ? Est-ce type de « démocratie » que prônent les journalistes ?
Petite remarque pour conclure. En Russie aussi, le Covid sévit. Pourtant, aux yeux de nos sentinelles de la démocratie, les manifestants pro-Navalny, qui bravent les interdictions et ont un agenda politique, sont des héros. Pourquoi sous nos latitudes toute contestation pacifique, uniquement axée sur la préservation des libertés fondamentales, est-elle nécessairement criminelle ? Parce que nos dirigeants sont par nature au-dessus de tout soupçon, uniquement préoccupés par la santé de leurs populations ? De la part de journalistes, on aurait pu s’attendre à un peu moins de naïveté, sincère ou feinte.
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